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Vous pouvez effectuer des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adressefhttp: //book s .google . coïrïl ^ 4 T — t BULLETIN DE LA f r SOCIETE DE GEOGRAPHIE. Cinquième Série. r VOMS I. LISTB DES PRÉSIDENTS HONORAIRES DE LÀ SOCIÉTÉ. MM* Marquis de Laplace. Marquis de Pastoeet. Y*^ de Chateaubbiand. C*' Chabbol db Yolyic. Becquet C* Chabrol de Croc sol. Baron Georges Cuyier. B*" Htde de Neuville. Duc de DouDEAU ville. C** d'Argout. J.-B. Etriès. Le vice-amiral de Rignt, LecoDt.-ainir. d'Urville Duc Decazes. MM. Comte de Montalivet. Baron de Barante. Le général baron Pelet. GUIZOT. De Salvandt. Baron Topinibr. C*" Jaubert. Baron de Las Cases. VlLLEMAlN. Cunin-Gridaine. L*amiral baron Roussin. L'amir. baron de Mackad B"" Alex, de Humboldt. Le Yice-amiral Halgan. MM. Baron Walckenaer. C« MOLÉ. JOMARD. Dumas. Le contre-ami r. Mathieu. Le vice-amiral La Place. Hipp. FORTOUL. Lefebvre-Duruflé. guigniaut. Bausst. Le général Daumas. Élie de Bbaumont. LISTE DES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS DANS l'ordre de LEUR NOMINATION. MM. H. S. Tanner, à Philadelphie. W WooDBRiDGE, à Boston. Le général Edward Sabine, à Londres. Le docteur J. Richardson, à Londres. Le professeur Rafn, à Copenhague. W. AiNswoRTH, à Londres. Le colonel Long, à Louisville. Ky. Le capitaine Magonochie, à Sydney. Le conseiller Macedo, à Lisbonne. Feu le profess. Karl Ritter, à Berlin. Le cap. John Washington, à Londres. Feu P. DE Angelis, à Bucnos-Ayres. Le docteur Kriegk, à Francfort. Adolphe Erman, à Berlin. Le docteur Wappaîjs, à Goettingue. Ferdinand de Luca, à Naples. L docteur Baruffi, à Turin. MM. Le colonel Fr. Coello, à Madrid. Le professeur Munch, à Christiania. Legén. C'*A. DeLAMARMORA,àTurin. Le profess. Paul Chaix, à Genève. J.*S. Abert, colonel des ingénieurs to- pographes des États-Unis. Le profess. Alex. Bâche, surintendant du Coast'Survey, aux États-Unis. Lepsius (Richard), de TAcadémie des sciences de Berlin, à Berlin. De Martius, secret, perpét. de TAcad. des sciences de Bavière, à Munich. Riepert (Henri), à Berlin. Petermann (Augustus), à Gotha. E. Lamanskt, à Saint-Pétersbourg. Hermann Schlagentweit, à Berlin. LISTE DES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS QUI ONT OBTENU LA GRANDE MÉDAILLE. MM. Feu lecapit. sir J. Franklin, à Londres. Le capitaine Graah, à Copenhague. Feule capit. sir John Ross, à Londres. Le capitaine G. Back. L*amiral James Clark Roos,à Londres. MM. Le docteur Henri Barth, à Berlin. Le rév. DavidLiviNOSTONB, à Londres. Le docteur E. K. Kane. Les frères Schlagentweit, à Berlin. Lecapit. Richard F. Burton, à Londres. Le capit. R. Mac-Clure, à Londres. | Le capit. J.-H. Speke, à Londres. Paris. — Imprimerie de L. MaetIMBT, rae Mignon, i. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE RÉDIGÉ PAR LÀ SECTION DE PUBLICATION ET MM. V. A. MALTE - BRUN, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA COMMISSION CENTRALE, ET V. A. BARBIE DU BOCAGE, SECRÉTAIRE ADJOINT. CINQUIÈME SÉRIE. — TOME PREMIER ANNÉE 1861. JANVIER —JUIN. PARIS, CHEZ ARTHUS-BERTRAND, LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE, RUE HAUTEFEUILLE, N<> 21. ' 1861. COMPOSITION DU BUREAU DE LA SOGIÉT& pouii 1860-1861. Président. S. Exe. M. Roulano, ministre de l'inslraction publique et des cultes. D / '/f #« I ^'* ramiral Romain des Fossés, sénateur. 1 tce-Prestaents, | ^ j^ ^^^^ ^^ Geossolles-Flamahens, sénateur.' j M. Alfred Mauby, membre de Tlnstitut. Acrwlaleur». | jj y^^^^^^ ^^^ Saint-Maiitin. Secrétaire, M. Himly, profess. de géographie à la Faculté des lettres. COMPOSITION DU BUREAU ET DES SECTIONS DE LA COMMISSION CENTRALE. Président. M. Johard, membre de Tlnstitut. Vice-Présidents, M. D'Avezac. M. Alfred Màijut, membrede l'Institut. Secrétaire général. M. V.-A. Malte-Brun. Secrétaire adjoint. M. Y.- A. Barbie du Bocage. Section île Correspondance. MM. A.d'Abbadie,corr.dcnnstitQt. Alex. Bonneau. Ed. ChartoD. C** d'Escayrac de Lauture. E. de Froidefonds des Farges. Victor Guérin« „_ Adjoint : M. Lejean. MM. Aug. Himly. Gabriel Lafond. De la Roquette. Ernest Morin. Noël des Vergers, corr. de l'Inst. Section de Publication. MM. Buisson. E. Cortambert, Alfred Demersay. . Guigniaut« de TlnstituL Lourmand. Jules Duval. Adjoint : M. Alfred Jacobs. Section de Comptabilité MM. Albert-Montémont. Bouillct. F.-A. Garnier. Adjoint : M. Fabre. j4rchiviste'bibliothécaire. M Trésorier de la Société, M.Meignen, notaire, rue Saint-Honoré, 370. Agent de la Sociétés M. Noirot, rue Christine, 3. MM. Morel-Fatio. DeQuatrefages, de Tlnstitut. . Élkée Reclus. Sédillot. Trémaux. Vivien de Saint-Martin. MM. S. Jacobs. Lefebvre-Duruflé. Poulain de Bossa y. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE. UNYIER 1861. Mémoires 9 Motieeii» e|c« EXTRAIT D'UN VOYAGE EXÉCUTÉ, EN 1860, DANS LE SAHARA OCCIDENTAL. PAR M. LE CAPITAINE D'ÉTAT-MAJOR VINCEHT. Notre colonie du Sénégal attire tous les jours davau- tage rattention de la mère-patrie ; naguère c'était le pays aux événements fabuleux, au climat meurtrier; aujourd'hui il n'a conservé de son ancienne réputation qu'une chaleur exceptionnelle, il est vrai, et l'insalu- brité inévitable dans une zone inter tropicale, basse, baignée par les pluies torrentielles de l'hivernage et les débordements du fleuve. Le gouverneur, M. Faidherbe, après avoir inauguré une politique nouvelle, obtenu une tranquillité qui n'est plus achetée au prix des nombreuses coutumes payées aux indigènes, après avoir fait craindre et res- pecter le nom français par de glorieux combats, ne se («) contente plus d'une influence localisée sur les bords du Sénégal, mais T étend en même temps que nos relations commerciales sur un immense espace de ter- rain, au milieu duquel coule le fleuve servant de base et d'appui. Hier encore, la géographie de ces contrées était pour ainsi dire inconnue ; en peu d'années, la carte se couvre des noms que l'on entend à chaque instant dans la bouche des indigènes. M. Faidherbe communique à tous son audace et son initiative. Le commerce ne craint plus de faire les voyages si redoutés du haut fleuve; une poignée d'hommes maintient l'ordre sur une ligne de plus de 200 lieues, tient tête à un fanatique mulsulman dont la parole éloquente entraîne des populations entières et qui, bientôt fatigué d'une lutte inutile, viendra nous demander la paix; nos établissements ne sont plus isolés, des postes sont échelonnés le long du fleuve et se prêtent un mutuel secours. Enfin l'œuvre de pacification est à peu près terminée, des officiers sont lancés dans toutes les directions à la découverte des pays sur lesquels devra s'étendre peu à peu le réseau de nos relations commerciales, le bien- fait de notre influence civilisatrice. Les documents épars jusqu'aujourd'hui, les renseignements produits par ces explorateurs, le tout groupé, forme un ensemble qui enrichit là géographie et contribue à dissiper les ténèbres, qui récemment couvraient encore la mysté- rieuse Afrique. Je passe au récit abrégé du voyage que j'ai exécuté de mars en juin 1860 dans le Sahara occidental. Je (7) m'attacherai à faire connaître en quelques mots l'aspect du terrain parcouru et les principales coutumes des populations que j*ai visitées ; je m'abstiendrai d'appuyer sur les souffrances, les privations et les fatigues que nous avons éprouvées, et les difficultés qui se dressent à chaque pas devant le voyageur, difficultés plus sérieuses de la part des hommes que de celle des élé- ments. Le 5 mars, un bateau à vapeur nous transportait de Saint-Louis à Dagana, poste commercial français, à 25 lieues dans l'intérieur, j'emmenai avec moi un inter- prète noir, Bou-el-Moghdad, fort versé dans la science des livres arabes, ayant la réputation d'un marabout savant et respecté, le brigadier de spahis Gangel, qui, ailleurs, avait donné la preuve d'un grand courage militaire,*enfin le spahis noir David, rompu aux fati- gues et aux dangers des expéditions. J'avais pour deux mois de vivres et des marchandises pour environ deux mille francs. Un trarza de la tribu des Zomboti se charge de nous conduire au camp du roi Mohammed-el-Habib, nos bagages sont installés sur des bœufs porteurs, nous montons nos chevaux jusqu'au camp du roi. Nous quittons Dagana et nous nous engageons dans la partie du pays nommée Chamâma (pays des noirs), dont la végétation et les productions sont les mêmes que celles de la rive gauche, exclusivement réservée à la race noire. (Le fleuve est imposé aux Maures par nos traités, comme limite entre eux et les nègres.) Nous longeons le Marigot de Sokam, déversoir du lac Cayar dont les eaux, quoique soumises à l'action du (8) flux et du reflux, sont constamment douces ; elles ^ont peuplées de nombreux crocodiles, d'hippopotames, elles entretiennent le long des bords une verdure dont la fraîcheur attire le gibier de toutes sortes, le san- glier, la biche, le lièvre, la pintade, la perdrix, etc. , et à la suite de tous ces animaux, le lion, le guépard, le chat-tigre et plusieurs espèces de serpents, entre autres le boa qui ^atteint pas une grande taille, le serpent noir, mince et effilé, dont la morsure est si venimeuse, enfin le terrible trîgonocéphale. Le voisinage de l'eau douce attire une visite beau- coup plus désagréable que celle des animaux dange- reux, je veux parler des nuées de moustiques dont le . bruissement et les piqûres sont insupportables. J'ai rencontré non loin du fleuve des champs cultivés par les Maures. Depuis que nous ne laissons plus passer le fleuve aux guerriers pour aller Commettre leurs bri- gandages sur la rive gauche, les marabouts q^ii s'éloi- gnent peu des parages du Sénégal se sont mis à la culture du mil, ce qui ne les empêche pas, une fois la récolte faite, de continuer leur genre de vie nomade. Le terrain est légèrement ondulé, les éminences sont sablonneuses, couronnées d'arbres épineux et de buis- sons épais, les bas-fonds argileux, complètement des- séchés en mars, sont couverts sur de grandes étendues d'herbes fort élevées; puis des lacs plus ou moins con- sidérables dont les bords ne sont pas bien tranchés, garni3 de hautes herbes, au milieu desquelles se tien- nent de nombreux échassiers. Ces lacs déversent les eaux de pluie de l'hiveriiage, par des canaux auxquels on donne le nom général de maiîgots. (9) Le 12 mars, no^e route est N. , Taapect change, les réservoirs d'eau ont disparu pour faire place aux col- lines sablonneuses couvertes d'herbes ; ici commence le terrain brûlant du Sahara, parcouru dans tous les sens par le Maure nomade, fier de sa liberté et confiant dans la monture qui lui permet de franchir impuné^ ment l'immensité des déserts. De loin en loin, comme des oasis apparabsent des dépressions dont la verdure repose l'œil fatigué par l'éclat du sable rouge, et par la sécheresse du vent d'est. Là se rencontrent de préférence de nombreux camps qui y trouvent des puits peu profonds, de l'eau en abondance et d'excellents pâturage. Les tentes sont dissimulées derrière des bouquets de pin maritime; notre arrivée cause une grande sensation. La population du premier camp vient nous voir, les hommes mi le haut du corps nu, la peau rouge, l'œil intelligent, le nez aquilin, les cheveux plutôt crépus que bouclés ; les femmes, vêtues d'une longue tunique tombant des épaules sur les talons, ont les bras dégagés et les pieds nus; elles n'ont pas le visage voilé, portent presque toutes sur les bras de jeunes enfants qu'elles ne craignent pas d'exposer au soleil. Ces Maures paraissent très doux, sont du reste mara- bouts, c'est-à-dire qu'ils pe portent pas d'armes et pratiquent assidûment la religion de Mahomet. Issus de la race berbère et habitant le pays avant les guerriers Trarza, ils ont adopté la langue et la religion imposées par leurs vainqueurs et ont échappé par là à leurs ^léprédatiouset.à leurs pillages. Us dhé- ( 10) rissent avant tout leur vie pastorale et contemplative. Le 15 mars, nous sommes chez le cheikh de la tribu guerrière des Trarza, le roi Mohammed-el-Habid, qui s'est engagé, par une lettre au gouverneur, à nous donner sa protection ; il nous la refuse en présence de tous les princes et les guerriers qui font partie de son camp, prétend que le voyage que nous entreprenons est impossible pour des Européens, et que c'est le com- ble de la folie que d'y songer. Tous les Maures à qui nous parlons de notre voyage nous répètent la même chose; il semblerait que tous se sont entendus. Le camp de Mohammed-el-Habib est composé d'environ cent cinquante tentes largement espacées entre elles ; chaque tente a son troupeau de chameaux et de moutons. Les guerriers qui parcourent de grands espaces n'ont jamais de bœufs, parce qu'il faudrait les mener aux puits tous les jours ; les moutons peuvent rester deux jours sans boire, et les chameaux huit jours par le temps le plus sec. L'animation du camp est grande, nous ne pouvons sortir sans être suivis par une foule de curieux, les femmes surtout sont acharnées à notre poursuite ; et quand nous sommes rentrés dans notre tente, elles viennent délicatement soulever le rideau et nous regar- der pendant des heures entières. Toutes portent aux bras et à la cheville des bracelets en cuivre et en argent ; tout l'argent français qui pénètre dans le Sahara est immédiatement transformé en bijoux. Les filles des chets importants ont les oreilles percées de plusieurs trous superposés et surchargés d'anneaux d'or fort ( 11) lourds, dont la suspension est aidée par une lanière de cuir passant par-dessus la tête. L'ambre, le corail, la cornaline, les verroteries sont disposés en ornement dans les cheveux ou en collier. La .coiffure des jeunes filles consiste efa tresses fines et tombantes, celle^des femmes est différente : les cheveux, enroulés avec beaucoup de soin, sont ramenés en cou- ronne sur le haut de la tête ; le tout est recouvert de rétemelle toile bleue de Guinée qui compose le seul vêtement des Maures, à Texception du calicot blanc porté par les chefs. La couleur blanche est le signe du commandement. On fait absorber de gré ou de force aux jeunes filles des meilleures familles, des quantités énormes de lait et de bemTe, elles acquièrent de la sorte un embon- point souvent monstrueux, qui contraste avec la mai- greur des hommes. Comme dans tous les pays musul- mans, le mari donne une dot à la jeune fille, qui devient pour ainsi dire son esclave. Chez toutes les tribus que j'ai visitées, je n'ai pas vu un seul Maure avoir plusieurs femmes; celles-ci ne souffrent pas le partage et elles ont un immense ascen- dant sur leur mari, dont tous les actes semblent dénoter le désir de leur plaire. Ajoutons que le divorce estsi commun, surtout quand la dot n'est pas considérable, que les Maures n'ont pas le regret de ne pouvoir appliquer cette règle du Coran qui accorde quatre femmes à celui qui peut les nourrir. La femme libre est exempte de toute espèce de travail ;- toujours sous la tente, elle ne marche jamais, et quand on change de campement elle est mollement (1?) transportée à chameau dans un riche palanquin où elle est assise à la turque, ayant à côté d'elle ses enfants en bas âge que le doux balancement du cha- meau tient endormis pendant tout le trajet. Les hommes, toujours exposés au grand soleil, ont la peau basanée, les femmes seraient presque blanches, si elles n'avaient sur tout le corps une couche de crasse qu'elles paraissent ne pas remarquer. Au contraire, elles sont heureuses d'avoir un vêtement neuf qui déteint plus facilement et qui laisse sur leur peau une teinte d'in* digo dont elles semblent s'enorgueillir. Une femme de guerrier que j'ai questionnée m'a avoué ne s'être pas lavée depuis sept années. Toute cette population vit du produit de ses trou- peaux, le lait de chamelle est très substantiel ; de plus les moutons se reproduisent avec une abondance extraordinaire. Je ferai remarquer, en passant, que les moutons des Trarza n'ont pas de laine et qu'ils ont à peu près le poil de la chèvre, quoique beaucoup plus fin. Les captifs qui jsont des nègres pris sur la rive gauche ou dans le haut Sénégal, sont commis à la garde et à l'entretien de ces nombreux et riches trou- peaux. Les hommes libres et les guerriei-s tributaires ont quelques bons petits chevaux d'un fond excellent, portent tous des fusils doubles à pierre, légers et qu'ils manient avec une adresse rare. Après un séjour de quatre longues journées, iMoha- med-el-Habib , à la suite de plusieurs entretiens empreints d'un caractère évident de fausseté, se décide enfin à nous laisser partk en nous faisant accouipa- (13) gner par quelques hommes de sa tribu, que nous pren- drons chez les Aleb, fraction des Trarza la plus éloi- gnée dans le nord ; nous ayons fait achat de quatre chameaux, destinés à remplacer nos chevaux que nous quittons à regret, mais que nous ne pouvons emmener à ^ause du manque d'eau et de nos faibles moyens de transport. Le 19 mars toute la population du camp assiste à nos préparatifs de départ. Un griot (nom donné à ceux qui font le niétier de célébrer les louanges des chefs qui les récompensent généreusement) chante notre départ pour avoir quelques feuilles de tabac. Il y a deux sortes de griots, les poètes et les musiciens. Les premiers font aussi Toffice de bouffons ; ils ont un chant qui, orné de figures vives, rappelle les principaux exploits, et souvent les détails les plus intimes de la vie du chef. Les autres ont pour instrument une petite guitare, dont les sons doux et prolongés se font entendre fort avant dans la nuit, endonnent peu à peu le guerrier qui se trouve transporté dans la sphère des songes. Mais au réveil il a oublié la poésie de la nuit pour ne penser qu'à la rapine, ce qui constitue pour le Maure deux existences bien distinctes, la vie du rêve et de la coiilemplation, et la vie matérielle. Bientôt nous montons à chameau, chose toute nou- velle pour nous; nous partons accompagnés par les vœux de quelques Maures qui nous connaissent, et aussi par les malédictions de la masse pour laquelle nous sommes des infidèles, et qui n'a pas encore oublié ce que notre dernière guerre avec eux leur a fait souffrir. ( U) Le même jour pous recevons Thospitalité dans une tente de Tiyab, anciens guerriers faits marabouts; nous buvions le reste de notre provisions de vin, lors- que tous les Maures présents, excepté nos hôtes, se retirent en faisant des gestes de dégoût. Je demande aussitôt si nous les contrarions en buvant du vin devant eux. Le chef de la famille me répond par ces mots : 0 Non-seulement tu ne nous contraries pas, mais tu aurais même avec toi des serpents, du moment que tu es sous ma tente, nous te voyons avec plaisir. » L'hospitalité sous la tente est sacrée. Nous sommes dans le pays d'iguidi, dans lequel se trouve la forêt de gommiers qui alimente notre poste commercial de Dagana. Ces mimosas sont peu élevés et assez distants les uns des autres. La récolte de la gomme se fait en mars et en avril, époque où ont lieu les vents d'est dont la sécheresse fait éclater Técorce. Les crevasses se remplissent bien- tôt de gomme qui se solidifie peu à peu. Outre le travail de la tente, les esclaves sont chargés de recueillir la gomme qu'ils font tomber avec un bâton fourchu ; ils ne peuvent pas se présenter à leur maître, s'ils n'ont pas à en fournir chaque jour 2 kilo- grammes. Le pays d'iguidi est assez peu riche en pâturages, mais, faute d'herbes, les chameaux mangent les épines des arbresXes ancêtres des marabouts trarza, les ouled Deihman qui y séjournent de préférence, disaient à leurs enfants en style oriental : « Habitez toujours ce pays, il n'a pour maladie que la faim, poiu* lion que le chacal. » Les puits deviennent profonds, le creusement de (15) beaucoup d'entre eux a coûté plusieurs années aux Maures qui n'ont pas T habitude de travailler la terre. Ils se servent de petites pointes de fer entamant diffi- cilement les couches rocheuses qu'il faut traverser pour atteindre l'eau. Les parois en terre sont soutenues au moyen de paille appuyée de cercles de bois et quelquefois de fer. Nous avons pour nous conduire jusque chez les Aleb, le fils du ministre des Trarza, Sidi, jeune homme qui, sous l'administration de M. Protêt, a passé un an à Paris. Il parle assez bien le français, mais il est d'une pusillanimité indigne d'un nomade. Il est difficile de reconnaître sous l'habit du Maure, un homme qui a pu admirer les merveilles de notre capitale. De tous côtés l'on nous annonce des dangers insur- montables ; à entendre les Maures, les pillards sont à deux journées de marche dans le nord ; nous conti- nuons notre route pour entrer dans le pays de Dahar, remarquable par ses collines sablonneuses couvertes d'herbes et de haies d'euphorbe. Nous y rencontrons des puits nombreux et une énorme quantité' de troupeaux de chameaux, de moutons et de bœufs, appartenant aux riches tributaires guerriers des Trarza. La tribu est en mouvement vers le sud : guerriers, marabouts, tributaires et captifs, marchent parallèle- ment et se remplacent successivement pour se rappro- cher du Sénégal, où les herbes ne sont pas trop des- séchées ; au mois de juin, au contraire, ce mouvement a cessé pour devenir ascendant, les nomades du Sahara occidental se concentrent du côté du Tiris, vaste pays. (16) situé dans le N.-E. du cap Blanc, et renommé par la bonté de ses pâturages. Nous arrivons à la plantation de palmiers et aux puits de Tiourourt à 7 kilomètres de l'Océan, dans une plaine située entre les collines sablonneuses citées plus haut, et les dunes du bord de la mer. Cette plaine, du nom d'Afthouth, variant de 10 à 20 kilomètres de largeur, longe le littoral depuis l'ancienne escale anglaise (le Portendîk, jusqu'aux environs de Saint- Louis. On y remarque de grands espaces vaseux nom- més Sebkha, qui retiennent longtemps les pluies et qui ne se dessèchent jamais complètement. Plusieurs lois nous avons essayé de les traverser, presque toujours il a fallu revenir sur nos pas pour les contourner. A côté de ces marécages se trouvent des pâturages salins fort estimés des chameaux, des dépôts de coquilles marines et de nombreuses haies d'euphorbe. Ce qui caractérise cette zone basse et voisine de la mer, ce sont les eaux que l'on retire des puits de 2"*, 50 de profondeur. Elles sont jaunâtres, ammonia- cales, néanmoins les chamaux la boivent sans dégoût, il en est de même des Maures qui sont peu exigeants sous ce rapport. Quant à nous, je dois dire que si nous en avonstu, c'est que nous étions haletants ; nous y avons mouillé plus d'une fois les lèvres avant de nous déci- der à en avaler. Sidi nous quitte bientôt, il est remplacé par le fils du chef des Aleb, Hàméïada, jeune guerrier inexpéri- menté, et non moins avide que les plus vieux pillards. Le !•' avril nous arrivons à la hauteur de Portendik, où les Anglais, jaloux de la prospérité de notre com- (17) merce du Sénégal, ont voulu pendant quelque temps y attirer les gommes en les achetant à un prix exor- bitant. Nous longeons le bord de la mer en traversant suc^ cessivement le pays de Tarâd, couvert de Sçbkha, celui . d'Agnéitir, sillonné de collines sablonneuses (direction générale N.-E), et finissant brusquement à r Océan. La rivière Saint-Jean et le littoral n*ont pas été fixés;, j'ai constaté des erreurs considérables sur les an- ciennes cartes. Le gouverneur du Sénégal doit envoyer prochainement un bateau à vapeur pour faire Thydro- graphie de cette paxtie de la côte d'Afrique dont les bâtiments se sont toujours écartés ; le naufrage de la Méduse qui a donné une si triste célébrité au banc d'Arguin, sera longtemps encore un épou vantail pour les marins qui fréquenteront ces parages. La rivière Saint- Jean n'est qu'un simple bras de mer auquel on fera bien de donner le nom de baie Saint- Jean ; je l'ai suivi jusqu'à son extrémité, il est rempli de bancs de sable, qui le rendent inabordable aux navires. C'est là que nous avons été assaillis par une tempête de sable qui n'a pas duré moins de trois heures ; nos chameaux ne semblaient pas se préoccu- per de la tourmente, quant à nous, nous marchions les yeux feraiés et un mouchoir sur le visage. De la baie Saint- Jean à Tîle d'Arguin se remar- quent des îles, dont quelques-unes sont assez étendues; elles sont séparées de la terre ferme par des canaux peu profonds que l'on peut passer à gué à marée basse. Tout le littoral depuis le cap Blanc jusqu'à Saint- I. JANVIER. 2, 2 (18) Louis, est fréquenté par une tribu maure de pêcheurs, les Ouled bou Seba, partagés par une dissidence poli- tique en deux fractions, la première s appuyant sur les Ouled-Selim, tribu puissante et guerrière habitant le Tiris, la deuxième s' appuyant sur les Trarza et sur nous. Ils ont pour tributaires des pêcheurs fort habiles, les Imraguen. Leurs seines sont faites en fil v.égélal produit par un arbrisseau de Tintérieur, les lièges sont remplacés par des anneaux d'euphorbe desséché, et les plombs par de petites boules de terre cuite. Aux deux époques où la pêche est abondante, en janvier et en mai, ils traînent ces lourds filets à la nage, car ils n'ont pas d'embarcations, les ouvrent quand ils sont au large, et les rapprochent de terre, d'autres nageurs espacés refoulent vers le centre du filet le pois- son qui chercherait à s'échapper, ils parviennent [de la sorte à faire des pêches souvent miraculeuses. Ils m'ont assuré que parfois le filet est tellement chargé, que les hommes ne suffisent plus pour les tirer à terre, et qu'on y attelle des chameaux et des ânes. Le banc d'Arguin, comme l'on sait, est fréquenté par d'innombrables requins; les Imraguen ont à les combattre, ils les tuent très adroitement, néanmoins ils sont quelquefois victimes dans la lutte ; nous avons vu plusieurs d'entre eux qui étaient estropiés par les morsures de ces poissons voraces. Ces gens laborieux font sécher leur poisson au soleil, et tous les Maures de rintérieur, par petites caravanes, viennent le leur acheter ; ils le convertissent quelque- fois en huile qui est considérée dans tout le désert comme un excellent aliment. Au dire de ces pêcheurs. (19) il n'y a qu'à se baisser pour prendre du poisson à volonté; ils connaissent parfaitement la capacité d'un navire de commerce; ils prétendent que l'on peut prendre assez de poisson pour charger non-seulement cent navires, mais encore tous les bâtiments de France et d'Angleterre. En faisant la part de l'exagération habituelle aux Arabes, il est facile de remarquer que les établisse* ments de pêche que l'on pourrait créer au cap Blanc, ne pourraient qu'être très florissants, d'autant plus qu'ils serviraient à faire les échanges avec les Maures de tout le Sahara occidental. Voici le passage d'une notice du gouverneur, M. Faid, herbe, sur cette question : a D'après les renseignements fournis par M. Berthelot, consul français à Sainte-Croix de TénériiTe, dans son ouvrage de la pêche sur la côte occidentale d'Afrique, le poisson est extrêmement abondant sur le banc de sable qui barre la baie, et la proximité du cap Saline, où l'on trouve le sel naturel en quantité, offrirait de grandes ressources aux pêcheurs. )) Les pêcheurs des Canaries emploient à la pêche de la côte d'Afrique, environ 700 matelots, répartis sur une trentaine de brigantins de 20 à 30 tonneaux. Ces bâtiments approvisionnent annuellement les îles de 7 000 500 kilogrammes de poisson. Les richesses ichthyologiques de ces parages n'auraient rien de comparable dans les autres parties du globe. » Les gades pescata et abadejo ou abriole de la mer Canarienne, seraient préférables à la morue du nord. » Enfin, sous tous les rapports, la pêche sur cette côte (èo) serait moins pénible, plus avantageuse, plus lucrative que celle du banc de Terre-Neuve, où nous sommes soumis à des tracasseries de la part des Anglais et des Américains; M. Berthelot, qui habite les Canaries depuis près' de trente ans, et quia sérieusement étudié la question, ne conserve aucun doute à cet égard. » J'ajouterai que ces pêcheurs maures, non-seulement ne craignent pas notre concurrence, mais désirent vive- ment nous voir établis chez eux; leur travail nous coûterait un ton marché extraordinaire. L*île d' Atpiin , qui conserve encore les traces de notre passage, pourrait redevenir le siège d'un nouvel et fructueux établissement. Les Ouled bou Seba s'adonnent à une chasse à Tautruche d'un nouveau genre. Au mois de juillet, quand ont lieu les grandes chaleurs qui précèdent l'hivernage, les autruches de toute cette partie du grand désert se rapprochent du littoral où elles viennent en bandes considérables respirer la brise fraîche de la mer. Elles ne marchent qu'avec beaucoup de précau- tions, leurs traces ont bientôt révélé leur présence aux pêcheurs qui les guettent des points les plus élevés du pays. Aussitôt qu'elles arrivent sur le bord de la mer, de midi à deux heures, c'est-à-dire quand toute cette nature est en feu, elles prennent leurs ébats sur la plage et se rafraîchissent le corps de leurs ailes qui frappent la surface de l'eau. A ce moment, les pêcheurs se glissent en rampant derrière les dunes et se tiennent espacés de manière à pouvoir envelopper la bande d'autruches, puis apparaissent tout à coup à un signal ■ en jetant de grands cris. Les autruches effrayées n'ont (21) pas d'autre alternative ou de rompre la ligne des chas- seurs ou de se jeter à la mer. Elles préfèrent le der- pier parti. Bientôt leurs plumes $ont entièrement mouillées, leurs mouvements sont difficiles, alors commence leur massacre ; les habiles nageurs se jet- tent à l'eau et poursuivent une à une, en évitant cepen- dant, de les prendre de face pour se préserver des coups de bec ou d'aile ; ils s'en emparent en leur don- nant des coups de cQuteau, ou en leur coupant les ten- dons des pattes. Si je me suis un peu appesanti sur les détails qui concernent cette tribu d'Ouled bou Seba, c'est qu'elle est à peu près la seule de tout le désert qui vive du travail de ses n^ains; qu'à ce titre, et sans tenir compte de son affabilité naturieUOi elle m'a viveip/ent. intéressé et qu'elle est souverainement méprisée par les guerriers qui la rançonnent. Le8 avril, nous arrivons àbwteur de l'île d'Arguin, nous sommes daxis le pays de Tasiast« qui se distingue des précédents par d'immenses plaines argileuses et ferajes, où croît une herbe fine et excellente, couverte d'un gravier quartzeux assez fin ; quelques chaînons rocheux se remarquent, puis notre marche devient plus difficile, les hevbes sont plus rares, la terre dis- parait presque entièrement sous une couche de cail- loux roulés de quartz de toutes variétés et d'oxyde de fer. La camomille et les pastèques amères tapissent littéralement les bas-fonds habités par une fourmilière de vipères cornues. Notre guide Haméïada nous mendie nos provisions to„n ou ïoma) pour tendre la corde ; mais c'est un signe que le por- teur à un instant donné, peut être rappelé sous les drapeaux. Ces anneaux en corne ou en fer ont f de pouce (1) de diamètre, et souvent dans les rixes deviennent une arme terrible. En chassant les élans et les cerfs, lorsqu'ils sont dans la saison du rut, les Manègres emploient un cor en bois {orévoum) , très «unce ayant une longueur d'un archine et demi (l-,6). A 1 aide du cor on imite avec succès le cri du mâle, et 1 on parvient ainsi à attirer ces animaux. On leur tend aussi des pièges munis d'arbalètes dont les flèches sont enduites de graisse putréfiée, afin de hâter la mort ae 1 animal blessé. Ce poison, pénétrant dans la plaie, se propage sur tout le corps avec une telle rapidité, bond ■ ^" exhale une odeur extrêmement nauséa- on e, qui se fait également sentir même si l'on tue 1 animal avant qu'il succombe à l'action du poison. Néanmoins les Manègres, fort peu gastronomes, à ce qu 11 paraît, mangent cette viande empestée sans dégoût et n'en ressentent aucun malaise. Non contents dechasserauxenvirons de leurs demeures, les Manègres entreprennent souvent des excursions fort lointaines; naais alors leur famille ne les accompagne pas. Ils poussent ainsi jusqu'aux rives de la Niomane-Bira, ou Bouréia, pour y chasser la zibeline ; Us s'y rendent gur des radeaux, et chemin faisant s'arrêtent dans la (J) U pouce =a 32 millimètres. (47) ville d'Aïgoune où ils s'approvisionnent pour l'hiver. Au retour ils suivent la même route et achètent à Aïgoune des chevaux qu'ils payent avec des peaux de zibeline et de chèvres sauvages. Au printemps ils gagnent les rives de la Kamara pour s'acquitter de l'impôt. En fait d'animaux domestiqxies, les Manègres ne possèdent que des chevaux et des chiens. Les che- vaux sont petits mais vigoureux, et appartiennent sans doute à la même espèce que ceux de la région trans- baïkalienne. Leur poil est très long surtout en hiver, époque à laquelle ils restent exposés jour et nuit à l'air, souvent par un froid très vif. Ils ont une aptitude incroyable pour supporter la fatigue. Après la débâcle du fleuve, les Manègres émigrent sur ses rives, là où elles présentent de vastes plaines. Ceux qui possèdent peu de chevaux les emmènent avec eux ; ceux qui en ont beaucoup n'en prennent qu'un certain nombre et font passer les juments et les chevaux malades sur une des îles de l'Amour, où ils les abandonnent pour errer en liberté jusqu'à la prise du fleuve par les glaces. Trouvant une riche nourriture, les chevaux rétablissent bien vite leurs forces affaiblies par les longues excur- sions d'hiver. Les Manègres n'ont pas l'habitude de faire provision de foin, aussi en hiver ils se contentent de laisser les chevaux paître aux environs des iourtes. Quand la neige est très épaisse, les chevaux parviennent, avec beau- coup d'habileté, à l'écarter avec leurs pieds; souvent ils s'approchent des ïourtes et prennent plaisir à lécher la neige mouillée d'urine, — trait caractéristique que présentent également les rennes. Avant d'entreprendre (48) une longue excursion en hiver, le Manègre choisit le plus fort de ses chevaux, auquel il fait subir une expé- rience préparatoire, qui consiste à laisser T animal un jour et plus attaché et privé de toute nourriture. Ensuite il se \iiet en route. La même chose a lieu durant le voyage après une longue course, et ce n'est qu'après cinq ou six heures d'abstinence forcée, qu'on laisse brouter le cheval. Si l'on oublie de prendre ces pré- cautions, le cheval le plus vigoureux sei^a mis en quelques jours tout à fait hors de service. Les Manè- gres conservent le souvenir d'une époque où ils pos- sédaient des rennes en guise de chevaux, et menaient par conséquent un autre genre de vie. Il est difficile de préciser l'époque à laquelle eut lieu ce changement, mais il faut croire que ce sont les Mongols qui leur ont procuré des chevaux, ainsi qu'aux Mandcho^x. La viande et le poisson constituent la principale nour- riture des Manègres. Ils mangent sans répugnance le putois, le renard, le loup; mais la viande de renne, de cerf ou d'élan coupée par tranches et séchée, forme leur principale provision d'hiver. En y ajoutant un peu de farine et les fruits du merisier, on fait une bouillie {silja) qu'on assaisonne ensuite avec quelques plantes. Les Manègres consomment une immense quan- tité de fruits de merisier, soit séchés, soit réduits en poudre, et cela sans souffrir le moins du monde. On trouve aussi chez les riches du sel {Kntahan) de fort mauvaise qualité, que les Daouriens tirent des lacs salés qui se trouvent aux environs de la ville de Mergen. Les travaux échus en partage aux femmes sont plus fatigants et plus nombreux que ceux des hommes, qui (â9) ne s'occupent que de la chasse, de la pèche et du tra- fic. Ainsi, ce sont les femmes qui scient et qui portent le bois, dressent les iourtes, confectionnent les habits, les filets, tannent les peaux de rennes et de cerfs, amènent les chevaux, les sellent, les chargent, puis au retour les dessellent, etc. Chaque année aux mois de mars et de décembre, il se tient sur les rives de la Koumara une foire où les Manègres reçoivent des Daouriens, dea Mandchoux et des Cosaques, en échange de leurs pelleteries, des fusils, de la poudre, du plomb, du thé, du tabac, du nankin, du gruau, du millet, etc. Pour mesurer les grandes distances, les Manègres comptent les journées passées en voyage et emploient une mesure daourienne nommée boukha. La boukha est la distance à laquelle on doit se placer d'un bœuf pour ne plus distinguer ses cornes. Ils mesurent encore par le dar (distance entre les mains éloignées en sens contraire) , le tongor (espace compris entre le pouce et le doigt du milieu ouverts), et le djavakta (largeur du poing). Dans leurs transactions commerciales avec les Mandchoux et les Daouriens, ils emploient le poud chi- nois, et avec les Russes, le poud et la livre russes qu'ils nomment « pour » et a poute » . A l'âge de vingt ans, le Manègre atteint sa majorité, paye l'impôt en pelleteries, et, sur l'ordre du gouver- nement chinois, il doit le service militaire. L'impôt est envoyé aux rives de la Koumara, où les employés mandchoux viennent chaque année le prendre. Les Manègres atteints de quelque infirmité, ou ceux qui ont atteint l'âge de quarante ans ou plus, sont I. JANVIER, 4. h (60) eati&reinéAt àSratichis de l'impôt et du service inili- taire. On les désigne sous le nom de sota (mis à la retraite). Les Manëgres ont des chefs qu'ils choisissent eux-mêmes; Tun d'eux, nommé par le gouvernement chinois, -demeure à l'embouchure de la Koumara, et porte le titre de djangulne. Un officier {hapang) et plusieurs sous-officiers [boshgo) forment l'escorte de ce fonctionnaire. Le chamanisme règne parmi les Manègres. Ils croient aux bons et aux malins esprits, et craignent principalement ces derniers qui habitent, suivant eux, dans des forêts impénétrables et sur les montagnes, et tâchent de nuire aux hommes. Aussi ^ avant d'entreprendre un voyage, d'aller à la pêche ou & la chasse, les Manègres ont-ils recours aux sacrifice^ qu'exécutent ordinairement leurs prêtres ou sorciers (chamans) , qui forment une caste à part et jouissent d'une grande considération. Il y a même des femmes chamanes, particularité, dit à ce sujet M. Maach» qui se rencontre également parmi les Yakoutes. Les idoles manègres [Sôpoki ou bouckhan) représentent des figures humaines grossièrement sculptées en bois, et quelquefois des animaux. On les place dans les îourtes, au-dessus de la place d'honneur. L'ophthalmie, si fréquente parmi les habitants des contrées septentrio- nales, ne sévit p(5int parmi les Manègres ; ils souf&ent plutôt de la poitrine et de l'estomac et d'un dérange- ment tout particulier des nerfs nommé alone^ pendant lequel le malade imite involontairement et souvent sans honte tout ce qui se fait devant lui. Grâce aux fréquentes relations avec les Mandchoux, les Manègres ont beaucoup perdu de leur pureté pri^ ( 81 y mitîve des mœurs et de leur homiéieté. Pourtant leS vols et les crimes que les ôhefs sont ordinairement, appelés à juger, sont rares. Un fait digne d'être cité, c'est que le Manègre interpellé, ûe dira jamais ni son nom, ni celui de son compatriote. Les noms seuls des enfants font exception à ce bizarre usage. Quand le Manègre veut prendre une femme, il est tenu d'offrir une rançon à son futur beau-père. La polygamie est permise, mais les Manègres en profitent peu. C. DE Sabib, membre de la Société de géographie, de la Société d'ethnographie de Fraoce, etc. NOTICE SUR L*ILE DES PINS. Cette île d'un abord dangereux estv comme on sait, située au sud de la Nouvelle-Calédonie. Irrégulièrement circulaire, elle a un diamètre de 10 milles. Un plateau de médiocre élévation en couvre presque toute la superficie ; il est surmonté d'un pic et complètement entouré d'une ceinture corallienne sou- levée de 20 à 30 mètres au-dessus des eaux. La mon- tagne et le plateau, c'est-à-dire la plus grande partie de l'île, sont complètement perdus pour l'agriculture, et ne sont giière recouverts que par des fougères qui font place en quelques endroits à des bouquets d'arbres.^ (52) La circonférence de l'Ile au contraire est fraîche et fertile, bien arrosée, quelquefois même marécageuse, couverte de plantations, de petits bois ou d'une forte et verte graminée qui forme de véritables pâturages. Cette ceinture luxuriante, étroite dans le sud, présente dans le reste de son étendue une assez belle largeur ; elle seule est habitée et cultivée, mais non en totalité, car une bonne partie, au contraire, est en friche.- L'île des Pins paraît due à un soulèvement volca- nique qui, dirigé du nord au sud suivant le prolonge- ment de Taxe des montagnes delà Nouvelle-Calédonie, a soulevé les rescifs madréporiques qui forment la ceinture de l'île, formé l'énorme voussure qui constitue le plateau, et s'est enfin creusé, à une période posté- rieure peut-être, une ouverture dans le pic qui sur- monte le' plateau. Ce pic, présentant une certaine ana- logie de forme avec le cratère de l'île Palma, figure un demi-cirque ouvert du côté du sud et qui envoie vers la mer, dans cette direction , des crêtes séparées par des ravins ou larges crevasses. L'une d'elles, plus profonde que les autres, a peut-être donné passage à la coulée qui a dû s'échapper lors de l'éruption et à celles qui ont pu se faire jour subséquemment. Je n'ai pour- tant trouvé aucune trace de matières scoriacées ou ponceuses, et le fond aussi bien que les escarpements sont formés de roches prismatiques qui appartiennent au trapp et à la sei-pentine. L'une des crêtes qui sépare les ravins est formée de débris cristallins divers, micacés, pyroxénîques, et surtout par une quantité de morceaux de feldspath vitreux qui vont du poids de quelques grammes jusqu'à celui de 600 à 1000. (68) Le pic est situé à rextrémité sud de TUe et sa base n*est séparée de la mer que par une étroite bande de coraux soulevés à quelques dizaines de mètres. Toutes les couches de terrain sont soulevées dans toutes les directions vers le pic. Parmi ces couches on voit à plus de 2 kilomètres de la mer et au moins à 30 mètres au-dessus de son qiveau dans l'est de TUe, des ama^ considérables de conglomérats de sable et de gravier riche en coquille appartenant pour la plupart aux espèces encore vivantes dans les eaux voisines, ce qui doit faire supposer que leur soulèvement appartient à la période géologique moderne. Je ne saurais indiquer les minéraux constitutifs du plateau; ce que je puis dire, c'est- que sa surface n'est qu'une ai^ile creuse, semée d'un gravier feiTugineuz, semblable pour la forme à du plomb de chasse ou plutôt à la grenaille de zinc ; çà et là se découvrent des blocs de fer oligiste chargé d'argile qui semblent formés de la réunion d'une multitude de grsdns de même espèce empâtés et collés les uns aux autres, de manière à former des blocs qui vont de la grosseur du poing à celui d'un gigantesque bbulet. D'autres roches de même nature oQt une surface poreuse ou percée de trous comme ayant donné issue à des bulles de gaz qui se seraient crevées en chacun de ces pomts. En plusieurs endroits, le sol du plateau résonne sous le pied qui le frappe : c'est que la matière incan- descente qui l'a soulevé a laissé par le retrait dû à son refroidissement lent un aide entre elle et la croûte superficielle consolidée la première. Telle est du moins l'explication qui me semble la plus plausible. (54) Le soinmet du pic est à &52 mètres au-dessus de la mer. Le climat de Tlle des Pins est plus doux que celuî de la Nouvelle-Calédonie. L'île est en effet située à la limité du tropique, et, isolée d'ailleurs comme un point au milieu de l'Océan, elle doit bénéficier au suprême degré de tous les avantages des climats insulaires. Elle e^t, du reste, très salubre. Les ressources ac- tuelles du pays sont, en fait de produits agricoles, celles qu'on trouve en Nouvelle-Calédonie. Le coco- tier y est peu commun. Les missionnaires y ont natu- ralisé l'oranger, le limonier, le citronnier. Ils y ont planté quelques vignes qui donnent des fruits excel- lents. La plupart des légumes d'Europe y croissent parfaitement, et il «st probable qu'on y naturaliserait la plupart des végétaux de la partie méridionale de l'Europe. On trouve à l'Ile des Pins, et surtout sur les îlots de corail qui l'avoisinent, un arbre très précieux pour le» constructions, le cyprès colonnaire (arancana cohim- miris) ; mais si la colonie veut tirer un profit durable de son exploitation, il ne faudra pas tarder à en régler la coupe et à favoriser sa reproduction par les semis. Le bois de Sandal a fait naguère la richesse des habi- tants; c'est lui qui attira sur ces rivages inhospita-' liers et sans port les premiers marins qui aient tenté le commerce avec les peuplades calédoniennes ; mais aujourd'hui cette mine, naguère si riehe et si féconde, est épuisée. L'île est à peu près sans commerce, et ne reçoit plus qu'à longs intervalles de petits caboteurs qui viennent troquçr de$ haches, des étoffes et du. ta- (66) J^ao contre des holothuries, de Técaille de tortue ou simplement dea vivres frais. La population de Vîle s'élève, d'après le dernier re- censement des missionnaires, à sept cent cinquante in« dividus. Elle appartient à la variété calédonienne; mais on trouve chez quelques individus qui composent l'aristocratie de la nation une supériorité de formes, une certaine noblesse de traits qui décèlent la pré« sence d'un sang étranger dans leurs veines. L'Ile a en effet reçu à diverses époques des émigrants de race polynésienne, soit directement, soit par l'intermé^ diaire des Loyalty, et c'est dans les familles aristocrar tiques qu'on reconnaît aujourd'hui leurs descendants. L'un des crânes de l'Ile des Pins dont j'ai donné ailleurs la mesure est certainement le plus beau que j'aie jamais vu parmi les quinze ou vingt que j'ai pu examiner dans les diverses iles de notre pos-r session mélanésienne , et tout me porte à croire qu'il provient d'un descendant plus ou moins direct de$ émigrés polynésiens. Les maladies qui sévissent à l'Ile des Pins sont les mêmes qu'en Nouvelle- Cialédonie ; cependant la syphi- lis y est plus invétérée, et s'il faut en croire des reu^ seignements qui m'ont été donnés par des gen^ obser- vateurs et dignes de foi, la plus grande partie de la population serait entachée, à un degré quelconque, du vice syphilitique. Celui-ci ne doit pas être étranger au décroissement de la population que Jes nûssûon- naires constatent aujourd'hui en comparant le chiffre actuel à celui qu'ils énumérèrent il y a six ou huit ans, et qui était de mille environ. (66) J'tû con&taté des accidents scrofuleux chez bon nombre de naturels; ils sont très fréquents dans l'Ile, plus communs, je crois,' que dans la plupart des tri- bus calédoniennes. Les mceurs, les habitudes, l'industrie de ces insu- laires sont les mêmes au fond que celles de leurs voi- sins, sauf l'amendemeat produit dans les mœurs par leur conversion au christianisme. Notons seulement que, même avant l'arrivée des missionnaires, l'état so- cial de la femme n'étfùt pas aussi infime ni si dégra- dant qu'en Calédonîe, ce qui provenait sans doute de l'influence exercée par la classe aristocratique consan- guine avec la race jaune polynésienne. Les missionnaii'es catholiques français sont établis depuis dix ans dans cette !le; leur œuvre, lente jus- qu'à ces dernières années, a pris depuis trois ans une extension très rapide ; les naturels, presque tous chré- tiens ou catéchumènes , ■ reçoivent en toutes choses leur bienfaisante influence. Comme l'Ile des Pins ne renferme qu'un nombre d'habitants très faible même relativement à l'étendue des terres cultivables, elle offrirait des ressources pré- cieuses à une petite colonie. Elle pourra être très utile au gouvernement si jamais il entreprend l'établisse- ment d'un pénitencier en Nouvelle-Calédonie. D* V. DE Rochas, ChirurgieD de marioe. 2S Inillet 1869. (57) AiialyMCM, R«mp«rto, eie. COMPTE RENDU DE LA PEBMIÈEB LIYRAISOII DE LÀ GÉODÉSIE DE LÀ HAUTE ETHIOPIE. Les régions éthiopiennes ont été, de la part de notre collègue, M. Antoine d'Abbadie, l'objet de longues et savantes explorations, de 1839 à 18A8. Une première partie de ses observations géode* siques, revue et rédigée par M. Rodolphe Radan, a été publiée récemment en 1860 ; et votre président, malgré le peu de titres que j'avais à cet honneur, a voulu me confier le soin de vous rendre un compte sommaire de cet important travail. Les pays, encore peu connus , que notre voyageur a conquis à la science géographique moderne , s'é- tendent au sud jusque vers le septième parallèle de notre hémisphère, et de l'ouest à l'est, sur environ sept degrés de longitude, à partir du trente-troisième méridien est. Cette livraison delà Géodésie d* une partie de la haute Ethiopie de laquelle il vous est fait hommage par notre, savant collègue comprend les huit premiers chapitres. Dans le premier sont décrits les instruments dont il a été fait usage : théodolites, sexti^nts , cercles, chro* ( 58) nomètres et lunettes astronomiques de divers artistes, dont leScdispositioBif 9m% expliquées avec détail, et de manière à prémunir les observateurs contre les incon- vénients que peuvent présenter, en voyage, certains instruments. La notice sur Thypsomètre et son usage est surtout fort intéressante. WoUaston paraît être le premier physicien qui ait eu l'ingénieuse idée de déduire l'alti- tude d'un lieu de l'observation thermométrique de l'é- bullition de l'eau ; mais la mise en pratique de cette idée simple exigeait de longs tâtonnements, de longs calculs et le concours d'habiles constructeurs d'in- struments ; aussi n'est-ce que depuis un petit nombre d'années que l'usage de l'hypsomètre s'est établi. Notre voyageur, après avoir signalé l'extrême diffi- culté de transporter sain et sauf un bon baromèti e dans un voyage tel que le sien, difficulté qui doit y faire renoncer et faire préférer l'hypsomètre, explique toutes les précautions qu'il avait à prendre pour faire sûrement usage de ce nouvel instrument; en effet, dans des contrées où, n'ayant ni le choix de l'eau ni celui du combustible, il lui fallait lire les indications thermométriques au microscope, à travers la fumée, et se préserver de l'action de la flamme poussée paf le vent, il y avait à subir mille contrariétés que ne connaissent guère les physiciens opérant dans leur cabinet, et qui deviendraient autant de causes d'er- reur, si Von ne faisait avec sagacité toutes les correc- tions nécessaires. C'est ce qui a été fait heureusement, ainsi que le prouvent les résultats obtenus, et dont nous parlerons tout h Theure, (69) ' Le chapitre des instruments se termine par ]a des- êription de la trousse de voj'^ge que notre collègue a fait construire, et (}ui, dans des dimensions compor^ tant un volume d'environ h décimètres cubes, ne contenait pas moins de quarante-six objets, sinon tous nécessaires à l'observateur, du moins tous très utiles k l'homme ^gaçé dans un voyage aussi pénible. Le chapitre II, consacré au calcul du temps ^ donne la méthode employée pour réduire les angles horaires et celle employée à la correction des hauteurs corres- pondantes du soleil, correction pour laquelle l'auteur a construit des tables nouvelles ; vient ensuite la liste des résultats de ces calculs. Le chapitre III est consacré aux latitudes. Les latitudes données sont presque toutes déduites des hauteurs circumméridiennes du soleil ou d'une étoile. L'auteur explique qu'il a toujours calculé le ré- sultat de chaque observation séparément, au lieu d'ap- pliquer, d'après la méthode de Delambre, toutes les réductions à la moyenne des observations. Il donne ses méthodes de réduction avec des exem- ples; il expose aussi une méthode d'observer la lati- tude sans chronomètre ; puis il résume et discute les latitudes observées pour cinquante-neuf localités, ran- gées par otxlre alphabétique, dont la plus septentrio-- nale est Alexandrie et dont la plus méridionale est Bonga (7M4'A2"). Enfin le chapitre se termine par une comparaison entre les latitudes des localités pour lesquelles il se trouve des observatiqns correspondantes, faites par MM. I^uppéll, Perret et Galtaiier, ou des résultats (60) donnés par la Connaissance des temps. Suivant ce ta» bleau comparatif, l'écart le plus considérable n'est que de 4 7"^. Le chapitre IV s'applique aux mesures de longitude par observations de la lune. On y trouve d'abord des formules pour appliquer la parallaxe à la position de la lune , puis une méthode pour trouver la longitude à l'aide des occultations d'étoiles par la lune. Viennent ensuite les observations de longitudes ainsi conclues pour quatorze localités et le tableau des calculs. L'auteur expose ensuite la méthode de calcul sui- vie pour obtenir les longitudes par les hauteurs ou les distances lunaires, et termine le chapitre en don- nant les observations et les longitudes conclues pour quatorze localités, dont cinq ont été déjà conclues par l'autre méthode. Entre les diverses longitudes conclues pour un même lieu, on peut remarquer que le plus grand écart est h' 12^' ; mais généralement les écarts maxima ne sont que de 1' à 2' au plus. Le chapitre V a pour objet le calcul des altitudes par les observations hypsométriques. Après avoir expliqué comment, en l'absence d'ob- seiTations simultanées, on a pu, au moyen de cer- taines hypothèses, déduire les altitudes, l'auteur donne les calculs de cent cinquante et une altitudes hypsométriques, puis les déterminations de cinquante et une altitudes barométriques. On peut remarquer à ce sujet que le calcul des hauteurs, sans d>servations simultanées^ n'est pas une (61) innovation ; c'est même en vue d^obaervations isolées et non simultanées qu'ont été établies par M. Biot les premières tables données pour déduire les hau- teurs des obseiTations barométriques. Le chapitre se termine par deux listes alphabétiques des altitudes moyennes des localités qui ont été l'objet d'observations hypsométriques et barométriques. On peut remarquer dans ces listes que le plus grand écart entre les déterminations particulières et leur moyenne est de 109 mètres (col de Tnmama élevé de plus de 2,000 mètres au-dessus du niveau de la mer) pour les altitudes par l'hypsomètre, et qu'il est de 5i mètres [Ad^a^ localité élevée aussi d'environ 2,000 mètres) pour les altitudes par le baromètre. Le chapitre VI est intitulé : Bases par le son. Il donne le détail textuel des observations au moyen des- quelles M. d'Abbadie a déterminé cinq bases diffé- rentes par la vitesse du son. . Il s*est servi, pour ces calculs, de la formule de M. Chazallon. Les longueurs, ainsi obtenues et réduites à Diori- zon et au niveau de la mer, ne diffèrent de celles qui résultent des procédés géodésiques que de quantités équivalentes aux erreurs probables présumées. Un appendice du chapitre VI donne quelques détails sur des mesures accessoires. Le chapitre VII donne le détail des méthodes em- ployées pour réduire à leurs azimuts et apozénits vrais les angles azimutaux et verticaux. Il a été observé trois cent vingt-cinq tours d'hori- zon, dont deux cent vingt-deux orientés au moyen du soleil et un seul par la lune. (6i) Enfin te chapitre VIII donne la liste générale de ces coilts , d'horizon : ce sont autant de véritables panora*" mas relevés géométriquement, et dont le centre a été occupé par l'observateur. Le hombre considérable de ces observations, (fue l'auteur regarde comme la partie la plus utile et là plus importante de siBS matériaux, donne une idée de fous les résultats acquis par notre infatigable collègue pour la connaissance de ces contrééd peu explorées. Ces résultats prouveni; que» même eil pays bar* bares ou peu cbnnus où, pour former les triangles géodésiques, Ton ne peut se servir que dé signaux na-* turels» le voyageur pourvu de bons instruments, et surtout armé de sagacité^ de zèle et de patience, peut arriver cependant à former le canevas de ia carte avec une exactitude fort satisfais£uate. L'auteur estime que^ dans son canevas géodésique, une différence de longi'- tudes déterminée par sa xnéthode ne sera pas, en er- reur de plus de ô'' ou 1/1 0"" de minute, àoit 190 mètres. Ce serait un admirable résultat ! . Voilà, messieurs^ une; bien aride et brève analyse de la première partie des beaux travaux de notre hono^ rable collègue ; vous voudrez bien^ j'espère, excuser mon insuffisance à vous en faire ressortir tout l'in- térêt. K F. Noël. ISjaovier 1861. (68) • • • ^ RAPPORT Sur l'ouvrage intitulé : Narratisfe oj a voyage to the West-hidiés and Mexico in the years^ 1599-1602, by Samuel Champlain, etc. , edited by Norton Shaw, Personne n'ignore que Samuel Champion, gentil^ homme de Saintonge, capitaine de la marine française sous Louis XIII, fut un des premiers envoyés à la découverte des terres américaines, qui furent appelées la Nouvelle-France, et depuis, le Canada. Il était né au Brouage, après le milieu du xvi" siècle ; le jour de sa naissance n'est pas exactement connu. Tout le monde sait également qu'il existe en Angle-» terre, depuis quelque temps, une société dite d'Hac- kluyt, qui s'est imposé une tâche très honorable, c'est de publier, d'après les manuscrits, les voyages inédits ou édités d'une manière incorrecte ou insuffisante. Cette société vient de publier un récit abrégé du voyage de Champlain aux Indes occidentales et au Mexique, d'après un manuscrit original et inédit du voyageur saintongeois , voyage accompli dans les années 1599 à 1602, c'est-à-dire, antérieur à son voyage au Canada dont la relation est bien connue. L'ouvrage est accompagné de/ac simile et de douze dessins, reproduits avec soin, d'après les originaux autographes, et plusieurs, coloriés : ce volume est d'une exécution remarquable. > (64) La nouvelle relation a été traduite en anglais par M. Alice Wilfliere ; elle est précédée d'une biographie très étendue et très curieuse de Samuel Champlain, composée parle môme auteur : l'éditeur est M. Norton Sbaw, secrétaire de la Société géographique de Londres. Le manuscrit original est à Dieppe ; après avoir été autrefois en la possession de M. le commandeur de Chastes, gouverneur de la ville, et ensuite au couvent des Minimes; il appartient aujourd'hui à M. Feret, bibliothécaire de Dieppe, et il porte tous les caractères de l'authenticité. Ghamplain raconte d'abord, en peu de mots , son départ pour Cadix et de là pour la Guadeloupe, sa visite à l'île de la Marguerite et à la pêcherie des perles, ensuite à Porto-Rico, que les Anglais venaient de quitter et avaient laissée dans un misérable état : les maisons brûlées, les remparts renversés, la popu- lation réduite à trois ou quatre individus, le reste en fuite dans les montagnes, ou emmenés en captivité. Il décrit ensuite Saint-Domingue, Cuba et les autres îles, ainsi que leurs riches productions ; enfin il entre dans la Nouvelle-Espagne (le Mexique) à 600 lieues de Porto-Rico ; il admire la splendeur du Mexico ; le tableau qu'il en donne, à la fin du xvi* siècle, est fait pour inspirer de la curiosité. A cette époque, la popu- lation était d'environ 120,000 à 130,000 habitants, indigènes, nègres et Espagnols. Il décrit les produc- tions de toutes sortes de ce fertile pays et leurs divers usages. Cette partie de la relation présente un double intérêt, surtout pour le temps où voyageait Ghamplain. («5) Ce n'est pas sans étonnement qu*on voit un voyar geur français, en un temps aussi reculé, s'occuper d'une communication entre l'océan Atlantique et l'océan Pacifique, en peu de mots, il est vrai : ainsi, depuis trois siècles, on n'a jamais cessé d'y songer. Quant aux animaux, on a reproché à Samuel Gham- plain, et non sans fondement, un excès de crédulité; c'est un des défauts de son temps ; il était pourtant un homme sagace et pénétrant. On n'accuse pas sa bonne foi; mais, enclin au merveilleux, il accueillait trop légèrement les récits des natifs : parlant sur ouï-dire, il admettait des êtres monstrueux, des dragons à tète d'aigle, à ailes de chauves-souris, à la queue écail- leuse, au corps de reptile. Les Indiens, non soumis à la domination espagnole, sont l'objet des remarques de Champlain ; il nous apprend que ces hommes adoraient la lune, lui adres- ssdent de ferventes prières, lui demandaient de les faire triompher de leurs ennemis, commençant et finissant leurs cérémonies par des chants bruyants et des danses furieuses. Quant aux Indiens convertis, ils étaient sévèrement traités, et astreints par la force à suivre les pratiques du culte chrétien soumis à l'inquisition, et frappés ou menacés de mort en cas de retour à leurs divinités. Panama, en ce temps, recevait l'or et l'argent du Pérou et l'exportait partout. C'est là, dit Champlain, qu'on pourrait établir une communication qui abrége- rait de 1500 lieues la route d'un océan à l'autre. C'est dans la Relation qu'on trouvera les dévelop«* pements que comportent tous cessujets* Samuel Cham- I. JANVIER. 5. 6 pkân le$ a traités avec une naïveté, une sraiplické rQiaarquables» et. bien faites pour inspirer une œti&re Qcmfiaiioe, On aime à voir le savant secrétaire de la Société géographique de Londres» rendre hommage au mérite et au courage dû voyageur français, à son caractère élevé, à son habileté et à. sa baute intellig^cice, et le proclamer comme le vrai feo^ateur de la riche colonie que possède et que lui doit k Grande-Bretagne. JOMARD. (61) EV#iivellcài et eMumiiiileâtloiiè. EXTRAIT D*UNE LETTRE ADRESSÉE A M. JOMARO PAR M. LeJEAN. Karthoum, novembre 1860. Monsieur, * Vous pardonnerez à un malade de vous remercier fort brièvement des quelques mots qui le concernent dans votre lettre au docteur Peney, et qui ont fait bon effet ici. M. Peney est parti il y a trois semaines avec une grande expédition. J'ai pris le parti d'armer moi-même une petite expédition, je pars le 27 sur mon neghev la Bretagne^ de vingt-neuf hommes d'équipage, marins et soldats. Ce n'est plus le temps de Brun-RoUet, où on - partait ayec douze hommes pour cette Arcadie : les négriers ont rougi le fleuve, et comme, cette année, ils ont eu de rudes moments à passer, ils partent fort disposés à des vengeances terribles. M. Peney s'est adjoint à une expédition qui dispose de dix barques et de quatre cents hommes. Un prix énorme, dit-on ici, a été proposé par le gouvernement anglais pour la découverte, et il est question de se le partager. Du reste, tous les. associés, même euro- péens, sont parfaitement, illettrés, sauf M. Peney„ qui peut faire d'excellentes observations astronomiques,. (68) s'il reçoit les institiments qu'il a demandés au Caire : mais ni lui, ni les antres encore mmns , ne peuvent tracer une carte exacte. Je reviens du Kordofan/d'où j'ai rapporté la fièvre, des études très neuves sur la race nuba-nubienne, et une partie des antiquités de Kab-BelluL Ce BelluI de Pallme (ou plutôt Belilé et Djebel -HîUé) n'est pas une ville, c'est un groupe d'antiquités cachées dans des montagnes. J'ai pris là le gisement des points suivants : Haraza, Kobi, Surudj, Belilé (qui est peut-être le même que Surudj), et Haoudoun, une vraie mine de sculptures précieuses. J'ai copié Haraza, mais j'y suis tombé si grièvement malade, que j'ai passé une journée à Kobi\ sans avoir le courage de monter aux pierres écrites; ce sont de vraies antiquités libyques (non égyptiennes ou de Méroë), avec une certaine science de dessin et des costumes qui me déroutent complète- ment. Je vais, monsieur, au Nyanza. De l'ouest du Nyanza, je crois qu'il y a quelque chose de curieux à découvrir. Je ferai ce que je pourrai pour m' éclairer sur le Jeji (grand fleuve qui coule à quatre jours O. de Gondo- koro, aussi important, là, que le fleuve Blanc à même latitude. Les Arabes l'appellent Bahr-el-Djour). J'ose- rai vous prier de m' écrire à la Mudirié de Khartoum, où je serai du 25 au 30 juin. P. S. — Cnmc de Pallme, prononcée à l'italienne (catche) ne peut être que Katcha, ville du Darfour conquise par les troupes égyptiennes vers 1844. On m'avait en effet signalé le Haoudoun à trois journées de ce lieu ; mais c'est une erreur, et mes (69) hommes m'ont rendu service en me forçait, à tm-cbe- min, à quitter la route de Katcha que j'avais prise, et il revenir à Lobeïdb. La santé revient, le courage aussi, et je ne promets pas de ne^ pas tenter quelque chose en juillet pit)chain pour voir le Haoudoun. Remarques sur la lettre précédente^ au sujet des antiquités situées près du Darfour. Le voyageur Edouard Ruppell est, je crois, le pre- mier qui ait parlé, d'après divers bruits, de l'existence des restes d'antiquités situés vers le sud du Darfour et duKordofan, il regardait ce récit comme peu vraisem- blable. Un autre voyageur allemand, Ignatius Pallme, qui a publié en 18A& un voyage au Kordofan, a raconté ce que disent les indigènes, des ruines situées sur la limite du Kordofan et du Darfour, mais il ne les a pas visitées. Cest à Cab-BeluU, dit-il (p. 3A7 de la tra- duction anglaise), entre le Kordofan et le Darfour, et à deux jours de Gaccie. Suivant les Djellabs (mar- chands d'esclaves) , il y a de grands portiques que ces hommes, qui connaissent les monuments dé l'Egypte, comparent à ceux deLouqsorà Thëbes; ces ruines sont enterrées dans le sable, etc. Nous n'avons pas manqué d'appeler l'attention sur ce qui pouvait avoir donné lieu à ces récits d'une apparence un peu suspecte, d'au- tant plus que le même Ed. Ruppell, voyageur judi- cieux et instruit, dît que des colonnes dont on lui avait :( 70 ) mgnàlé Texistence, se sont trouvées n'être autre chosfe que des colonnes de basalte. Toutefois, nous avons cité ces divers récits (1), dans les instructions données à divers voyageurs, en même temps que ce qui touche les antiquités qu'ion assure être situées au jcentre de nie de Méroé. Tout le monde comprend l'intérêt qui s'attache à un fait de cette nature. Pes ouvrages d'art, à une telle distance de la vallée du Nil, donneraient lieu à beau- coup de conjectures et même à des recherches histo- riques d'un haut intérêt. Les ruines que vient de visiter le premier AL G. Léjean à Abou-Harase, ont d ration pour ce talent qui sait si bien l'art de prou- » ver et de convaincre. On pourrait citer bien des » exemples de ces petits chefs-d'œuvre de controverse » historique qu'il a malheureusement enfouis dans le » Journal des sapants \ je dis enfouis à regret, car nul » plus que moi n'apprécie le mérite de ce magnifique » recueil ; mais il faut en convenir, son public est très » restreint. Il y a une foule de gens, même savants, » qui n'ont jamais pu se le procurer. Hors ceux qui » ont le bonheur d'être atfacbéitf à quelque établisse- » ment scientifique ou d'être l'ami d'un académicien » qui le possède, bien des gens ne le connaissent que )) pour l'avoir vu figurer dans le budget, du temps » qu'on lisait le budget. C'est un tombeau somptueux » si l'on veut, où l'on rend de grands honneurs aux » morts, mais qui ne se rencontre pas, comme les tom- » beaux anciens, sur la route des vivants. » Ces passages qui peuvent s'appliquer tout aussi bien, et sous tous les rapports, aux Comptes rendus des (74) séances de VJcàdémie des sciences qu'au Journal dess favants^ ce que je ne crois pas avoir besoin de déve- lopper, m'ont suggéré l'idée de renouveler mon ancienne proposition. €'est ce que je fais formellement aujourd'hui, en ajoutant, non pour mes collègues qui le savent aussi Inen que moi, mais poxur toutes les autres personnes qui liront cette note, que notre bibliothèque est, comme spécialité géographique, une des plus curieuses et des plus complètes de Paris, par suite des dons , qu'elle reçoit journellement des membres de la Société, de nos Ministères, des Académies et Sociétés scienti- fiques françaises et étrangères, et des savants de toutes les nations. Je dirai en terminant qu'elle est ouverte tous les jours, vous ne l'ignorez pas non plus, à ses membres, ainsi qu'aux savants français et étrangers qui ont des recher- ches à y faire et désirent y travailler ; et que l'agent de la Société qui dirige la bibliothèque depuis près de quarante ans, c'est-à-dire depuis la fondation, et qui la connaît parfaitement, fournit à tous les visiteurs toutes les informations dont ils peuvent avoir besoin. De la Roquette. Cette proposition a été approuvée par la Commission centrale le 6 novembre 1860. (76) Actes de la Société. EXTRAITS DES PBOCÈS- VERBAUX DES SÉANCES. » • Séance du h janvier 1861. IL Hîmly, 3eorétaire de la Société» communiciue le procès-verbaj de la dernière Assemblée générale. Après cette lecture, la Cominission centrale procède au renouvellement des membres de son. bureau pour l'année 1861 » et nomme : président , M. Jomard ; vice-présidents MM. d'Avezac et Alfred Maury ; secré- taire général, M. V. A. Malte-Brun ; secrétaire adjoint, i^. y* A. Barbie du Bocage. La G)mmission centrale procède ensuite à la forma- tion de ses sections, et nomme pour en faire partie, savoir : Section de correspondance. — MM. A. d'Abbadie, corr. de l'Insûtut, Alex. Bonneau, Ed. Gharton, comte d'Escayrac de Lauture, E. de Froidefonds des Farges, Victor Guérin, Aug. Himly, Gabriel Lafond, de la Ro- quette, Ernest Morin, Noël des Vergers, corr. de Fln- stitut. Adjoint, M. Lejean. Section de publication. — MM. Buisson, E. Gortam- bert, Alfred Demersay, Guigniaut, de l'Institut, Lour- mand, Jules Duval, Morel-Fatio, de Quatrefages, de (76) rinstitut, Elisée Reclus, Sédillot, Trëmaux, Vivien de Saint-Martin. Adjoint, M. Alfred Jacobs. Section de comptabilité. — MM. Albert-Montémont, Bouillet, F. -A. Gamier, S. Jacobs, Lefebyre-Duruflë, Poulain de Bossay. Adjoint, M. Fabre. En prenant place au fauteuil, M. Jomard propose de voter des remerclments à M. d'Avezac pour les soins et le zèle qu'il a déployés pendant sa présidence pour les affaires et les intérêts de la Société, ce qui ne Ta pas empêché de communiquer d'intéressants docu- ments sur des sujets scientifiques. Le Président appelle l'attention de la Société sur les nouvelles récentes de la Chine et les odieux traite- ments dont a souffert notre collègue, M. le comte d'Escayrac, pendant sa captivité à Pé-King. Il pro- pose qu'une lettre exprimant les sentiments sympa- thiques de la Société soit adressée à la famille. Cette proposition est adoptée. Sont présentés pour faire partie de la Société : MM. le général de division Marey-Monge, petit-fils du géomètre, le principal fondateur de l'École polytech- nique, par MM. Jomard et d'Avezac ; Petit, chef de division au ministère de l'mstruction publique ; Tal- berg, censeur des études au lycée Louis-le-Grand , par MM. Poulain de Bossay et d'Avezac; et l'abbé Brasseur de Bourbourg, par MM. Jomard et Malte- Brun. (77) Séance du 18 jcawier 1861 • Son Exe. M. le ministre de rinstniction publique in* forme la Société qu*il lui a attribué, pour l'année 1861 ^ à titre d'allocation, une somme de 600 fr. en échange de cinquante exemplaires de son Bulletin. H. Kennelly» secrétaire de la Société de Géographie de Bombay, annonce l'envoi du quinzième volume des Transactions de cette Société. M. le Président donne lecture de deux lettres qui lui sont adressées, l'une, par le prince de Beauvau, qui l'informe que la traversée entière de l'Australie a été accomplie par M. Steward Mac-Dugald; l'autre, par H. Lejean, qui annonce son départ pour le haut Nil Blanc, sur une barque montée par trente hommes» et l'excursion qu'il vient de faire en allant au Kordofan» au lieu dit Haraza, où sont des vestiges d'antiquités éthiopiennes. Il communique ensuite les statuts de la fondation Karl Ritter, qui lui sont adressés par le doc- teur Barth. H. Malte-Brun donne également lecture d'une autre lettre de M. Lejean, à la date du 27 novembre annon- çant son départ pour le haut Nil, Ce voyageur pense être de retour à Khartoum dans le courant de juin. H.le capitaine Burton, dans une lettre adressée à M. le secrétaire général, remercie vivement la Société de la grande médaille d'or qu'elle a bien voulu lui décenier pour son exploration vers les grands lacs de l'Afrique orientale» M. Lourmand propose : « d'adjoindre immédiatement aux membres .du bureau trois autres membres (un pour chaque sectiou) pour former une Commission spéciale chargée, l"* de solliciter et de recueillir les ans de tous ses collègues sur les meilleurs moyens de donner à la prospérité de la Société le déYeloppemeot désîraUe; 2''.de rédiger, d'après les divers avis, un travail d'ensemble qui serait sovmis à la discirasûm de la Commissioii centrale dans une séance indîquéa ad hocy le {dus procfaaineDient possible. » La propoeitios de M. Lourmand est adoptée, et les sections scmt isivitées à se réunir prochainement pour nomm^ leur dâégué auprès évi Iwnreau. M. d'Arezac fait cann^tre hi fondation, à Gènes, d'un eoU^e, ou l/uHtaâ teeimquey dans leqi^ a été créée une chaire i* histoire et de géographie dont le ti- tulaire^ connu de plusieurs des membres de la Sodélé, eal M. HidieWc^eph Ganale, déjà chargé par sa ville natale de donner une éditi<»i complète des c^ëfares Annale» génoises de CaiFaro et ses continuateurs, si intéressantes pour certains faits de Fhistoire des en*- treprises de découvertes au moyen âge. Un Cabinei géographique est aussi en p€^\^ et M. G«nale n'a pas manipté de conaKlérer la BBagnifîque colleetion des MommimUs de la géographie ^ ds M. Joanard, comme une .des. pvemièr es acquisitioas à. y &îre entrer. M. d' Avezac. signale en cmtre comme digne de tout l'intérêt de la Socié^ une pubUcatiM nouvdlement faite à l'Institut géographique de Weimar, de la por- tion américaine dea deux cartes espagnoles, de 1&27 et 1529, reproduites en faonaimile d'apcèa les origi* (7») Baux appartenant à la Bibliotbique grand^ducàla C^Ue publication, faite avec luxe dans le fariuatiiK' folio, mérite encore plus Tattentio» par le fond que par la forme : elle est due à M. Rohl, dont la Société n'a point oubUé la riche coUectioQ de calques d« toutes les anciennes cai*tes relatives à TAmérique par lui recueillis dans tous les établissements scientLfiqueft de l'Europe. M. d'Avezac donne un ap^çu rapide du c4wunentaire très étendu que M. Rohl a joint aux deux cartes, dont la seconde est bien connue comme l'cBuvre du cosmographe Diègue Ribero, mais dont la première est restée anonyme et fait l'objet d'une curieuse re- cherche de l'auteur que M. Kohi attribue en définitive à Ferdinand Colomb, le fils et le biographe de l'il- lustre découvreur. Après une série de chapitres pleins d'une érudition toute spéciale sur Tensemble de ces deux monuments cartographiques, une seconde partie du travail est consacrée à un examen détaillé de leur omtenu. S'il est permis d'exprimer un regret à l'égard de cette belle publication, c'est celui de la voir bornée à une seule moitié de deux précieux documents qu'on serait désireux de posséder en leur entier, accompa-^ goés pour le tout d'ua travail aussi bien faiL M. Blalte-Brun dépose sur le bureau, de la part de M- Victor de Rochas, sa thèse pour le doctorat en mé« decine, intitulée : Essai sur la topographie hygiénique et médicale de la Nouvelle-Calédonie. Sont admis comme membres de la Société : M. le général de division Marey-Monge, présenté par MM. Jo- mard et d'Avezac ; M. Petit, chef de division au minis- tère de l'instruction publique ; M. Talberg, censeur des (80) études au lycée Louis-le-Grand, par MM. Poulain de Bossay; et d' Avezac ; M. l'abbé Brasseur de Bourbourg, par MM. Jomard et Malte-Brun. Sont présentés pour faire partie de la Société : M. Delalieau , inspecteur de l'Académie de Paris; M. Duruy, professeur d'histoire au lycée Napoléon, présentés par MM. Poulain de Bossay et Jomard; M. Victor de Rochas, chirurgien de marine, présenté par MM. Malte-Brun et d'Avezac , et M. le vicomte Tristan de Rostaing, présenté par MM. Poulain de Bossay et d' Avezac. M. Noël rend compte de la première partie de la Géodésie de la hante Ethiopie^ par M. Antoine d'Ab- badie. — Renvoi au Bulletin. M. Jomard fait un rapport sur l'édition anglaise du Voyage de Samuel Champlain aux Indes occidentales et au Mexique^ de 1599 à 1602. — Renvoi au Bulletin. M. V. A. Barbie du Bocage lit un rapport sur la Desctiption et t histoire du Maroc^ par M. l'abbé Go- dard. Il annonce que ce rapport est le prologue d'une Notice sur le Maroc qu'il se propose de communiquer à la Société. M. Poulain de Bossay commence la lecture d'un mémoire intitulé : Essai de restitution et d! interpréta^ tion (Vun passage de Scylax relatif à la position de Tjrr* Cette lecture sera continuée dans une prochaine séance. (81) OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ SÉANCES DE JANVIER 1861. Pablicatlona da Dépôt géaéral de te MaHiie . en 1 859- J 860. LIVRES, Instractions nautiques destinées h accompagner les cartes de vents et de courants, par M. F. Manry, directeur de l*observatoire de Washington, traduites par Ed. Vaneecbout, lieutenant de vaisseau, publiées au Dépôt général de la marine, par ordre de Son Excellence Vamiral Hamelin. Paris, 1859, 1 vol. in-4. — Pilote norvégien d*aprës les travaux de la direction hydrographique de Norvège, réunis et traduits par le baron de Long, publié sous le ministère de Son Eicellence M. Tamiral Hamelin. Paris, 1858, 1 vol. in-8. — — Mer du Nord. T* partie : lies Shetland, lies Orcades; II^' partie : cdtes nord et est d*Écosse, traduction du pilote^ publié par ordre de Famirauté anglaise par M. A. Legras, capitaine de frégate. Publié au Dépôt des cartes et plans de la marine sous le ministère de Son Excellence M. Tamiral Hamelin. Paris, 1859, 2 vol. in-8. — Renseignements hydrographiques sur les lies Bashee, les lies Formose et Lou-Tchou, la Corée, la mer du Japon, les lies du Japon (ports d*Hakodaki, Ne-e-Gate, Nèngasaki, Simoda et Yedo) et la mer d*Okhotsk, mis en ordre et publiés par M. Le Gras, capitaine de frégate, 2^ édition. Paris, 1860, t vol. in-8. — Recherches chronométriques, publiées sous le ministère de Son Excellence M. Tamiral Hamelin. Paris, 1859, 4 cahiers in-8. — Renseigne- ments nautiques sur la Nouvelle-Calédonie et les ties Loyalty, par M. Grimoult, lieutenant de vaisseau (Extrait des Annales hydro- graphiques, 2* trimestre 1859). Paris, 1859, 1 broch. in-S. — Note sur remploi du cercle méridien de Brunner pour obtenir une base par des diCTérences de latitudes. — Rapport sur Pexploration de I. JANVIER. 6. 6 (82) Rocbebonne. Méthodes employées pour Gxer la positioa de ce pla> teau. Emploi de la vitesse do sod poor détermioer sa distance, par M. Bouquet de La Grye (Extrait des Annales hydrographiques, 1«' et A^ trimestres 1859). Paris, 1860, 1 brocb. in-S. — lufluence des courants sur la navigation à la côte occidentale d^Afrique, par M. A. Vallon, lieutenant de vaisseau (Extrait des Annales hydrogra- phiques, 1860). Paris, 1860, 1 broch. in-S. — Détroit de Banka. Nou- velle passe pour donner dans le détroit en venant du sud. Position de quelques écueils dans la mer de Corail (Extrait des Annales hydro- graphiques, 2*" trimestre de 1860). Paris 1860, 1 broch. in-8. — Note sur l'évaluation des distances en mer, par M. de la Roche- Poncié (Extrait des Annales hydrographiques, 2® trimestre 1860). Paris, 1860, 1 broch. in-8. — Modifications et additions au livre des phares jusqu^au 15 novembre 1859, par M. Legras, capitaine de Trégate. Paris, 1859. 1 feuille. — Annuaire des marées des câtes de France, pour les années 1860, 1861, publié au Dépôt de la marine, sous le ministère de M. Tamiral Hamelin, par A. M. R. Chazallon. Paris, 1859-1860, 2 vol. in-12. CARTES. N°* 1760. Mer du Nord, partie méridionale, V^ feuille. — 1765. Plan des environs des Fleurs (côte nord-ouest de Terre-Neuve). — 1766. Croquis de la baie d'Uvéa (tie Halgan, groupe des ties Loyalty). — 1767. Plan de la lagune de Terminos (entrée oxiest), golfe du Mexique : côteda Yucatan. — 1768. Baie Narraganset (États-Unis), côte d'Amérique. — 1769. Baie Oyster ou Syosset (États-Unis), côte d'Amérique. — 1770. Les Tortugas (côte des États-Unis) golfe du Mexique. — 1771. Pensacola (États-Unis), golfe du Mexique. — 1772. Iles Cat et Sbip (côte des États-Unis), golfe du Mexique. — . 1773. Cardenas (merdes Antilles). — 1774. Mouillages Matbewet Molasses (grande Inague), mer des Antilles. — 1775. Mouillage d'Alfred (grande Inague), mer des Antilles. — 1776. Rivière Deme- rabi (Guyane anglaise), côte d'Amérique. — 1777. Cayes Turques mer des Antilles. — 1778. Baie des Gonaïvcs (Saint-Domingue), mer des Antilles. —1779. Baies Crocus et Road (tIe de l'Anguille), mer des Antilles. — 1 780. Baie du Marigot (tIe Saint-Martin), mer ( 83 ) des Antilles. La grande Baie (Ile Saint-Martin). — 1781. Lac des Huîtres (Ile de Saint-Martin). Port de Gostavia (Ite de Saint-Bar- tbélemy), mer des Antilles. — 1782. Port Anglais et port Falmooth ile Antigoa), mer des Antilles. — 1783. Les Saintes (mer des An- tiUes]. — 1784. Les Roques (côte nord de Venezuela), mer des Antilles. — 1785. Côte d^Espagne, pariie comprise entre le Gua- dalquivir et le cap Trafalgar. — 1786. Carte particulière des côtes d^Ilalie (États romains), partie comprise entre la tour Linaro et Tembouchure du Tibre. — 1787. Mouillages de la côte d^Espagne (Plata, Bolonia, val de Vaqueros, Tarifa et Gualmesi), détroit de Gibraltar, r— 1788. Carte particulière des côtes dUtalie (États Sardes), partie comprise entre le cap Mesco et le duché de Modène. — 1789. Carte particulière des côtes d'Italie (États Sardes), partie comprise entre Portofino et le cap Mesco — 1790. Plan du Bosphore, V^ feuille. — 1791. Plan du Bosphore, 2^ feuille. — 1792. Plan du Bosphore, 3'' feuille. — 1793. Plan du port de France, du port Laguerre et de la baie de Nou-Mea (Nouvelle-Calé- donie). — 1794. Plan du port Saint ^Vincent et du golfe Saint- Denis (Nouvelle-Calédonie). — 1795. Plan du cours de TAdour depuis son embouchure jusqu'à Bayonne. Etat de Tembouchure de TAdonr. — 1796. Baie de Lamoo, Patta et Rwyhoo (côte orientale d'Afrique;. — 1797. Baie et havre de Lamoo. BaieFormosa. Port Maleenda. Ports Cockburn, sir George Campbell et Chak-Chak (côte orientale d'Arrique) — 1798. Quiloa (côte orientale d'Afrique). — 1799. Banc et lie Latham. Havre Ibo. Baie Almeida, récifs Man- cabala et Indojo. Rivière Moughow. Rivière Lindy (côte orientale d'Afrique). — 1800. Port de Mozambique (côte orientale d'Afrique). — 1801. Ports de Conducia, Mozambique et Mokamba (côte orientale d'Afrique) 1802. Baie .Pomba. Rivière et barre Sofala(côte orientale d'Afrique). — 1803. Rivière Quilimane bou- che nord du Zambesi. Rivière Inhambane (côte orientale d'Afrique). — 1804. Plan des havres des Griguets du cap Blanc et de la baie du nord (côte orientale de Terre-Neuve). — 1805. Plan de la baie de Saint-Lunaire (côte orientale de Terre-Neuve). — 1806. Plan de Porto d'Anzio (États romains). — 1807. Carte des Atterrages de Reikiavik (Faie Bugt) côte occidentale d'Islande. — 1808. Carte (84 ) particulière des côtes (T Italie (États sardes), partie comprise entre le cap Caprazoppa. et Arenzano. — 1809. Détroit de Gibraltar. — tSlO. Plan de la baie de Barracouta (manche de Tartarie). — 1811 . Reconnaissance de la baie Youghin (côte orientalede Corée). — 1812. Plan dn moniilage de Marbilla. — 1813. Plan da mouillage de Frangerola. — 1814. Plan de la passe sud de Lalypa (rivière de Canton), mer de Chine. — 1815. Petit Dell, Middelfart et sund de Fœnô. — 1816. Grand Belt (partie nord). — 1817. Grand Belt (partie sud). — 1818. Carte des fies de Lipari, royaume des Deux-Siciles. — 1819. Plan des ports de la passe Havannali (Nouvelle-Calédonie). — 1820. Plan de la baie du Prony (partie sud de la Nouvelle-Calédonie). — 1821. Carte particulière des côtes dltalie (États sardes), partie comprise entre Monaco et Sau- Lorenzo. — 1822. Carte particulière des côtes d'Italie (États sardes), partie comprise entre San-Lorenzo et le cap Caprazoppa. — 1823. Plan du port de Vao et de la partie sud de Ptle des Pins (Nouvelle- Calédonie). — 1824. Carte de Kunie (Ile des Pins), Nouvelle-Calé- donie. — 1825. Plan de la baie Sainte- Barbe (côte nord-ouest de Terre-Neuve). — 1826. Plan du havre des Petites-Oies et de celui des trois montagnes (côte nord-est de Terre-Neuve). — 1827. Plan des havres de la crémaillère et des trois montagnes (côte orientale de Terre-Neuve). — 1828. Baie de Nangasaki (Japon). — 1829. Japon. Port de Simoda (tle Nippon). — 1830. Japon. Port de Eako- dadï (lie lesso). — 1831. Plan du havre de la Tète de Vache (côte occidentale de Terre-Neuve). — 1832. Plan du havre de Paquet (côte nord-est de Terre-Neuve). — 1833. Pian du havre de Kolgraver Fiord (côte occidentale d'Islande). — 1834. Plan croquis du havre de Nord-Fiord (côte orientale d'Islande). — 1835. Plan croquis de la baie de Tborsbaven (lies Feroë). — 1836. Côte occi- dentale d'Afrique, partie comprise entre le détroit de Gibraltar et le cap Bojador (océan Atlantique). — 1837. Croquis du port de Tamandaré (Brésil). — 1838. Plan de la baie de Saint-Mein et du havre de Saint- Antoine (côte nord-est de Terre-Neuve). — 1839. •Carte des bancs situés au sud de File de Terre-Neuve. — 1841. La Havane (tle de Cuba) mer des Antilles, océan Atlantique. — 1842. Plan du port de Yu-lin-kan (côte sud d'Haïnau). — 1843. ( 86) Carte de rentrée de la MéditerraDée comprenaot la côte d^Espagne de Uuelba au cap de Palos et la côte d'Afrique de Mehedijah au rap Ferrât. — 1844. Carte d'une partie des côtes de Chine et de Cochinchine (golfe du Tonquin et détroit d'Haïnan). — 1845. Plan de nie Uen et du canal Woodin (Nouvelle-Calédonie). — 1846. Carte du Bosphore. — 1847. Crique de TÉmigration (embouchure du Rio-Congo), côtes d'Afrique, océan Atlantique. — 1848. Carte de nie de Cuba (l'« feuille) partie orientale. — 1849. Carte de la mer d'Azof. — 1850. Carte de la mer Noire (4® feuille) du cap Idokopas au cap Zeflros. — 1851. Carte de la mer Noire (5*^ feuille) du cap ZeGros au cap Rerempeh. — 1852. Plan des mouillages de Lipari (royaume des Deux-Siciles. — 1853. Plan de nie Panarla (lie de Lipari). — 1854. Ile de Malte depuis la Valette jusqu'à Marsa Scirocco. MÉMOIRES DES ACADÉMIES ET SOaÉTÉS SAVANTES, RECUEILS PÉRIODIQUES. The journal of the Royal Asiatic Society, vol. XVIII, part. 1, 1860. H. Fox Talbot, Translation of some Assyrian inscriptions. I. The Birs Nimrad inscription. II. The inscription of Michaux. III. The inscription of Bellino. E. TynvhitL Ptolemy's Chronology of Babylouian reigns conclusively vindicated, and the date of the f ail of Nineveh ascertained. With elucidations of connected points in Assyrian, Scythian, Médian, Lydian and Israélite history. — Com- parative translations, by W. H. Fox Talbot^ the Rev. E. Hincks^ D' Oppert, and sir H, C. Rawlinson, of the inscription of Tiglath Pileser I. Proceedings ofthe Royal geographical Society ofLondofit vol. IV, n"" 4. Address at the Universary Meeting of the Society, on the 28 may, 1860, delivered by the Earl de Grey and Ripon, Président. Philosophical Transactions of the Royal Society of London, for the year 1859. London, 1360, in-4 en 2 parties. On the physical phenomena of glaciers, by J, Tyndall, — On the vetned structure of glaciers, by the same. — On the fossils Mammals of Australia, by prof. Owen. On ibe deflcction of the plumb-liuc in India, caused by the (76) l'Institut, Elisée Reclus, Sédillot, Trémaux, Vivien de Saint-Martin. Adjoint, M. Alfred Jacobs. Section de comptabilité. — MM. Albert-Montémont, Bouillet, F.-A. Garnier, S. Jacobs, Lefebvre-Duruflé, Poulain de Bossay. Adjoint, M. Fabre. En prenant place au fauteuil, M. Jomard propose de voter des remerclments à M. d'Avezac pour les soins et le zèle qu'il a déployés pendant sa présidence pour les affaires et les intérêts de la Société, ce qui ne l'a pas empêché de communiquer d'intéressants docu- ments sur des sujets scientifiques. Le Président appelle l'attention de la Société sur les nouvelles récentes de la Chine et les odieux traite- ments dont a souffert notre collègue, M. le comte d'Escayrac, pendant sa captivité à Pé-King. Il pro- pose qu'une lettre exprimant les sentiments sympa- thiques de la Société soit adressée à la famiHe. Cette proposition est adoptée. Sont présentés pour faire partie de la Société : MM. le général de division Marey-Monge, petit-fils du géomètre, le principal fondateur de l'École polytech- nique, par MM. Jomard et d'Avezac ; Petit, chef de division au ministère de l'instruction publique ; Tal- berg, censeur des études au lycée Louis-le-Grand , par MM. Poulain de Bossay et d'Avezac; et l'abbé Brasseur de Bourbourg, par MM. Jomard et Malte- Brun. (77) Séance du iS Janvier 1861. Son Exe. M. le ministre de rinstniclion publique in« forme la Société qu^il lui a attribué, pour l'année 1861 » à titre d' allocation » une somme de 600 fr. en échange de cinquante exemplaires de son Bulletin. M. Kennelly» secrétaire de la Société de Géographie de Boml)ay, annonce Fenvoi du quinzième volume des Transactions de cette Société. M. le Président donne lecture de deux lettres qui lui sont adressées, Tune, par le prince de Beauvau, qui rinforme que la traversée entière de l'Australie a été accomplie par M» Steward Mac-Dugald ; l'autre, par H. Lejean, qui annonce son départ pour le haut Nil Blanc, sur une barque montée par trente hommes» et l'excursion qu'il vient de faire en allant au Kordofan» au lieu dit Haraza, où sont des vestiges d'antiquités éthiopiennes. Il communique ensuite les statuts de la fondation Karl Ritter, qui lui sont adressés par le doc- teur Barth. M. Malte-Brun donne également lecture d'une autre lettre de M. Lejean, à la date du 27 novembre annon- çant son départ pour le haut Nil. Ce voyageur pense être de retour à Khartoum dans le courant de juin. M.lecapitame Burton, dans une lettre adressée à M. le secrétaire général, remercie vivement la Société de la grande médsûlle d'or qu'elle a bien voulu lui décenier pour son exploration vers les grands lacs de l'Afrique orientale. {8.8 ) rhomme. — Gosselet^ Note sur des fossiles silariens trouvés dans le Brabant. — De Verneuil, Sur reiisteoce de la faune primordiale dans la chaîne cantabrique. — De Caux, Sur des ossements fos- siles et des silex taillés trouvés dans la sablière du Précy (Oise). — Thomusy^ Note sur Thjdrologie maritime et sur les lignes d'équisalure dans Tocéan Atlantique. — Ancat Deux notes sur deux nouvelles grottes ossifères découvertes en Sicile. Annuaire de la Société météorologique de France, Août et septembre. Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, t. I, 2** fascicule. Janvier-mars, 1860. Annales de la propagation de lafoi\ n** 193. Novembre. Missions de Syrie. Le Liban. — Missions de la Turquie d^Europe. — Océanie. Extrait d'une lettre du R. P. Gagnière, Sur les idéçs religieuses des nouveaux Calédoniens. — Lettre du R.P. Bernardy L tle Uvéa. Journal des missions éoangéliques. Septembre et octobre. Septembre. — Missions de la Chine. — De l'Inde. — Du pays Birman. — De Syrie. Octobre, — Mission de l'Afrique australe. — De llnde. — De TArménie. — De la Polynésie. Journal asiatique^ Juin et Juillet. Juin, — Mémoire sur les institutions de police chez les Arabes, les Persans et les Turcs, par M. leD' W. Behmauer, — Description des monuments de Dehli en 1852, d'après le texte hindoustani de Saïyid Ahmad Khan, par M. Garcin de Tassy, — Lettre de M. Khanikoff (sur un plan de Hérat). Juillet, — J, Mohl, Rapport sur les travaux du conseil de la Société asiatique pendant Tannée 1859-60. Erratum du Bulletin de novembre-décembre. Page 451, ligne 5, au lieu de ; Pater-el-bagaratr, Usez : Bain-cU baqarah. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE. FÉVRIER 1861. leiéisiioirci», IVotieei», elc. RECHERCHES SUR LA TOPOGRAPHIE DE TYR, PAR P. A. POULAIN DE BOSSAT. Tyr dans une tic. — Détroit, sa largeur, chaussée d'Alexandre qui est devenue iin isthme. — Bancs de rochers autour de Tllc de Tjrr. — Submersion d'une partie de Ttle. — Bassin méridional envi- ronné d'une épaisse muraille. -- Étendue delà ville de Tyr. — Iles et écueils au nord de Tyr. — Grande digue au sud. — Port inté- rieur, septentrional ou Sidonien. — Port méridional ou Égyptien. — Deux rades. — Rocher Maschouk. — Fofllaînes Raz-al-ÂYn. — Aqueducs. — Réservoirs. — Mur d'enceinte. — Les deux ties Am- brosiennes. — L'Eurychorc. — Canal qui séparait les deux lies. — Il a été en partie comblé. — Sa direction indiquée d'après Pétude des auteurs anciens et vérifiée par des fouilles. — Le port intérieur n*a pas été creusé de main d'hommes. — Arsenal maritime des Tyriens. — Nécropole de Tyr.. Avant le siège qu'elle soutint contre Alexandre, la ville de Tyr était renfermée dans une île. La largeur du détroit, qui séparait l'île du continent, était de 1. FÉVRIER. 1. 7 (90) h stades selon Scylax, Dîodore de Sicile et Quînte- Curce ; de 700 pas d'après Pline ; suivant Guillaume de Tyr elle était celle que peut parcourir une flèche lancée par un arc; de 700 & 800 paa d'après le P. Roger. Macondrell évalue à vingt minutes de marche la longueur de la chaussée d'Alexandre, par conséquent la largeur du détroit, et Buckingbam lui donne environ un demi-mille (1)« Ces assertions, à l'exception de celles de Pline et de Guillaume de Tyr, ne présentent pas de différences notables. 700 pas romains valent 5 stades :i^ ou 1036 mètres, tandis que 4 stades ne valent que 500 pas romains ou 7â0 mètres. La largeur donnée au détroit par Pline, dépasse donc d'un quart la largeur indi- quée par Scylax, Diodore de Sicile et Quinte-Curce. Gomme elle dépasse également toutes les indications qui se trouvent dans les auteurs anciens et modernes, on doit en conclure que le chiffre donné par Pline est erroné et exagéré ; et d'un autre côté, comme 500 pas romains sont exactement l'équivalent de 4 stades, je pense que, dans le texte de Pline, au lieu de 700, il faut lire 500 pas. Lea mesures indiquées approximativement par le P. Roger et par Buckingham s'éloignent peu de celle (1) Poalain de Bossajr, Essais de restitution et d^inlerpréuaion d'un passage de Scylax. — Diodore de Sicile, liy. xvii, chap. 40. — Qainte- Garce, liv. iv, chap. 2. — Pline, lîv. t, chap. 17. — Gamaonie de Tyr, Hist. des Croisades, trad. de M. Guizot, toI. II, liv. xiii, p. 257. — Le fi. P. Roger, ta Terre-Sainte,^. 49. — tfaandrell, Yoyage 4PÊkBpà JérueeMm^m 1#97; PMis, 1706,Ui*l9, p. 92. «« Dadkio- fhaa, fraviff Im fài/eetiwet p. 47. (91) que nous fournissent les trois auteurs anciens que j'ai cités. Dans un plan qui SLCCompsLgneY Examen critique iles historiens tV Alexandre^ de M. de Sainte-Croix , M. Barbie du Bocage a adopté, avec raison je crois, la mesure de h stades (1). Quant à Guillaume de Tyr, son estimation est très vague et ne vaut que ce que vaudrait aujourd'hui l'in*- dication fort peu précise d'une portée de Jusil (2). Un voyageur moderne, M. de Bertou, la préfère cepen- dant à toutes les autres, et il en conclut que la largeur du -détroit n'a jamais excédé 50 à 60 mètres (3). Oui, l'évaluation de M. de Bertou est conforme à ce qui se passe aujourd'hui à V Éducation d! Achille (4) ; mais bien certainement un archer du moyen âge eût été fort étonné et bien irrité s'il eût entendu dire que la portée de sa. flèche ne dépassait pas 150 à 180 pieds, distance que peut facilemerît atteindre une pierre lancée par un (1) Barbie da Bocage, Vlan de Tyr et de §es &uvir(ms, (2) Certains détails donués par Tarchevéque Gaillaume sur le siège de Tyr, permettent de supposer que la porte flanquée de tours, le large fossé et deux des murs qui défendaient rentrée de la ville, étaient situés sur la chaussée. S'il en était ainsi, la distance de la ville au continent pouvait n^être pas considérable, et par là s'expliquerait en partie ce que Phistorien dit de cette distance. (Guill. de Tyr, lit. xin, p. 259 et 264.) - Uin-Alatir (Reinaud, Extraits deshUtorieni aràbâs, p. 230), et Aboalféda (éd. de Koehier, p. 95), font mention également du fossé creusé par les croisés et par lequel Tyr redevint une ile. (3) M. J. de Bertou, Essai sur la topographie de Tyr. Paris, 1843, p, 64. Poçoke ne croit pas que rtleait été aussi éloignée du continent que le disent les historiens. U ne fait pas connaître les motifs sûr lesquels s*appuie son sentiment. (4) École de tir à Tare, boulevard du Temple, à Paris* (92) écolier. On le conçoit, la distance que peut franchir une flèche dépend de la longueur et de la bonté de Tare, de la force et de l'adresse de Tarcher; elle varie entre 91 et 219 mètres. Ce dernier chiffre indique la plus grande distance que puisse atteindre la flèche lancée par un archer robuste et expérimenté (1). Cinquante mètres I c'est à peu près la largeur du petit bras de la Seine derrière T Hôtel-Dieu. L'exé- cution d'un simple remblai de 50 à 60 mètres de lon- gueur, dans des eaux peu profondes, n'aurait pas nécessité les grands travaux imposés aux soldats de Nabuchodonosor et plus tard à ceux d'Alexandre ; les Tyriejîs n'auraient ^as eu besoin de monter sur de légers bateaux, de s'éloigner de l'île et de s'avancer vers le rivage continental pour adresser des railleries aux Macédoniens (2) ; du haut du mur d'enceinte, ils se seraient facilement fait entendre des soldats qui construisaient la cljaussée, car un intervalle de 50 à 60 mètres permet d'établir une conversation sans trop élever la voix. Enfin, que dirai-je? L'opinion de M. de Bertou est réfutée d'avance par Arrien, dans lequel nous lisons que l'exécution de la chaussée ne présenta d'abord aucune difficulté, parce que la mer était peu profonde et parce que l'éloignement ne permettait pas aux Tyriens de troubler le travail des Macédoniens ; mais lorsqu'on se fut rapproché de la ville, les soldats [r- (1) Manual of rural sports, by Stone HeDge, 3^ éd. London, 1857, p. 508 et 509. — Encyclopédie britannique, éd. de 1790, vol. l\, p. 212. Je doîs ces renseignements à Tobligeance de M. Ant. d*Ab- badie. (2) Qainte-Carce, liv. iv, cbap. !2. (93) d'Alexandre furent très incommodés des flèches de lem's ennemis. Quinte-Curcc dit aussi qu'après de grands travaux, la chaussée fut assez avancée pour que les Macédoniens se trouvassent à la portée du trait (\). Pourquoi prolonger cette discussion ? Depuis l'époque d'Alexandre, il est vrai, le détroit n'existe plus ; mais la difféi^ence du sol et les ruines encore subsistantes des murs et de quelques monuments rendent faciles à indiquer les anciennes limites de l'île du côté de l'isthme, et pendant longtemps il a été également pos- sible de reconnaître sur le continent où commençait la chaussée d'Alexandre. D'après les plans exécutés avec le plus de soin, entre ces deux points, la distance est d'environ 750 mètres ; ce sont les quatre stades des historiens anciens (2). Quant à la largeur de la chaussée, aucun géographe de l'antiquité n'en parle, et je ne l'ai trouvée indiquée que dans un seul historien, dans Diodore de Sicile, qui lui donne deux plèthres ou 200 pieds grecs, (61"^,64) (3). Arrien dit bien que la première chaussée entre- prise par Alexandre ayant été reconnue trop étroite, le roi la fit élargir afin qu'elle pût contenir un plus (1) Arriani, De expeditione Alexandri magni historiarumf libri yin, éd. Nico. Blaocardas, Âmsletodami, 1660, lib. ii, p. 131. — QaiDte- Curce, liv. iv, chap. 3. (2) Barbie da Bocage, Plan de Tyr. ~ Mouillage de Sour, levé en 1831 par Ormsby. — M. de Bertou, Plan de la péninsule de Tjr, dans le Bulletin de la Sociélé de Géographie de Paris^ 2^ série, t. XI. (3) Liv. XVII, chap. 40, à la fin. ( 9li ) grand nombre de tours destinées à protéger les tra- vailleurs (1); maïs cet historien, qui donne tant de détails précieux, ne s'explique pas sur la largeur du travail d'Alexandre. S'il faut en croire le P. Roger, de son temps, c'est-à-dire vers 1630, la largeur de l'isthme était de cinquante pas ; mais le P. Roger n'a rien me- suré ; toutes ses indications ne sont qu'approximatives et ne peuvent inspirer qu'une médiocre confiance (2). Néanmoins dans un périple inédit, qui remonte à une époque que j'ignore, je trouve une phrase qui atteste que, pendant bien des siècles, l'étendue de la chaussée est restée peu considérable. Voici cette phrase : « (Civi- » tas Tyri) quœ sita est in cor maris ferè hînc indè in » Eurum praesia (praecisa). » Si, comme aujourd'hui, la chaussée eût formé un isthme dont la largeur varie enti-e 500 et 700 mètres, l'auteur inconnu du périple n'aurait pas dît que « vers l'est, la ville de Tyr » était de chaque côté presque entièrement coupée » par la mer » , c'est-à-dire séparée du continent (3). Maundrell, qui visitait Tyr en 1697, avait remarqué que l'isthme était encore plus bas que l'île et que le continent ; la largeur de l'isthme, disait Buckingham (en 1816), forme à peu près le tiers de sa longueur (environ 800 mètres). Ainsi la chaussée à laquelle Alexandre avait donné environ 60 mètres, -n'était pas (l)Lib. II. p. 133. (2) Je possède dcax très anciens plans de Tyr diaprés lesquels il me paraît éfident qae l'évalnatieD da P. Roger est beaucoup trop faible. (3) Mon savant et excellent collègue, M. d*Aveiac, a fait copier à Londres une partie de ce périple qui a pour titre : Liber de ExistetUia Riveriarum et forma marts noslri medUerranei. (95) beaucoup plus large au commencement du xvu'' siècle, et de plus, à la fin de ce môme xvii* siècle, elle n'avait pas encore atteint le niveau de la. terre ferme et de rile, tandis qu'aujourd'hui cette chaussée, devenue un isthme, a une largeur moyenne de 600 mètres, et les sables qui s'y amoncellent forment des monticules dont quelques-uns sont plus élevés que la ville ; bien- tôt j'en dirai la cause. L'isthme et l'île, suivant la remarque de Volney (1), affectent la forme d'un marteau à tête ovale. A trois exceptions près, partout où Tyr est encore baignée par la mer, les côtes sont hérissées d'écueîls, de bancs de rochers et de débris de constructions (2). Ces construc- tions submergées mais encore debout, et qu'on ne peut confondre avec des colonnes ou des pans de murailles renversées et précipitées dans la mer, ont été remar- quées par quelques-uns des voyageurs qui ont visité la Syrie (8) ; ces voyageurs ont été particulièrement frappés de la quantité de colonnes qui se trouvent sur un rocher à fleur d'eau, au nord-est de la presqu'île. Alors, ils se sont .demandé si les rivages de la pénin- sule actuelle sont bien ceux de l'ancienne Tyr ; si depuis (1) Volney. Voyage en Syrie el en Egypte^ t. Il, chap. 29, p, 194. (2) Lettre de M. Jules de Bertou, insérée dans le Buiklin de la Société de géographie de Paris, 2** série, t. XI, p. 150 (mars 1839) — Autre lettre (restée inédite) adressée par M. de Bertou à M. Roux de Roehelie, président de ta Commission centrale de la Sociétéde géo- graphie, le 14 octobre 1838. [Z) Maundrcll, p. 82. — Buckingham, p. 47. — Le général Vial, dans le Mémoire sur la construction de la carte d'Egypte, par M. le colonel Jacotin, p. 97. — M. de Bertou, Essai sur la topographie de Tyr y p. 51 etsuiv. ( 96 ) les temps où cette ville était puissante et prospère, la mer n'aurait pas miné les côtes, enlevé tout ce qui n'a pas pu lui résister, dénudé ou plutôt raclé le roc, sui- vant l'expression du prophète (1), et par conséquent diminué l'étendue du sol habitable. Cette opinion sur la submersion d'une partie de la ville cesse d'être conjecturale et acquiert un grand degré de certitude, si nous invoquons le témoignage de Benjamin de Tudèle. Ce juif espagnol, qui dit avoir visité l'Orient en 1173, s'exprime ainsi : a Que si l'on » monte sur les murailles de la nouvelle Tyr, on voit » l'ancienne Tyr ensevelie sous les eaux de la mer qui » la couvre, à un jet de pierre de la nouvelle. Et pour » en découvrir les tours, les places publiques et les » palais qui sont au fond, on n'a qu'à s'y transporter » dans une chaloupe (2). Il n'est pas besoin de faire remarquer que l'ancienne Tyr de Benjamin de Tudèle n'était point le lieu situé sur le continent, que les Tyriens désignaient sous le nom de vieux Tyr («i iraXa« Tufoç, vêtus Tyrus)^ et que quelques géographes an- ciens ont appelé Palaetyr (ïlaXattupoç) (3); c'était la par- tie occidentale dès lors submergée de la grande métro- pole phénicienne, et le souvenir de son étendue primitive était, à cette époque, parfaitement conservé. En effet, au temps de sa prospérité, Tyr devait s'étendre bien au delà des limites de la péninsule actuelle. Tout en admettant que l'île était entièrement couverte de (1) Ezéchiel, chap. 26, v. 4. (2) Voyagez de Benjamin de Tudèle^ etc. Paris, 1830, 1 vol. in-8, p. 32. (3) Poulaio de Bossay, Recherches historiques sur Tyr et PàUUyr. (97) bâtiments jusque siu' le bord de la mer, et que les maisons y avaient un nombre d'étages plus grand encore quà Rome, c'est-à-dire au moins cinq ou six (1); jam£Ûs cette puissante cité n'aurait pu être contenue dans la petite presqu'île de Tsour qui n'a que 576,508 mètres carrés, superficie qui suffirait à peine à une ville de vingt et quelques mille âmes. Cependant, il ne faut rien exagérer ; même dans le temps de sa plus grande splendeur, Tyr, je crois, ne couvrait pas entièrement le banc de rochers qui s'étend à l'ouest fort loin sous les eaux. J'en trouve la preuve dans les détails du siège soutenu par cette ville contre Alexandre* Pendant toute la durée de ce siège, les efforts du con- quérant macédonien se dirigèrent constamment et uni- quement vers la partie orientale de la ville. Ce ne fut pas seulement parce que ce côté de Tyr était en face du continent et dès lors était plus exposé aux machines de guerre établies sur la chaussée ; ce fut surtout parce que là seulement la mer avait quelque profondeur, ne présentait aucun danger à la navigation, et permet- tait aux navires qui portaient les guerriers et les ma- chines de s'approcher de la ville ; tandis qu'à l'ouest, le banc de rochers rendait la navigation impossible et tenait les vaisseaux à une grande distance. Les Tyriens qui savaient fort bien qu'on ne pouvait pas aborder dans leur île vers l'ouest, s'étaient atta- chés, principalement depuis les guerres contre les Assy- riens et les Babyloniens, à fortifier le côté qui faisait face à la terre ferme, le seul qui fût d'un accès facile. (i) Quinte- Garce, liv. iv, chap. 2. — Strabon, liv* xvi, p. 757. (98) De ce côté uniquement, le mur flanqué de tours qui entourait la ville ne reposait pas sur le roc s' élevant au-dessus des eaux ; ses fondations étaient battues par les flots de la mer ; aussi les Tyriens avaient-ils cru devoir donner à cette partie du mur d'enceinte une hauteur de 150 pieds et une largeur proportionnée (1). C'est du haut de ce mur qu'ils jetèrent une grande quantité de grosses pierres pour gêner la navigation et tenir éloignés les bâtiments ennemis chargés de ma* chines de guerre, et de cette manière pour remplacer, autatit que possible , la protection que la ville tirait à l'ouest, de la présence des écueils, protection que rend bien évidente le récit d' Arrien ; car il résulte des détails donnés par cet historien que la partie occidentale de Tyr ne fut jamais attaquée, même au moment suprême, lorsqu' Alexandre dirigea à la fois ses assauts sur tous les points vulnérables (2). (1) Quiote-Curce, IV, t. Prœceps in salum murus. — Arriani, De eœpedUione.,, Mb. ii, p. 138. 150 pieds greei, c'esi-è-dire 135 pieds de roi oa 45 iaètres« Aucuie ouverlure o*ftvait été méuogée dans le mur d'eDceiole» car la ville de Tyr D*ovait pas de portes; on ne pouvait y pénétrer que par Tuo des ports; et depuis que Ttle a été réunie au continent par un isthme, elle n*a Jamais en qu*une seule porte. Cbariton, VII, 2. (2) Claaris mania eireomibac... reielasiemcirooitliremarosjobeu.. Par ces phrases qu'on trouve dans Quinte-Curee, IV, 3, il faut eD- lendre que les vaisseaux macédoniens s'approchèrent des murs et enve- loppèrent la partie de la ville qui était attaquée ; elles n*ont pas d*autre signification. Dans le même sens, Quinte-Curce, parlant des Tyriens qui, sur de petits bateaux, allèrent reconnaître les progrès du travail d'Alexandre, se sert de cm mots : CiremUr$ opuSf lY, 2. ( 09 ) De la pointe sud-ouest de Fîle s'étendait un mur de 8 mètres de largeur dont les assises, en quelc^ues en- droits, dépassent encore un peu le niveau de la mer ; il suivait d'abord la direction du sud-ouest, puis à 200 mètres il formait un angle aigu, se dirigeait vers Test-nord-est, et enfermait un vaste emplacement de figure à peu près triangulaire dont le rivage méridional de rile actuelle faisait un des côtés. Aujourd'hui, cet emplacement qui peut avoir 720 mètres de longueur sur une largeur moyenne de 75 mètres, est couvert des eaux de la mer. Qu'était-ce autrefois ? Le peu de profondeur de la mer et la grande quantité de colonnes et de matériaux divers qu'on' y voit sous l'eau, ont pu faire supposer qu'anciennement ce bassin faisait partie de la ville, et qu'il était couvert d'édifices avant d'être envahi par la mer (1). Quant à moi, je trouve cette supposition peu pro* bable. Les nombreuses colonnes, les matériaux qu'on aperçoit sous l'eau me paraissent être les débris des constructions considérables qui, autrefois, exis- taient sur la côte méridionale de l'ile, et entre autres du palais du roi, auquel appartenait peut-être une co- lonne en granit gris encore debout aujourd'hui. De pins , le mur dont il vient d'être question ne seuible pas avoir été établi sur le rivage méridional de l'île ; on n'y remarque aucune sinuosité, et il forme au contraire deux lignes droites qui se coupent à angle aigu ; enfin son épaisseur montre qu'il ne servait pas seulement de clôture et qu'il était destiné à lutter contre les efforts des vagues. Ces circonstances me portent à croire que (1) M. de Bertou, Lettre inédite. ( 100 ) la muraille couronnait un grand travail entièrement dû au génie persévérant des Tyriens ; que tout ce tra- vail était destiné à enclore un port marchand et peut- être aussi un bassin de construction. D'après son éten- due, ce port aurait pu facilement recevoir deux cents bâtiments de commerce (1). Dans tous les cas, port marchand, bassin de constiHic- tion ou quartier de la ville, ce vaste espace a dû être compris dans l'enceinte de Tyr. J'ignore si une explo- ration miïiutieuse mais difficile, du banc de rochers, pourrait amener à reconnaître quelle était, dans les temps anciens, l'étendue de la puissante cité où se trouvaient tant de monuments et qui renfermait une population si nombreuse ; j'en doute ; mais il serait facile d'apprécier les envahissements de la mer depuis le pre- mier siècle de notre ère, si l'on pouvait s'en rapporter complètement à l'assertion de Pline, d'après laquelle l'île avait 22 stades de circuit, c'est-à-dire à 074 mè- tres (2) ; elle n'a plus aujourd'hui que 3700 mètres ; (1) Les navires des ancicDs pouvaient avoir 6 mètres de largeur sur 18 mètres de longueur, c'est-à-dire 108 mètres carrés. Le bassin pré- sentant une superficie de 720 mètres sur 75, ou 54,100 mètres carrés, aurait pu contenir 500 navires serrés les uns contre les autres ; en réservant pour la manœuvre plus de la moitié de Tespace, il restera la place pour 200 bAtiments de toute grandeur. (2) Pline, liv. v, chap. 17. Quant à moi, je suis d^autant plus porté à regarder comme exacte la mesure de Pline, quMci il la donne en stades et qu*il n*a pas eu à faire une conversion en pas romains, ce qui est toujours pour lui une cause d'erreur, attendu que, négligeant les fractions, il exprime ses mesures en nombres entiers, et de cette manière il augmente ou dimi- nue les chiffres réels. ( 101 ) il faut conclure, uon pas à une diminution précise de 874 mètres, ce serait probablement un calcul trop ri- goureux, mais certainement, de cette différence, on peut conclure que le sol a subi une notable diminution. Ainsi, nul doute, autrefois Tîle occupée par la ville de Tyr était beaucoup plus étendue que la péninsule ne l'est aujourd'hui. A quelle cause attribuer ces en- vahissements de la mer ? Les anciens documents histo- riques nous fournissent les moyens de répondre à cette question. Justin, Quinte-Curce, Josephe, Sénèque, Strabon, principalement ce dernier, racontent 'ou au moins men- tionnent de fréquents bouleversements causés par des tremblements de terre, non-seulement sur la côte de Phénicie, mais aussi sur presque toutes les côtes de l'Asie occidentale (1). Dans les temps plus modernes jusqu'à nos jours, les auteurs ont eu à constater de semblables catastrophes laissant partout des ruines. C'est à des événements de ce genre, qu'indépendam- ment de l'action incessante des flots de la mer sur les côtes, on doit rapporter la submersion ou les submer- sions successives de la partie occidentale de l'île, de la (I) Justin, Hy. XVIII, chap. 3. — Qointe-Curce, liv. iv, chop. 4, 20. — StraboD, p. 638, 757 et passim. Entre tontes les viUes de Phénicie, Tyr était célèbre par les désas- tres que causèrent soit les tremblements de terre, soit les envahisse- ments de la mer. Tyros aliquando infamis ruinis fuit. — Tyros etipsa tam movetnr quam diluitar. Senèque, Nat. quœsl. VI, 1, 26. Et Tyros instabilis, pretiosaqne murice Sidon, Lucain, Phars.y III, 217. Ta iv Tup(^ xaxà. Pseado-Callisth^ 1, 35. ^ ( 102 ) muraille dont il vient d'être question et des digues ou grands môles dont il me reste à parler. Quant à l'époque où ces immersions ont dû avoir lieu, il ne me parait pas possible d'assigner de dates cer- taines ; je me bornerai à rappeler qu'au temps où Tyr fut assiégée par les Macédoniens, la ville, très floris- sante alors et fort peuplée , couvrait une superficie dont rétendue dépassait de beaucoup la presqu'île ac- tuelle.Du temps de Pline, nous le savons, la ville n'avait plus que 22 stades de circuit. Dans l'intervalle, une partie avait été engloutie par la mer, peut-être par le tremblement de terre de l'an 143 av. J.-C, peut-être par celui dont parle Josephe, sous Auguste (1). Depuis lors, un nouvel envahissement de la mer a réduit l'île à ses limites actuelles, en pénétrant encore plus avant dans la partie occidentale de Tyr et en submergeant l'épaisse muraille dont j'ai parlé et qui, au raidi, ser- vait de clôture à la ville. Ceci étant admis, il devient évident que le mur qui a environné la presqu'île et dont on trouve encore des restes assez considérables, appartenait en grande partie à des âges postérieurs à Pline. Au nord, une série d'écueils et de rochers s'éten- dait, presque parallèlement à la côte, sur une longueur d*environ 1000 mètres, et ne laissait entre elle et la partie septentrionale de Fîle qu*un passage assez étroit par lequel les bâtiments pénétraient dans cette espèce de rade pour entrer ensuite dans le port intérieur. Des (1) Àthenéey H?, yni, chap. 2, p. 333. — Stnboa, lîv.zyr, ohap. S, p. 758. — Josepbe, Am. iuâ,y Ifr. xr, diftp. 7. ( 108 ) traces de constructions se trouvent encore sur ces ro- chers stériles où Ton vit, pendant longtemps, un monu- ment connu sous le nom de tombeau de Rliodope (i). Si, comme il y a toute probabilité, ces rochers ont autrefois été réunis par un mur continu, les vaisseaux, avant d'entrer daus le port, trouvaient là un abri contre les vents d'ouest qui rendaient la navigation fwt dan- gereuse dans ces parages (2). Au sud, et s' appuyant sur un Ilot inhabité, commen- çait une digue, partout aujourd'hui couverte d'une couche d'eau qui varie de l^'^TO à 6 mètres ; elle se dirigeait en ligne droite du nord au sud vers le cap Blanc, sur une longueur de deux milles (3700 mètres). Celte digue, d'environ 12 mètres de largeur, et qu'on peut suivre très distinctement, était-elle naturelle ou exécutée de main d'hommes, ou bien encore le fond seul étant naturel, a-t-il servi de base à une jetée ? je ne sais. Personne ne l'a explorée de manière à pouvoir fournir des renseignements exacts à cet égard (S). Maundrell l'a vue lorsqu'elle s'élevait encore au-des- sus de l'eau ; mais il ne s'en est pas approché de façon à pouvoir vérifier si c'était un effet de Vart ou île la (1) De Berton, Lettre inédite. — Hérodote, II, 4S4. — Achille latins, U, 17. (2) Prooellosum ie htbet OMre, l«teotibiifiC«|wUi etminia imtfiia- iiUie pericnlosum ; iU ni petegrims et ignaris loconun^ ad «rbem navigantibufl, pericalosam fit accedere, et nisl dacem habeant, qai a4j«fieiitii marû luibeat notUianif ooo niai ciin nanfragio vrbi po$- iiiDt apivofiiiiqoafe. «^ QaiU. Tyn Hittom It^ siwn^,^ l^» xwi» cap. 5, p. 836. (3) M. de Bertou, Lettre inédite. ( 104 ) nature. A cause de la ligne parfaitement droite qu'elle suit dans toute sa longueur, je suis disposé à croire que tout, dans ce môle, provient du travail des Tyriens. Dans tous les cas, l'espace compris entre la digue et la plage formait une immense rade, capable de contenir tous les navires qu'attiraient le commerce et les richesses de Tyr. Si la digue est artificielle, à quelle époque a-t-elle été construite ? Je ne pourrais le dire, les historiens et les géographes n'en ayant jamais parlé. Cependant, du silence mtoe des historiens d'Alexandre, on peut inférer que le môle n'existait pas encore l'an 332 avant J.-C. Quelle que soit l'époque de sa construction, ce travail gigantesque est, plus qu'aucun autre, de nature à donner une haute idée de la puissance des Tyriens. Ces deux jetées, qui s'étendaient au loin à droite et à gauche de la ville, ont inspiré à un poëte grec l'image gracieuse d'une jeune fille qui, se baignant dans la mer, étend les deux bras sur l'onde, pendant qne ses pieds restent appuyés contre le rivage (1). L'auteur du Télémaque reproduit cette image, en la modifiant, quand il dit : « Tyr semble nager au-dessus des eaux. . . Elle a deux grands môles semblables à deux bras qui s'avancent dans la mer, et qui embrassent un vaste port où les vents ne peuvent entrer » (2). Tyr a deux ports, dit Strabon, l'un fermé et l'autre (1) Nonnos de Panopolis, Les Dionysiaques oa Bacchus^ poème réta- bli, traduit et commenté par M. le comte de Marcellas. Paris, Fir- miaDidot, liv. xl, vers 319-323. (2) Féaeloa, Télémaque, liv. m. ( 106 ) ouvert; ce dernier s'appelle le port Égyptien (1). Strabon n'ajoute absolument rien sur l'étendue ni sur Torientation de ces deux ports. Pour l'un d'eux, aucune hésitation n'est possible ; il subsiste encore quoique ayant subi de bien grands changements. Une partie est aujourd'hui entièrenaent comblée et occupée par quel- ques maisons de la petite ville de Tsour ; ce qui reste et qui forme le port actuel, est tellement rempli de sable, qu'en 1784, lorsque Volney visitait la Syrie, les petits enfants le traversaient déjà sans se mouiller les reins ; suivant M. de Bertou, la plus grande profondeur, en 1838, était à peine de 0°*,85, et en beaucoup d'en- droits, il n'y avait pas plus de O'^lô, d'eau. Tous les jours l'ensablement augmente, et dans peu d'années on aura peine à reconnaître les traces d'un port qu'au xn" siècle Benjamin de Tudèle proclamait le plus beau de l'univers, et que cinq siècles plus tard le P. Roger regardait encore comme le plus beau et le plus sûr du Levant (2). A une époque que je ne saurais préciser, une double jetée, que séparait un intervalle de 30 mètres , avait été construite pour mettre les navires à l'abri du vent du nord. La jetée intérieure, après s'être prolongée pendant environ 260 mètres de l'ouest à Test, faisait un angle presque droit, et se dirigeait au sud, ne lais- sant entre elle et la côte de l'île, à la pointe orientale du port, qu'un espace de 45 mètres pour l'entrée des (1) Liv. XVI, p. 757. (2) Volney, Voyage en Syrie, t. H, chap. 29, p. 194. — M. de Dertoa, Lettre inédite. — Benjamin de Tadële, p, 31. — Le R. P. Roger, p. 49. I, FÉVRIER, 2. 8 ( 100 ) bâtiments. Cette entrée était défendue par deux tours correspondantes, où jadis on attachait une chatne d'ai- rain pour fermer entièrement le port. Il avait 850 mètres de longueur sur 290 mètres de largeur, ce qui lui permettait de recevoir au moins 300 navires de différentes grandeurs. Quant au port Égyptien, Thésitation est permise. Et d'abord je dois faire remarquer, en insistant sur cette remarque, que Strabon est le seul géographe et Arrien le seul historien qui disent clairement que Tyr avait deux ports (1). Sur ce point nous ne pouvons retirer aucuns renseignements de la lecture des prophètes qui cependant ont tant et si longuement parlé de Tyr, qui ont tant célébré ses alliances, ses richesses et sa puis- sance maritime ; ils ne disent absolument rien du port ou des ports de la ville. D'après Scylax , Tyr n'avait qu'un port qui était dans l'enceinte des murs (2). Le témoignage de Scylax est important, car on sait que, dans son énumération des villes maritimes, il ajoute toujours les particularités qui concernent les ports, et quand certaines villes en ont plusieurs, il ne manque pas de le faire connaître (3). Le récit du siège de Tyr par Alexandre est fort obscur dans Diodore de Sicile (1) Ârriani De expedilione.'.f p. 137. (2) Scylax... §104. (3) Ainsi il a*omet pas de Taire remarquer qae Syracuse te dmt ports dont Pun est en dedans et Tautre en dehors des murs; que Tboricus a doui ports; que la ville du Piréc ca a trois. II n'en donne quMin à Carthage, et avec raison, car s'il y avait deux bâssins bien distincts, Tun pour la marine militaire, Tautre pour la marine marchande, il fallait indispeusabiement passer par le dernier pour arriTer au Céihôu ; il n*y avait donc qu*uD port, puisqu^il n'y avait qu'une ieule eairée. (107) et dans Quinte- Curce^ le port Égyptien n'y est pas mentionné. Pline nomme Tyr et Palœtyr, et se tait sur le port. Dans la vie d'Alexandre, Plutarque ne dit qu'un mot sur Tyr. Au moyen âge, l'archevêque Guillaume, Benjamin de Tudèle, Edrisi, parlent du port de Tyr (le port intérieur ou septentrional), et ne paraissent pas même soupçonner qu'il y en ait eu un autre vers la partie méridionale de la ville (1). Strabon et Arrien se sont-ils donc trompés? je ne le pense pas. Alors qu'ont-ils voulu dire ? — Cher- chons. M. Barbie du Boccage plaçait le port Égyptien sur la côte occidentale de l'île, dans une partie de cette côte où se remarque une sinuosité assez profonde ; il ignorait que , sur ce rivage , il règne une ligne de rochers qui s'élèvent jusqu'à 12 mètres au-dessus du (i) Diodore de Sicile, liv. xvii, chap. 7. — Qainte-Curce, liv. iv, cbap. 2, 3, 4 et 5. — Pline, liv. v, chap. 17. — Plutarque, Vie d'Alexandre, § 2g. — Guillaume de Tyr, lococUato, ~*^ Benjamin de Tudèle, p. 31. — Géographie d'Édrisi» Paris, 1836, t. PS 3« climat, 5<^ section, p. 349. Quand le P. Roger dit que Tyr a les deux plus beaux et plus assurés» ports du Levant, il parle du port septentrional ou intérieur, et de la grande rade qui le précède ; de même Guillaume de Tyr donne à cette rade le nom de port extérieur, tandis que, pour l'aoteur éa péripte inédit que j'ai cité, le port et la rade ne forment qu'uu seul port : n (Tyrus) habens in angulo septentrional! juxtà muros ejos insuJas quibus ipsa iu oriente habet portum bonum quod etiam intra civita- tem Infra muros cxtenditur. A rimitalion du P. Uoger, M. de Bertou reconnaît deux ports au nord : le bassin septentrional et le port du nord ; il en trouve égale- ment deux au sud. ; le Côihûn et le port Égyptien ; il donne ainsi qaatre ports à Tyr. C'est une nouveauté. ( 108 ) DÎvean de la mer, ce qui aurait rendu impraticable tout embarquement ou débarquement, et ce qui, indé- pendamment de plusieurs autres motifs, doit éloigner ridée qu'un port ait existé en ce lieu. A la vérité, un peu plus au sud, se trouve une anse plus petite que la précédente ; la côte s'est beaucoup abaissée, et sur le bord de la mer, elle forme une plage de sable (1). Cette anse aurait suffi à peine pour recevoir quelques navires ; elle était ouverte à la pleine mer et exposée à la violence des vents d'ouest; enfin pour y arriver, il aurait fallu passer sur un banc de rochers qui rendent la mer impraticable de ce côté ; et d'ailleurs, ce qui est plus concluant que tout le reste, avant la submer- sion d'une partie de l'île, l'anse n'existait pas puisque la ville s'étendait beaucoup plus vers l'ouest ; tous ces motifs me font croire que M. Barbie du Bocage était dans l'erreur. En cet endroit cependant il y a eu des travaux dont on trouve les vestiges; peut-être était-ce là que, depuis la submersion, se réunissaient les barques de pêcheurs, mais il n'y faut pas chercher l'un des ports de Tyr ; et d'ailleurs ce second port était situé du côté de l'Egypte ; c'est donc au sud et non à l'ouest de la ville qu'on doit le retrouver. En effet, dans la partie méri- dionale de l'île, la côte, partout ailleurs abrupte, s'abaisse tout à coup, et la ligne de roches dures s'interrompt dans la longueur de 100 mètres au moins pour faire place à un rivage bas et uniquement formé (1) Cette plage de sable, ainsi qa*ane autre interruption des rochers, lituée dans la partie méridionale de l'ile, n'a point été remarquée par Buckingham ni par la plupart des voyageur^. ( 109 ) de terres rapportées. Dans cette partie du rivage, les Tyriens avaient fait des constructions dont les ruines n'ont pas entièrement dispara (1). C'est de ce côté, je n'en doute pas, qu'était le port que nous cherchons. Consultons Arrien, il n'est pas de guide meilleur. A plusieurs reprises, il parle des deux ports dont l'un était au nord de la ville, du côté de Sidon, et l'autre au sud, du côté de l'Egypte. Ils étaient fermés, et l'on ne pouvait pénétrer dans chacun d'eux que par une entrée étroite (2); Arrien le dit formellement (XcfAcvwv ri axôfioira). Le port septentrional était de beaucoup le plus considérable et contenait la marine militaire des Tyriens; c'est devant ce port qu'après avoir réuni ses forces navales, le jeune con- quérant offrit la bataille aux Tyriens qui ne l'accep- tèrent pas ; mais pour empêcher que les Macédoniens ne pussent pénétrer dans la ville par l'un ou l'autre port, ils s'empressèrent de fermer les deux enti'ées en y plaçant des galères serrées les unes contre les autres, et en aussi grand nombre que la largeur de chaque entrée l'exigeait. Alexandre fit assiéger la ville par les Cypriotes du côté du port Sidonien , et par les Phéni- ciens du côté du port Égyptien; lui-même dirigea divers assauts pour pénétrer dans Tyr soit en face de la chaussée, soit du côté qui regarde Sidon, entre le port intérieur et la chaussée ; n'ayant pas réussi, tous ses efforts se portèrent au sud-est, entre la chaussée et le port Égyptien. Là des machines de guerre parvinrent (1) M. de Bertoa, Lettre inédite et plan de Tyr. (2) Arriani De eâ^pedif «me..., p. 125-148. -«Chariton, VU, 2. ( HO ) à pratiquer dans la muraille des brèches par lesquelles ses troupes se précipitèrent dans la ville. En même temps, les Phéniciens et les Macédoniens brisèrent tous les obstacles, pénétrèrent dans le port Égyptien et détruisirent les vaisseaux tyriens qui s'y trouvaient. Du côté opposé, les Cypriotes entrèrent dans le port Sidonien sans rencontrer de grandes difficultés. Par ces détails, il demeure bien établi que, d'après Arrien, Tyr, au temps d'Alexandre, avait deux ports, que ces deux ports étaient fermés et que chacun d'eux avait une entrée qui lui était spéciale. Nous connaissons le premier ; quant au second, je le retrouve dans le bassin triangulaire situé au sud de l'île. Une entrée avait été ménagée à l'extrémité orientale de l'épaisse mu- raille qui protégeait les navires contre les vents du sud-ouest, et en même temps qui mettait le port à l'abri de toute agression extérieure; ces navires ne pouvaient débarquer leurs marchandises que dans le lieu où la côte est basse et où les Tyriens avaient fait des travaux, d'abord pour garantir contre les vagues de la mer cet endroit de la côte qui n'était formé que de terres rapportées, puis pour faciliter le débarque- ment et l'embarquement; les bâtiments devaient y aborder non simultanément, mais successivement (1). Tel était l'état du port Égyptien du temps d'A- (1) Sur le quai, des deux côtés du lieu que je viens de décrire, on Yoit encore les ruines d*une longue suite de magasins voûtés. Ces magasins ne remontent pas à une haute antiquité, car les voûtes sont en ogives, et elles remplacent probablement des constructions plus anciennes qui avaient été renversées à une époque antérieure. (M. de Bertoa, ^ssat-., p. U-16.) ( 111 ) lexaoclre. Par l'affaissement de la grande muraille méridionale , il cessa d'être fermé et devint le port ouvert dont parle Sttabon (1). Alors, ce port ne serait autre chose que la partie septentrionale de la rade immense comprise entre le mur et la chaussée d'A« lexandre au nord, la grande digue à l'ouest, et la plage phénicienne à l'est. En attendant qu'ils pussent à leur tour approcher du débarcadère, les bâtiments étaient garantis contre les vents d'ouest par la longue digue qui se dirigeait du nord au sud (2), et contre les vents du nord par la ville et par la chaussée d'Alexandre; car, ne l'oublions pas, l'indication donnée par Strabon se rapporte au temps où il écrivait, et à cette époque la chaussée existait depuis plusieurs siècles. M. de Bertou croit avoir reconnu qu'à la base, le mur en partie submergé ne présente pas de solution de continuité, et que, par conséquent, le port, si le port existait, ne communiquait pas avec la mer de ce côté. (1) Aprèi avoir passé quelques jours à Tyr, saint Paul s*emharqua hcrs de la vij/e, ayant été suivi jtuqu'au rivage par les chrétiens récem- ment convertis. Saint Paul allait à Ptolémaïs, et ce doit être au port Égyptien qu'il s' embarqua, [Actes des apôtres, cliap, 21.} (2) L'existence de cette immense jetée explique comment la chaus- sée était restée si longtemps étroite et moins élevée que le niveau du eontincnt. Depuis qu'il y a eu aUbissement, par suite d'un de ces bou- leversements si fréquents dans ces contrées, et toujours si terribles, la mer, poussée par le vent du sud-ouest, ne rencontrant pluseet utile et gigantesque travail, jette sans cesse du sable sur la chaussée qui lui fait obstacle, de (elle sorte qu'en deux cenis ans, comme Je Toi dit, la chaussée de 60 mètres est devenue un isthme de 600 mètres de largeur, et que cet isthme en beaucoup d*endrolts dépasse aujour- d'hui le niveau de Ttle. ( 112 ) M. de Bertou en tire une conséquence que je crois erronée, et il serait à désirer que le fait fût vérifié avec exactitude ; mais, en attendant cette vérification, tout raisonnement appuyé sur l'état de la muraille immer- gée me parait impossible (1). Néanmoins, fût-il un jour parfaitement démontré que la muraille régnait sans interruption partout où il est encore possible de la re- connaître, cela ne.prouverait pas encore qu'il n'existât de ce côté aucune entrée pour le port Égyptien. Cette entrée n'a pu être placée ni au sud ni à l'ouest , c'eût été fort imprudent; c'est à l'est qu'il faut la chercher, vers la partie où la muraille parait se perdre sous les sables qui ont beaucoup élargi la plage (2) . De l'étude et de la comparaison des monuments bis- toriques, il me semble donc résulter qu'au temps où a été écrit le périple, connu sous le nom de Scylax,Tyr n'avait qu'un port; qu'elle en avait deux à l'époque d'Alexandre, et que tous deux étaient entourés de tra-- vaux importants dans lesquels on avait réservé des espaces libres pour laisser pénétrer les bâtiments; qu'au temps de Strabon, par l'immersion de la mu- raille méridionale, le port Égyptien avait éprouvé un grand changement et n'était plus fermé. Dans les siècles postérieurs, Tyr, quoique puissante et riche, ayant cessé d'être la reine des mers et l'entrepôt général du com- (i) M. de Bertou, Essai..,, p. 12, 13 et 14. (2) D'après M. Movers, les sables sans cesse poussés par les yents et arrêtés par la chaussée d'Alexandre, auraient comblé non-seule- ment rentrée du-port Égyptien, mais le port lui-même qui était à Test et an sud-est de la ville. {Der phdnizische Alterthmn, ersler TMl, buchJ, cap. 7.) ( 118 ) merce de TOrient, le port Sidonien plus grand, plus commode et plus sûr que l'autre, parut assez^ spacieux pour toutes les transactions, et fut fréquenté à peu près exclusivement par la marine que la guerre, la cu- riosité ou les affaires commerciales attiraient dans ces parages. Cette circonstance explique le silence des au- teurs du moyen âge sur le second. Néanmoins, les ruines observées par M. de Bertou, au midi de Tile, font supposer que quelques arrivages continuèrent à avoir lieu de ce côté ; ils étaient peu considérables, et les auteurs n'en ont pas tenu compte. Sur le continent, en face de la ville et à environ 2 000 mètres de la plage, se trouve un rocher aujour- d'hui appelé Maschouk ; il peut avoir 200 mètres de circuit sur 16 mètres d'élévation (1). Plus au sud, à à kilomètres de Tyr, sont des bassins ou fontaines que les voyageurs du moyen âge ont ap- pelés étangs ou puits de Salomon, et dont trois avaient reçu, chez les Grecs, les noms de fontaines Gallirhoê, Abarbarée et Drosère. Dans le pays, on les conuatt sous le nom de Raz-al-Aïn, c'est-à-dire tête de la source (2). On compte un puits principal, deux moins grands et plusieurs petits. Tous forment i^n massif qui n'est point en pierre taillée ou brute, mais en ciment mêlé de cailloux de mer. Du côté du sud^ ce massif s'élève d'environ 6 mètres au-dessus du sol, et de 5 mètres du (1) Volney, Voyage en Syrie,,, t. II, p. 197. (2) Noonos, Dionysiaques, liv. zl, yen 363-65. Quand ils en parlent, les Toyagenrs modernes se servent indifféremment des ezpressions puits, fontaines, bassins, sources et réservoirs. ( HA ) côté du nord. De ce dernier côté s'offre une rampe assez large et assez douce pour qu'un charriot puisse monter jusqu'au haut du massif. La colonne d'eau qui remplit les puits se maintient toujours au niveau des bords et, par conséquent, elle est constamment élevée de5 mètres au-dessus du sol. Cette eau n'est point calme, mais elle ressemble à un torrent qui bouillonne et elle se répand à flots par des canaux pratiqués aux bords des bassins. Le grand bassin, autrefois entouré de portiques, est aujourd'hui entièrement dégagé de construction. Son orifice est un hexagone dont chaque côté a 8", 40, ce qui suppose 16™, 80 de diamètre. L'eau s'échappe par des ouvertures pratiquées à trois des angles de ce grand bassin, et forme un petit iniisseau qui fait mou- voir plusieurs moulins et va se jeter dans la mer après un parcours de AOO mètres (1) . Les deux bassins moins grands sont de cent vingt pas plus éloignés de la mer ; ils sont de forme carrée. Ils sont en communication entre eux, et autrefois ils communiquaient également avec le grand bassin par un canal porté sur des arches aujourd'hui détruites. Le plus grand de ces puits passe pour n'avoir pas de fond , c'est une erreur : il a de 8 à 10 mètres de profondeur. Il est donc probable que M. de Lamartine se trompe quand il dit que ces réservoirs sont de vastes puits artésiens inventés avant leur réinvention par les modernes. Il est égale- ment probable que l'eau de ces réseiTOÎrs provient de (1)M. de Marcetlus ditqae les trois ouvertarei donnent naissance è troif rivières dont deux portent bateaa dés leur origine . Elles des- cendent toutes à la mer. {Sdwomirs dâ VOrienif 1. 1, p. 407.) ( 115 ) fontaines jaillissantes, de même que la source du Loi- ret, et qu'elle descend du mont Liban par des conduits souterrains mais peu profonds, puisque la température de cette eau est froide et moins élevée que celle de l'air (1) . Les voyageurs ne sont pas d'accord sur la véritable position des fontaines Raz-al-Aïn. Doubdan dit qu'elles sont à 500 pas de la mer ; à AOO pas dit Volney. Mgr Mis- Un les place à 400 ou 600 pas, M. Robînson à un quart de mille, et M. de Marcellus à environ une lieue. Sur son plan de Tyr, M. Barbie du Bocage les a placées à 1000 mètres, et M. Poujoulat trouve qu'elles sont, sur ce plan, trop voisines de la plage (2). Selon Pococke, les fontaines sont à une lieue et demie de Tyr, et à une demi-lieue seulement suivant M. le général Vial et M. Poujoulat. Volney avait dit qu'elles sont distantes du rocher Maschouk, d'une heure de (1) Volney, Voyage en Syrie, t. II, p. 198 et suiv. — Maundrell, Voyage d*Alep...y p. 84. — Guill. Tyr. Historia bell,.., I!b. ii, cap. 80, p. 815, et lib. xiii, cap. 3, p. 840. — Saouto, Géographie PlolémaïqiM^ t. II, liv. m, vi, p. 157 b. — De Lamartine, Voyage eu Orient^ t. Il, p. 9. — M. de Bettou, Essai sur la topographie de Tyr, p. 1 5 et suiv, — Robinson, Voyage en Palestine, p. 282. — Mgr Mis- lin, Les lieux saints, 2* édit. Paris, 1859, t. II, chap. 18, p. 3 et (2) Doubdan, Voyage de ta terre sainte, chap. 60, p. 601 i — Vol- ney, Voyage en Syrie^ cbap. 29. -*^ Mgr Mialio, Les lieux saints. Paris, 2^ édit. 1858, t. 11^ cbap. 18, p. 3. — ^ Robinson, Voyage en Palestine, t. I, p. 281. — Micbaut et Poujoulat, Correspondance d'Orient, t. V, p. 494. — Jean Coppin, Bouclier d'Europe, liv. 5, cbap. 7, p. 428 dit : à deux on trois cents pas da grand cbemin, tirant Tcrs Torient. ( 116 ) marche au pas de cheval (1). D'après cela, M. Barbie du Bocage avait mis un intervalle d'environ 4 kilo- mètres entre le rocher et les fontaines, ce qui est con- traire à l'assertion de M. Poujoulat. D'après le mouillage de Soiu\ relevé en 1831 par M. Ormsby, la distance serait de 3600 mètres, d'une lieue et demie selon Mgr Mislin, et de 4000 mètres suivant M. de Bertou. Que conclure donc ? que la véritable position des fon- taines Raz-al-Aïn, vues et décrites tant de fois par un grand nombre de voyageurs, restait encore à déter- miner avant le travail de M. de Bertou, soigneusement exécuté à l'aide de la boussole et de la chaîne. Ce sont ses mesures que je crois devoir adopter. L'eau qui s'échappe des deux bassins moins grands est reçue par un aqueduc dont il reste des ruines im- posantes. Elle s'écoule dans un canal qui, pendant une partie de son parcours, s'élève peu au-dessus du sol, et qui, ailleurs, est porté sur des arches. Les piles des arches ont 3 mètres de largeur et jusqu'à 6 mètres de hauteur. Le canal a environ 1 mètre de largeur sur 80 centi- mètres de profondeur ; il est formé d'un ciment plus dur que les pierres mêmes, et recouvert de larges dalles qui portent sur les bords. L'aqueduc se dirige d'abord vers le nord, puis, ar- rivé au pied du monticule ou rocher de Maschouk, il tourne tout à coup par un angle droit à l'ouest, et se dirige versTyr. Il versait l'eau dans un grand réservoir (1) Pococke, A description of Easi^ and some other counlries, 1743, 3 vol. in-fol. chap. 2, p. 120. — Mémoire sur la coDStruction de la carte d*Égypte, par M. le colonel Jacotin, p. 96. (117) situé près du rivage; c'était là que les Tyriens allaient la chercher, tant que leur ville fut entièrement en- tourée par la mer ; mais l'aqueduc fut continué jusqu'à Tyr lorsque cette ville eut été réunie au continent par la chaussée d'Alexandre. C'est ainsi que l'aqueduc fait connaître de la manière la plus précise, la direction de la chaussée dont il suivait, à une petite distance de la mer, le côté septentrional (1). Après avoir traversé cette chaussée, l'aqueduc ame- nait l'eau des fontaines dans une citerne située sur l'ancienne côte orientale de l'île et renfeimée dans une tour carrée aujourd'hui à peu près en ruines. (1) Volney. Voyage eu Syrie.., t. H, chap. 29. — Jean Coppin dit aussi : « L'aqueduc conduisait ces eaux dans un grand bassin, proche de Tyr. — M. d*Egmont, cité par Desvignolcs {Chr., p. 78), témoigne que, dans les sables mêmes de Tisthme, on trouve les fondements de fancien aqueduc. Diodore de Sicile et Quinte-Curce rapportent que les vagues de la mer, poussées par un vent violent, rompirent la digue d'Alexandre, et Quinte-Curce ajoute : « Rex novi operis molem orsus , in adversum ventum non lalere, sed recto fronte direxit ; ea cetera opéra veint snb îpsa latentia, tuebatur, liv. rv, § 3. Cette phrase, d'ailleurs très diver- sement interprétée, signiGe, je crois, que pour reconstruire la chaus- sée, le roi commença par faire établir, sur une certaine longueur, un travail préparatoire qui arrêtait la fureur des vagues, et derrière lequel s'exécutaient les véritables travaux de la digue, et quand ces travaux étaient achevés, on recommençait plus loin de la même manière. De DOS jours, c'est ainsi qu'on procède sur les grands fleuves et dans les ports de mer. Je pense donc qu'on s'est trompé en trouvant dans la phrase de Quinte-Curce la preuve que la seconde chaussée était diri- gée du nord-est au sud-ouest, et qu'elle aboutissait à l'angle sud-est de nie. Le récit d'Arrien, et surtout la direction de l'aqueduc donnent à cette opinion le démenti le plus formel. (118) Au sud de la tour carrée dont je viens de parler» toujours sur l'ancienne côte orientale de Tile, existe encore une autre tour carrée avec une citerne qui re- cevait Feau venant de Taqueduc principal (1). Plusieurs arches étant écroulées et« par conséquent, le canal étant interrompu entre le rocher Maschouk et la ville, l'eau ne devrait plus arriver aux citernes dont je viens de parler. Volney suppose que Ton avait mé- nagé, dans les fondations des arches, des conduits secrets qui continuent toujours d'amener l'eau des fon- taines. Ce qui pourrait venir à l'appui de cette opinion, c'est que, dans une fouille qui a été faite à Raz-al-Aïn, on a découvert un aqueduc souterrain fort bien construit en petites briques, et se dirigeant vers Maschouk, à peu près parallèlement à celui qui, encore aujourd'hui, y conduit l'eau des puits (2). Quelle qu'ait été la destination de cet aqueduc sou- terrain, ce que j'ignore, il est difTicile d'admettre qu'il ait été construit, comme l'aqueduc apparent, pour conduire l'eau des puits jusqu'à Tyr, et qu'il se soit prolongé jusqu'à cette ville. En effet, des puits au ro- cher, le canal, avons^-nous dit, est peu élevé au-dessus du sol ; en plusieurs endroits le terrain a été abaissé et des arcades ont été élevées sous le canal pour laisser passer les eaux pluviales qui tombent dans la plaine. Si le conduit souterrain existait, il serait interrompu par ces arcades bâties sous le canal ; il l'aurait été éga* lement par une vaste citerne qui fut construite au moyen âge et qui passe précisément sous l'aqueduc. H (!) M. de Bertou, Plan de Tyr, d» 47. (2) Volaey, Voyage en Syrie..* t. U, chap. 29, p. 203* ( 11» j est donc probable que les citernes ne reçoivent plus l'eau des fontaines Raz-al-Aïn» que leur construction est antérieure à la prolongation de T aqueduc passant sur l'isthme, et qu'elles étaient destinées à contenir Teau venant des sources qui les alimentent encore ac- tuellement. li 1 kilomètre au nord des fontaines Raz-al-Aïn, entre la mer et l'aqueduc, on rencontre trois autres bassins dans lesquels se réunit l'eau douce et abondante de plusieurs sources voisines. Aujourd'hui ce lieu se nomme Tul habeisU Suivant Pline (1) , Tyr et Palaetyr étaient enfermées dans une enceinte de 19 000 pas, c'est-à-dire 152 stades olympiques ou 28 kilomètres 148 mètres. En retran- chant l'Ile et la chaussée, dont le circuit total était de 20 stades ou 5 kilomètres 550 mètres, il resterait pour Palaetyr 122 stades ou 22 kilomètres 570 mètres ; c'est précisément la longueur de l'ancien mur d'octroi de Paris avant 1859. A l'exception des immersions causées par des trem- blements de ten'e, il a été question jusqu'ici de l'île de Tyr telle qu'elle était à l'époque d'Alexandre et dans les temps postérieurs ; mais plusieurs siècles avant le conquérant macédonien, le sol que couvrait la ville avait subi un notable changement qui n'a rien de com- mun avec ceux qu'à diverses époques ont amenés les révolutions physiques du globe. Ce changement était le résultat des grands travaux que fit exécuter le roi Hiram, contemporain de Salo- (1) Piine,liv. V, chap. 17. (120) mon, et le souvenir en a été transmis par deux histo- riens grecs, Dius et Ménandre, d'Éphèse, dont quelques phrases se trouvent reproduites dans les œuvres de Josëphe. Ménandre dit brièvement : OuTo; (EtpapLOç^i ej^wfffi tov eupu^câpov, xai tov Te ypu- aoOv xtova tov ev TOtç tou Atoç âveôvixev. Dius s'exprime d'une manière un peu plus expli- cite : OuTOç Ta xpoç âvaTO>.àç [/.éoYi ttiç iroXewç xpodéj^cads, xat p^ei^ov TO ctdTu eiîotyide ; xat Toiï 0^u(jLmou Aïoç to iepov xaÔ' èauTO, ov év vviffw, èyj^wdaç tov (ASTa^u toitov, (Tuv^^e TTj TTO^et, xai j^pucoîç avaÔvffJLadiv ekodpLyidcv (1). Ainsi rapprochés l'un de l'autre, que signifient positivement ces deux textes? Dans quel lieu précis le roi Hiram fit-il exécuter les travaux dont il est ici question ? et d'abord, que veut dire le mot Enrychore ? Ne le demandons pas aux traducteurs ni aux com- mentateurs de Josèphe ; malgré tous leurs efforts pour le découvrir , ils l'ignorent , et nous n'obtiendrions (1) FlaTius Josephus, tradait en latin, par Hudson, édit. d*Haver- camp, 1726, 2 vol. in-fol. Les deux passages sont rapportés deux fois par Josèphe; d*abord : Antiquités jwiaiques, liv. vui, chap. 5 § 3, p. 434; puis contre Apion, liv. i*', § 17, p. 448. Les deux textes de Dius, ainsi que ceux de Ménandre, sont iden- tiques, à l'exception des mots : ev ^tr.atù qui ne se trouvent plus dans les Antiquités judaïques ; mais George le Syncelle qui a transcrit les passages de Dius, avait lu ces deux mots aussi bien dans les Antiquités judaïques que dans la Réponse à Apion. Cependant, dans son texte, on lit : ^v Ictùy parce que les copistes, trompés par la prononciation, ont écrit ^v lata au lieu de év vYiau». (GeorgeleSjDcelle,CArotioârrapAf0, p. 183 6.) (121) d'eux que des réponses vagues et pleines d'hésitation, hésitation qui se manifeste surtout par la manière si diverse dont ces deux passages sont entendus et rendus. On rencontre en effet des discordances frappantes non- seulement entre les versions des différents traducteurs, ce qui peut se concevoir ; mais, ce qui est beaucoup moins concevable, entre les versions d'un même traducteur qui, rencontrant un texte déjà traduit par lui, ne se copie pas, et fait de nouveaux efforts pour rendre le sens de mots qu'il craint de n'avoir pas suffisamment compris la première fois. Pourquoi ces variantes? Pourquoi tant d'efforts inutiles? C'est que, si l'on cherche uniquement dans la signification des mots le sens des passages cités par Josèphe, ils ne peuvent être parfaitement entendus; car ils rappellent avec une grande précision, mais en même temps avec une conci- sion extrême, des faits qui ne deviennent clairs que pour quiconque a pris une connaissance exacte de l'histoire de Tyr dans les temps anciens, et est parvenu à cette connaissance par la recherche, le rapprochement et la comparaison de tout ce qui était propre à l'éclairer. J'ajoute que celui-là seul peut saisir le véritable sens des mots et arriver à une interprétation exacte, qui cherche avant tout à découvrir quelle a été la pensée de l'auteur, et se garde bien de laisser fausser son juge- ment par l'idée que semble présenter un membre de phrases pris séparément, bien moins encore par l'im- portance excessive attribuée à un mot isolé. Des principes passons à l'application. Hudson tra- duit : » Ménandre. Antiquités judaïques . Hic aggeravit am- I. FÉVRIER. 3. 9 ( 122 ) » plum qui dicititr locum et auream columnam postiit » qu89 in Jovis est templo* 1) Ménandre. Contre Apion. Hic aggere vastam qui » JUcitur locum exœquavit, prœtereaque auream colum* » nam in Jovis templo collocavit. » Dans ces deux versions les mots sont différents, mais le sens reste à peu près le même ; il n'en est pas ainsi dans les deux versions du passage de Dins. « Dius. Antiquités juilaïques. Hic ad orientalem urbis » plagam aggeres comportavit, urbemque ampliorem » reddidit, atque Jovis Olympii templmn, seorsum posi* » tum , spatio quod intercedebat terra repleto , urbi » annexait, ornavitque aureis donariis. » Uius* Contre Jpion. Hic partes urbis orientales » aggere cinxit, et ampliorem eam reddidit ; et Olympii » Jovis templum, ab omni vicinarum œdium strue se* » juDCtum, et in insula positum, aggere interjecto copu* » lavit urbi, et aureis donariis exomavit. » Amault d'Andilly traduit d'abord la citation de Ménandre : « Ce prince agrandit Tile de Tyr, par le moyen de quantité de terre qu'il y fit porter, et cette augmentation fut nommée le grand champ. Il consacra aussi une colonne d'or dans le temple de Jupiter. » Puis il traduit une seconde fois : 0 II joignit à la ville de Tyr, par une grande chaussée, rUe d'Erycore, et y consacra une colonne d'or à l'honneur de Jupiter. » Les deux sens ne sont pas seulement différents ; ils sont presque contradictoires. Les traductions du passage de Dius offrent également des différences qu'on apeine à concevoir* (128) AntUf, « Hiram fortifia la ville de Tyr dn cOté de Torient, et pour la joindre au temple de Jupiter Olym- pien, fit remplir l'espace de terre qui l'en séparait. Il donna une fort grande somme d'or à ce temple, a C*. Jpion. « Hiram accrut les villes de son royaume qui étaient du côté de Torient, augmenta beaucoup celle de Tyr, et par le moyen des grandes chaussées qu'il fit, y joignit Je temple de Jupiter Olympien, et renrichit de plusieurs ouvrages d'or (1)* » (1) Les premiers moto du texte de Ménandre sont ainsi tradoito par Raûn : Hic effodit amplum terr» spalium. — Gelenius (Sigismond de Gélénis) traduit d'abord : Hic aggessit ad iusulam agram qui dicitur ampinm; puis : Hic aggere conjunilt Eurychorum. — Le père Qoar (edit. de George lé Synoalle, 1652, Qote, p. 53). Aggere eompoiito, vastissimum exaequaTit locum. — Vitrioga (p. 071) : Hic «gram Jatom, qui dicitur, bumo aggessit. — Whistou : He raisad a baok io the large-place ; puis : He raised a bank ou that called the Broad-place. — M. LetroDue (dans VE$sai sur la topographie de Tyr, par M. de fiertou) : Hiram éleva, par des terrassements, l*esplanade to eupux(âpov. — Rufin traduit ainsi le passage de Dlus : Hic partem eivitatis posi- tam ad orientem diruit, et majorem urbem effecit; et Olfnpli Jo¥ia tampinm destrueps» médium locum civitati coojunxit, «t «ureis «nathc- matibus exoruavit. — Vitrioga : bic orieutalem orbis partem aggeribus auxit, atqueeô urbem ampliavit; et Juvis Olympii lemplum, quod antè separatum erat, spaliomedio aggeribusrepleto, cum urbe conjunxit. — Whiston, ÂntiquUês, He raised the eastern parts of the city higher, and made the city itself larger. He aiso joined the temple of Jupiter, wich l^elbre stood by itself, to the dty, hf ralsing a bank fn tbe middle l^weeu them, atid he adorned H vith donatious of geld. Contre Apion, This kfng raised banks at the eastera parts «f Ihe dty, ftud enlarged it; he aIso Joined the tcmplo of Jupiter Olympus, wfeh stood before lu an Island by itself to the city, by raisinga cause- way between them, and adorned that t«mple with donations o^ g«ld. M. Letronne : Hiram exhaussa le sol de la ville du tM de Toiiesi (124) Les explications et interprétations sont-elles plus heureuses ? Nous allons en juger. Joseph Scaliger, cherchant ce qu'il faut entendre par le mot Eurjchore, rapporte le passage suivant de Strabon : « Carthage est située sur une presqu'île entourée d'un mur qui a 360 stades de circonférence et 60 stades dans la partie qui, d'une mer à l'autre, traverse le col de l'isthme ; là se trouvaient les loges des éléphants et une vaste place. » xal TOTTOç eupuj^wpyfç. Scaliger ajoute que Carthage étant une colonie. des Tyriens, on y avait ménagé un grand champ à l'instar de celui qui était à Tyr. Le savant M. Coray a été d'avis de supprimer le mot xat (et) à la fin du passage cité de Strabon ; et M. Letronne, adoptant cette version , a traduit : là se trouvaient les loges des éléphants établies dans un lieu vaste (1). Tous deux ont commis une étrange erreur. En effet, on sait par Appien, qui avait puisé ses renseignements dans Polybe, que du côté de l'isthme, Carthage avait une triple défense, et que les loges des éléphants avaient (lUez est), augmenta la Tille propre de Tyr ; le temple de Jupiter Olympien, qui était isolé dans une lie, il le Joignit à la ville par une chaussée et Tenrichit de plusieurs offrandes en or. (1) Joseph Scaliger, Ad fragmenta emendatUmi temporum addita, p. 26. — Géographie de Siràbon, traduite par MM. Laporte-Dutheil, Gosselin et Letronue, in-4°, t. V, lir. zyiI| p. 472, de la traduction, p. 832 du texte. ( 125 ) été pratiquées dans l'épaisseur des mars ; on sait aussi que dans la partie méridionale de la ville, et du côté de la langue de terre appelée TaBuia, il y avait une grande place , celle que le consul Censorinus trouva remplie de soldats Carthaginois lorsqu'il espérait pou- voir pénétrer dans la ville par la brèche que deux énormes béliers avaient faite et que les assiégés n'avaient pas pu réparer pendant la nuit (1). Les Carthaginois, je pense, n'avaient pas ménagé le Toiro^ Eipuxwpn'ç dont parle Strabon, c'est-à-dire la grande place, uniquement pour imiter les Tyriens chez les- quels, du reste, l'île d'Eurychore était couverte d'édi- fices depuis le temps de Hiram, et par conséquent n'existait plus comme place longtemps avant le départ de la colonie qui fonda Carthage ; mais les Carthaginois avaient réservé ce vaste emplacement parce qu'ils avaient voulu avoir une place d'armes dans l'intérieur de leurs murs; et pour la désigner, Appien n'emploie pas le mot Eupujfwpo;, il se sert des expressions Ttirt^tov cvToç (mie espèce de plaine intérieure) , expressions qui donnent bien une idée de ce vaste 'champ de Mars, capable de contenir un grand corps d'armée. Quoi qu'il en soit, Desvignoles, adoptant l'idée de Scaliger, pense que le grand champ oula grande plaine dont il est ici question est la plaine située sur le con- tinent en face de l'île, celle que l'archevêque Guillaume a si bien décrite, que Maundrell a traversée en sortant de la ville, et dont tous les voyageurs ont parlé après lui. Cette opinion n'est point admissible; la plaine de (1) Appien, Guerres puniques, t. VUI, § 95 et 98. ( 126 ) Tyr sur le continent n'est point TEnrychofe de Mé- nandre ; et en effet, dans la Bible ainsi que dans les écrits de Strabon, de Josëpbe, de saint Jérôme , d'Eu-- sèbe..., il est fréquemment question de la grande plaine d'Esdrelon, de Sidon^ de Dothaîm, de Saron et de plusieurs autres encore. Pour désigner ces plaines, souvent fort étendues, comme la vallée entre le Liban et Tanti-Liban, presque toujours le mot ict9t6v est employé, quelquefois dwXûv, pour désigner une vallée profonde et encaissée, jamais x^^^ ou x«»P«. Or la plaine parcourue par Maundrell, indiquée par Desvignoles, décrite autrefois par Guillaume de Tyr et récemment par M. de Bertou, a 20 kilomètres de longueur sur 8 icilomètres de largeur dans sa partie la plus étendue. Le mot x^^Çy même le mot Euisuj^e^poc ne lui convien- nent pas ; c'est bien là ti(y snltat pour l'exploration des côtes (1). Si quelque chose pouvait encore donner plus d'importance et d'autorité aux réponses de M* de Bertou, c'était cette circonstance digne de remarque^ qu'il ignorait dans quel but les questions lui avai^t été adressées* « Peut-^ètre^ écrivait- il le A octobre 1638 1 mes recherches auraient-elles été plus fructueuses si j'avais été instruit des motifs qui avfident fait dicter leç questions. » Je m'étais bien gardé de lui donner connaissance de ces motifs. L'ignorance même dans laquelle je l'ai laissé et qui lui a permis de n'avoir point à se préoccuper de la solution des diffi^ Gultés, accroît encore la confiance qu'à si juste titre idspiraient déjà son instruction et son 2èle» Non^ je n'avais paà dit à M. de Dertoti dans quel but je l'avais prié d'explorer les côtei et de faire des fouilles datts l'intérieur de l'ancienne Tyr \ depuis son retotir, il n'a pas cherché à l'apprendre de moi et aujould*hui encore il ignore pourquoi, dans mes questions, j'avais (1) Le doate n^était plus possible ; après vingt-huit siècles, il deve- nait facile de dire ce qu'était, avant Hiram, le sol occiipé pa^ la ville dèTyf, 61 d'ihdltiuef nvëë t)^(lcistdfl les éhaûgeménis et les agrandis- MibABks dtii I IMiitélli^ëneé èl à là t)erlêVératieè de be pmtéi ti eë» pendanl ]*Ai gardé le 8ilenee..i, dès cireonstânces plus fortes (|a« tna voloDté ne m*ayant pas permis de me livrer à un travail sérieux qtit exigeait du temps et de la liberté d'espriti Aujourd'hui, après une ien longue interruption, demandant à l'ëludc les seules jouissances que t)tilssft éoftlëf elicofé ilàè Vie àltrist(!c, j'éprouve uric Salisfâclîon H^flé I t^^failttë^ ^ èrftVail, él i faire itants d'une grande ville, c'est incontestable) mais que, dftns lee cavernes d'Adloun il faille voir la nécropole de Tyr, je ne piûe l'omettra. €es excavations, voisines de S^reptl^et peu éloignées de Siâon^ nie semblent avoir été pratiqués^ (1) De Bertou, JEssa»..., p. 84. — Movers, cap. 7, s. 242. -- Rit- ler...XVII, 360. (2; Mutatio ad nonum du Pèlerin de ppcdci^u^^ ( *44 ) dans la montagne pour y déposer les morts de ces deux villes, dont la première était une dépendance de la seconde (1). Sur toute la côte de Pbénicie on trouvait de semblables cavernes dans le voisinage des villes (2) . Celles dont il s'agit ici étaient connues dans la plus haute antiquité ; on les désignidt sous le nom de cavernes des Sidoniens (Maarah Sidoniorum). Ce nom leur convenait parMtement parce qu'elles étaient dans le pays des Sidoniens, qui s'étendait au sud jusqu'à la rivière connue aujourd'hui sous le nom de Nahr-al- Rasmyeh, et parce qu'elles étaient la nécropole de la grande et opulente ville de Sidon. Il me paraît donc tout à fait invraisemblable que les Tyriens aient jamais déposé leurs morts loin de Tyr, dans le pays des Sido<* niens. IjSl nécropole des Tyriens, inconnue jusqu'ici, doit être cherchée beaucoup plus près de la ville. Au temps où les rochers situés au nord de l'Ile étaient bien plus étendus, n'ayant pas encore été en partie sub* mergés, ils ont dû recevoir les morts d'une ville dont ils étaient séparés par une si petite distance. Un mo- nument célèbre dans l'antiquité, le tombeau de la courtisane Rhodope semble justifier cette opinion, car il n'est pas probable que ce fût le seul monument de ce genre érigé dans ces îles ou plutôt sur ces rochers. Suivant toute probabilité, le monticule Maschouk aura servi aussi de lieu de sépulture. Enfin, la ville de Tyr étant devenue plus puissante, plus étendue et plus (1) Sarepta Sidoniorum, Sarepta qusSidonis est. (2) Strabon, liv. xvi, p. 755. ( 1A5 ) peaplée, des hypogées semblables à celles des Sido- ciens ont dû être pratiquées dans la chaîne de mon- tagnes qui borne à Test la plaine de Tyr (Gebel-Sour) , ou dans le mont de la Séparation^ au pied duquel coule le Nahr-al-Kasmyeb. Les excavations, dans cette direc- tion, ont pu rejoindre les hypogées des Sidoniens. l*M) Hkmmtymatf Rapp«rto, ete. m <<^t»^iw* mmn XW MANU»(;mT PJCT0GR4PBIQUG AHÉRIGAIN, PRÉCÉDÉ d'une notice SUR l'idéographie des peaux-rouges, Par M. Tabbé Eh. Domknech. Admis à peine de quelques semaines dans la Société de géographie, je me trouve chargé à l'improviste, par l'honorable M. Jomard, de rendre compte d'un livre présenté par un de nos confrères, M. l'abbé Domenech. Si j'ai hésité un instant à céder au désir exprimé par notre vénérable président, c'est que, surchargé déjà de divers travaux que j'ai entrepris depuis mon retour d'Amérique, je cherche à les terminer avant que les forêts tropicales et les scènes grandioses des Cordillères fassent un nouvel appel à mon penchant pour les voyages. Mon hésitation , cependant , n'a pas été . longue et j'ai cru que ma double qualité de confrère de l'auteur, notre similitude de goûts et de péré- grinations me permettaient difficilement de me refuser à la tâche qui m'était imposée dans cette circoYi- stance. A la suite d'une vie de missionnaire toute remplie d'abnégations et d' œuvres apostoliques, de périls et de péripéties de toute sorte, dans des contrées qui com- mencent à peine à s'ouvrir au contact de la civilisation. ( 147 ) dans oes plaines sans boraes où le cbassanp de bisons et le dompteur da ohevaux sauvages pwrsuiveBt des plaisirs rempUî de dangers, M. Domeneeli est yepq s'asseoir au foyer de la scienee et se reposer -de ses fit* figues en élaborant les noies ourieuses et les reneei- gnements qu'il a reenaillis dans ses voyages. Son nom est avaBtageusemeni eonnu déjà dans plusieurs de po$ revues litltoaires, et il a puMié des récits d'un intérêt puissant sur les mmnrs et Fétat soeial des populatlmm aborigènes du Texas et des contrées voisines. Le livra qu'il vient d'(^ir à la Soeiété de géographie pst ung nouvelle |M^ve de son ardeur et de l'attrait crotseiint qui Fentraînent vers les raoes trop négligées, entre Ips* quelles il a véeu durant plusieurs années. Cependant^ avant d'en placer le résumé sous les yeux de nos bonorabtes oMifrères, je les prfe de mq permettre une difgpe^eion qui n*est pas tout à fait hors de pfoiptM an ce moment. Je désire tout d'abMPd les r^ mersier de Faoeueil bienveillant qu'ils oq| bien voulu faire à mon entiée dana leur savante eorporation, ^t }# ppia en parUeulier M. Jomtard et M* llalterftrun, qui ont bien voulu proposer mon nom, d'en agréer mes sincères remeretmenta. Les eireonstances m'oDt heu* Fousemœi servi en eetle aeoaaion, puii^que je trouve réunis sor mm diplftosef sm nom de M. le minîatiw de riifetruction p«bliqf|^, de qui )e tiens la mission avee laquelle j^ai entrepris mon denaler voyage à Tiehvap» tepee, au GMapas et dans 1* Amérique omtniie, les nome illustres de M. Jomard et de M, MaIte»Bpun, Pun le pré^ideql et Fun des flipdateura de }^ plpaaneienne Soeiété de géographie de FS^rope, Tautre sm secrér (148) taire-géoéralt fils et continoaleiir d'un hooime qui, de rétrafiga-, appwta à la France et légua à sa nouvelle pairie le plus beau mommient géogiaphiqae dont s'hoDoie le monde savant. Qn'il me soit donc permis, ccmime amérkamste^ de témoigner à notre vénérable doym les smtimrats que j'éprouve pour Fimpulâon qu'il a donnée le premier en France aux recherches américaines, tant en géo- graphie qu'en histoire et en archéologie. Ily aquelques jours, je compulsais les Bulletins de la Société de géographie à commracer de son origine, curieux de repasser ce qui avait été dit de l'Amérique ancienne depuis l'année 1822, où l'on imprima, à Londres, la relation du capitaine dél Rio, sur les mines intéres- santes de )PaIenqué. Je vois, tout d'abord, M. Jomard prendre part à toutes les découvertes de l'archéologie américaine, donner l'élan aux voyageurs et aux anti- quaires et les aider constammrat de ses consdls et de ses encouragements; c'est à M. Jomard qu'arrivent la plupart des rapports concernant cette terre encore au- jourd'hui si mystâieuse : Galindo, Waldeck, Gorroy, Cochelet, Warden, Friedericksthal, etc. , lui adressent à Tenvi les résultats de leurs découvertes. Enfin, c'est à M. Jomard que je dois moi-même d'avoir été mis en relation avec M. Aubin, qui possède la plus belle col- lecti(m de documents mexicains qui existe au monde. Après avoir passé trois ans au Mexique, m'instniisaat de la langue nahuatl et des traditions aztèques, je re- tournais en 1851 , en France, possesseur d'une petite collection que je croyais importante : ce qu'il y a de particulier, c'est que j'ignorais absolument l'existence (149) de H. Aubin ; cependant il y avait passé, ayant moi, quinze années entières à Mexico, étudiant, fidsant des recherches de tout genre, et jamais on ne m'avait parlé de lui, aucun des savants que j'avais connus dans ce pays n'avidt prononcé son nom devant moi, soit par oubli, soit, comme je ne le crains que trop, par une sorte de jalousie de coterie ou de nationalité, que je considère comme indigne d'hommes qui possèdent véri- tablement la science. Car, après tout, le soleil luit pour tout le monde et la lumière ne doit pas se cacher sious le boisseau. Ce que l'un n'a pas le loisir de faire, qu'un autre le fasse et ainsi l'édifice avance. Je revins donc à Paris, et ce fut H. Jomard, à qui J'avais fait, de Mexi- co, hommage d'un exemplaire de mes Lettres pour ser^ çir d* introduction à Vhistoire des nations ciifilisées du Mexique^ imprimées dans cette capitale, qui m'intro- duisit auprès de M. Aubm. J'en avais assez appris de la langue nahuatl et des nombreux documents recueillis un siècle auparavant par le voyageur Botturini, pour pouvoir apprécier l'é- tendue des connaissances de mon savant ami et de la magnificence de sa collection. Je demeurai muet de- vant H. Aubin, dont la modestie, d'ailleurs, contraste avec ses richesses, et je reconnus mon maître ; car il le fut véritablement pour moi. Avec lui je me perfec- tionnai dans l'étude du nahuatl et des traditions du Mexique, et je dois aux documents encore inédits qu'il possède dans cette langue et qu'il m'a souvent commu- niqués, une partie des faits les plus importants sur l'histoire toltèque et mexicaine, consignés dans mon Histoire des nations civilisées du Mexique et de t Amé^ (IM) riqm ûémmie (i)â Au{eord'btd| que roccaskni te ^ré^ wilta de ttgMler ces faite) je k sains d'autant plus yokmtîera que je ooiisîâère ced ctnnme nli deroir de gratUvdei La recoDiiaissiiKe que noiië téiDoignou& & œox qui nous eat ptéoédés oo iÛ8 bientôt quarante ans qu'elle à oommeticé à prendre son essor, cette sdenoe» on peut le dire« a fût uti grand pas^ et^ ce qui le prouve aujourd'hui^ c'est l'aocueil qu'on fait aux antiquités américaines 4 c'est l'acquisition, par S. Ex. M. le miuisti^ de l'instruotiod publique^ des riches albums de Mi de Waldeck^ relatifs aux mines de Pàlenqué, qai seront incessamment pu^ bUés \ ce sont tant de voyages entt^ris en faveur de l'archôidogie américaine^ o'est^ et je crois pouVoir l'af»- firmer ici avec assez de raisoil, la publioation môme qui est l'objet de ce rapport et (}ui^ il 7 à vingt ans^ aurait été i-epoussée probablement avec dédain. tntiê durrnUU» iièeles antérieure à Ohrisl^he Cêhmby ^rite rar àm documeoU originaux ei eatièrement inédits, pnisés aux anciennes archives des indigènes, par M. l'abbé firasseur de Bonrbourg, ancien anmônier de ta légation de France au Hrfexique, ei adminfstfâlèùf ëtt\ês\â8i\(fiïé iei Indlcfns de Rebfdàl (Gaatédiatft)^ i ib\. graild Îii-S. AftiMfl BisrtHiiMl) Mf|Mlf< ( 161 ) Ld Mnnitacnt pîeiograpktque, dont M^ Tahbé Dcmie«« nech a présenté» à la dernière séance, un exemfdaîre à la Société de géograpbiei n'était plus depuis longtrad^ un mystère à la bibliothèque de l'Arsenal où il atait été Cofoé dCjjtt une fois ou deiix avec autorisation « pat ordile du gouvernement des États-llnië^ et c'est au même endroit que IL Domeneoh en a pris tonnaisàanoe ^ grâce & l'obligeance connue de Mj Paid Lacroix, à qui l'auteur paye^ à cette oocadloD, un juste tribut d'bouH magesi Quelque arbitrait^ que nous paraisse Tintei*-^ prétation qu'il en donne, ce document n'ena pas moins une importance réelle dans l'histoire de l'écriture amé^ ricaine, en ce qu'il présente dans son ensemble le mo^ nuolent le plus complet des pi^miers pas des indigènes sauvages pour exprimer leurs idées^ Sous le rapport archéologique* l'intérêt qu'il inspire est bien moindre que oelui d'une foule d'autres inscriptions aaalogued* gravées sur les rochers en Amérique! car il IsuiBt d'y jeter les yeux peur s'assurer qu'il est d'une époque re^. lativemwt récente* Les croix, les chapelles, les fusils 4 les épées, figurés en beaucoup d'endroits avec des noihs plus ou moins germaniques en écriture européenne ^ prouvent bien qu'il est postérieur à la prédication des missionnaires , et il se pourrait bien qu'il datftt dit temps où les Hollandais ooou|)aient le Fort^Oraoge (Albany) et la Nouvelle ^Amsterdam (fateau à vapeur de très petite proportion et quî serait alimenté, à défaut de charbon de terre, par le boii) qu'on trouve en abondance sur les rives du Nil. M. La- fargue rend compte des essais aui^quete U s'eat livré s.ur uft petit bateau à vapeur de la fc^^^Q de six ehevau;^ environ, Renvoyé au Bulletin pour un extrait du mé- moire. Enfm le président annonce la mort de M. DdiiH porte, ancien consul de France à Tripoli de Barbarie et à Tanger^ qui a fourni des matériaux au recueil de9 Mémoires de la Société. Il était l'un des cinq élèvea de l'École des langues orientales de Paris, que le général en chef Bonaparte emmena en Egypte en 1798; on lui doit une Histoire des Mamelouh^ insérée dans le grand ouvrage de la Description de l* Egypte ; il est un des premiers qui aient publié et interprété des textes en (172) langue berbère. C'est lui qui reçut à Tanger, en 1858, René Caillié à sa sortie du Grand-Désert, et lui prodi- gua Thospitalité. Une notice lui sera consacrée plus tard. M. d'Avezac offre à la Société, de la part de M. Rei- naud, membre de l'Institut, une brochure intitulée : No- tice sur les dictionnaires géographiques arabes et sur le système primitif de la numération chez les peuples de race berbère. M. Buisson présente, de la part de M. le baron d'Avril, le Voyage à Terre-Neuife de M. le baron de Gobineau. M. l'abbé Domenech, membre de la Société, fait hommage de son ouvrage ayant pour titre : Manuscrit pictographique américain , précédé d'une notice sur Vidéo^ graphie des Peaux-Rouges^ publié SOUS les auspices de M. le ministre d'État et de la Maison de l'Empereur. M. Tabbé Brasseur de Bourbourg est prié de rendre compte de cet ouvrage. (Voir au Bulletin,) Sont admis comme membres de la Société : M. Delalleau, inspecteur de l'Académie de Paris, présenté par MM. Poulain de Bossay et Jomard ; M. Du- ruy, professeur d'histoire au lycée Napoléon, par MM. Poulain de Bossay et Jomard ; M. le vicomte de Rostaing, employé au ministère de la marine, par MM. d'Avezac et Poulain de Bossay ; et M. Victor de Rochas, chirurgien de la marine, par MM. d'Avezac et Malte-Brun. On procède, par voie de scrutin, à l'él^tion des membres de la Commission du concours au prix an- nuel. Sont élus : MM. d'Avezac, Jomard, Malte-Brun, Alfred Maury et Vivien de Saint-Martin. ( 478 ) Séance du \h février 186i« M. l'abbé Brasseur de Bourbourg demande à la Commission centrale l'autorisation de se servir, pour un travail dont il s'occupe» d'un vocabulaire des langues anciennes du Mexique, du P. Ximenës, qpii appartient à la Société. — Cette autorisation est accordée. M, le général de division Marey-Monge, comte de Péluse, M. Victor de Rochas et M. d'Arnaud remercient la Société de les avoir admis au nombre de ses membres. M. Jom^rd donne ensuite lecture d'une lettre par- ticulière de M. d'Arnaud, ingénieurtle S. A. le vice-roi, chargé, entre autres travaux hydrauliques, de la con- struction d'un nouveau bassin à Alexandrie pour les navires de grand tonnage. Il exprime le regret que ses fonctions l'aient empêché de continuer son entreprise pour la découverte des sources du Nil ; mais il pense que M. le docteur Peney et M. Lejean ne tarderont pas à résoudre le problème. M. Gamier est prié de rendre compte de la Descri^- ption géographique et statistique de la Confédération argentine^ ojQTerts par M. le D' Martin de Moussy. M. Elisée Reclus est chargé de l'examen du 1" volume des publications de la Société géographique de Genève. Il dépose, en outre, sur le bureau un ouvrage qu'il vient de publier sous le titre de : Voyage à la Sierra-- Nevada de Sainte^Marthe^ paysages de la natbre tro^ picale. t i7è ) Des remerclments sont adressés aux doDatenrs. M. de FroiftefoDds des Farges est prié de traduire, pour le Bulletin, .la Notice de sir MXlintock sur ses travaux relatifs à la profondeur des mers du nord. M. ié préside)) t ftnnonce que la Commission du prix ftnnbel est convoquée pour délibérer dur l'objet de sa mission, et il propose de fixer l'assemblée géniale au 22 mars. Cette proposition est adoptée. M. Lefebvl*e Durufié, sénateur , donne lecture^ afi nom de la section de comptabilité, de 1 état des recettes et dépenses de la Société pendant Tannée 4860, ainsi que du budget pour Tannée 186!. Il résulte de ce compte rendu un excédant de recettes, que M. Lefebvre Duruflé propose de placer en rente sur TÉtat. M. Gamier demande que tes économies sment laissées provisoi* iremetit disponibles pour des dépenses imprévues, et M. Lourmand appuyé cette proposition M. le président de la section de comptabilité, répondant aux obser- vations de ses collègues, rappelle que les placements sttr TÉtat représentent pour une Société une base solidje que tous les efforts doivent tendre à augmenter. L'étftt des recettes et dépenses, et le plaêemeqt de Texoédant des rtecettes sont mis aux voix et adoptés par la Com- mission centrale. M. Tabbé Brasseur de Bourbourg Ut Uii rapport sur Touvrage de M* Tabbé Domenech, ayant pour titre : Munusùiit piHographique jÉmértitam. Renvoi au Bulletin après quelques observations de MM. Jomard et Tabbé Domenecb. M. Barbie du Bocage commence la lecture d'une Notice géographique sur le Maroc. (175) La parole est doonée à M. D*Avezac pour la reprise de ses eommunications relatives à la variation séculaire de raigiiille aimantée; tuais l'heure lui paraissant trop avancée pour entamer une nouvelle lecture à ce sujet, il met à profit le peu de temps qui reste disponible pour entretenir la Société d'une publication récente de M. Thomas Wright, qui a rassemblé en deux volumes un choix d'articles qu'il avait précédemment lus à diverses sociétés ss^vantes d'Angleterre, ou qu'il avait écrits pour des recueils périodiques en renom. Plusieurs de ces morceaux ont un intérêt géographique spécial : tels sont une notice bien connue sur la Mappemonde de Hereford ; un essai sur les antiquités anglo-saxonnes accompagné d'une carte de l'Angleterre saxonne avant l'année 600; et divers mémoires relatifs aux anciennes pidpuIatî&Qs de l'Angleterre, sur lesquels M. D'Avezac appelle la curieuse attention de la Société. M. Wright avait développé, devant l'association bri- tannique, cette thèse, qu'à l'époque de la conquête romaine^ l'île de Bretagne était loin de présenter une population b^mogënei et qu'il s'y trouvait dès lors peut-être autant de sang teutonique que d'éléments celtiques. L'occupation romaine y amena des colons de toute origine confondus sous le nom de Romains, fondateurs des villes^ autour desquelles les anciens habitants coptinuèrentà peupler les campagnes. Quand arrivèrant les Anglo-Saxons, ils s'emparèrent aisément du plat pays, ei ne devinrent opa'à la longue maîtres des villes, d^ns lesquelles s'établit successivement leur domination. D'après les récits tardifs de chroniqueurs phis ou (I7«) moins apocryphes, l'invasion ang^o-saxonne aurait rdbulé Yers l'ouest la population odtiqoe à laqndle ils attribuent la possession antériaire du pays ; et l'émi* gralion aurait non -seulement débordé sur le pays de Galles, mais elle serait même venue donner à la Bre- tagne annorique ses habitants, dont la langue est si voisine de celle des Gallois. H.Wright se croit autorisé à donner à cette intime communauté de langage une explication inverse : suivant lui le j^ys de Galles était complètement romanisé quand une invasicm, contem- poraine de celle des Anglo-Saxons en Angleterre, y amena les Armoricains restés libres du joug romain, habitués aux expéditions maritimes, et qui, venus en conquérants, non en réfugiés, s'emparèrent des villes, qu'ils saccagèrent, et imposerait leur langue en domi- nateursy comme les Anglo-Saxons pour leur part le fai* saient de l'autre côté de la Savane. M. Himly présente quelques objections qui donnent à M. D'Avezac l'occasion de signaler d'autres mémoires de M. Wright sur la valeur des légendes prétendues historiques de Gildas, de Nennius et de Geoffiroi de Monmoutb, et sur le cycle romantique du roi Arthur, qu'on sût avoir pris naissance dans la Bretagne armo- ricaine. M. d' Abbadie fait remarquer, à propos de l'argument tiré de la similitude de langage entre les Gallois et les Bretons armoricains pour aflBrmer la date récente de leur séparation, qu'on pourrait objecter, en preuve de la longue persistance d'une même langue sans alté- ration sensible pendant de longs siècles, un chant basque parvenu jusqu'à nous, et qui remonte à l'époque (177 ) des Césars ; mais M. d'Avezac fait observer que ce chant, publié pour la première fois par Guillaume de Humboldt d'après un manuscrit assez récent, paraît n'avoir été conservé jusqu'au xvi* siècle, que par une tradition orale qui en aura graduellement modifié les formes primitives conformément aux vicissitudes de la langue parlée. M. Malte-Brun annonce qu'il a vu la carte du haut Sénégal de M. le capitaine Lambert, et qu'à propos des sources de ce fleuve, ce voyageur signale avec satis- faction le mérite des observations de René Caillié, M. Jomard annonce que M. le capitaine Burton est venu faire un court voyage à Paris, et qu'il a vivement regretté de ne pouvoir assister à une des réunions de la Société. (178) OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ SÉANCES DE JANYIER ET FÉTRIER 1861. EUROPE. y«rafee à Dres^ H dans les Voi«ei, coala— t la énaifÊkm de ces cootrées et 4e quelques villes prîoci|iales de rAllcn^goe, avec les mceurs et oouUiaies des babilants, les cariosîlés oaturelles, inda- strielles et autres, par Albert- Uontéinont, 1 vol. in-S. Paris, 1861. M. ALBEaT-MOHTBiOlIT. Swiuertand. Spain. par le IK Nortoa Sbaw, 2 broch. iD-4. M. le IK MoaixHi Snilr. Kaspische Studien, von Bmt, novembre t8S4 et février 1860, t br. iQ-8 M. Babi. AFRIQUE. La Zaouîa de Cbellata. ExoirsioQ chec les Zooaoua de la baute Kaby- lie. (Extrait des Mémoires de la Soeifiè de géographie de Genève, 1860), brorlu in 8. AyÊRIQUR. Maouscrit pietograpbîqQe anéfficaîo, précédé d'une notice sur Fidéo- grapbie des Peaui-Rooges, par Tabbé Em. Domenecb. Paris. 1860. 1 vol. iD-8. II. Tabbé Domehech. Renseignements nautiques sur la Nouvelle Galédonie et les Iles Loyalty, par M. Grùnoult Paris, ISS9, brocb. în-8. U. V. w Rochas. Voyagea la Sierra>Ne%ada de Sainte-Martbe, paysages de la nature tropicale, par Elisée Redus. Paris, 1861. 1 vol. in-12. IL EusBB Reclus. OCÉANIE. Essai sur la topographie bygièniqne et médicale de la NonvdM^ale- donie. Tbèse pour te doctoni ea médcciae, ptéseatée et soutenue ( 179 ) le 28 décembre 1860, par V. de Rochas, docteur en médecine. Paris, 1860, broch. in-4. M. Y. Rochas. OUVRAGES GÉNÉRAUX, MÉLANGES. Notices sar les dictionnaires géographiques arabes et sur le système primitif de la numération chez les peuples de race berbère, par M. Reinaud, membre de Tlnstitut. Paris, 1861, broch. in-8. M. Reinadd. Essai de grammaire japonaise, composé par M. J. H. Donker Cnrtius, earicbi d'éclaircissements et d^additions nombreuses par M. le D' J. Hoffmann (publié en 1857, à Leyde], traduit du hollandais avec de nouvelles notes extraites des grammaires des PP. Rodriguei et Collada, par Léon PagèB. Paris, 1861, 1 vol. in-4. M. Léon Pages. Rapport fait è T Académie des inscriptions et belles- lettlr«s, au nom de la GomiaiitioB des antiquités de France', par M. Alfred Maury. Lu dans la séante publique annuelle du 7 décembre 1860. Paris 1860, broch. ia*4. AI. Alfsbd IIabrt. Elogto û\ AleSsandro llumboldt scritto da Filippo Parlatore. Firenze, 1860, broch. in-8. M. Filippo Parlatore. Cari Ritter ; and address to the american geographical and stalistical Society, by Arnold Guyot, broch. in-8, 1860. M. Arnold Gutot. Die Entstehung und seitherige Wirksamkeit des miltelrheinischen geologischen Vélrèlns, par L. Ewald. M. L. Ewald. ATLAS ET CARTES. Carl^ militaire d68 Paya^fiiBs, ftuillesde Asseoy Bonrtange, Stâv«ren, Beilen^ Roalrinkel, ËBkluiizeË, AlnMloct Oentikamp, 8 feuilles. IfimSTtHB Dï LA OUHUBB. ttdnd attarder allgemeine Erdkunde, des Lander-und Staatenkunde, in 80 Rarten, par L. Ewald; livraisons 26 h 40.— Wand-atlas der âlfgemeine Erdkunde und physischen Erdbeschreibung , par L. Ewald, II Etiropa, une llyraison. M, L. Ewald. ( 180 ) MÉMOIRES DES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES. RECUEILS PÉRIODIQUES. Mémoires présentés à rAcadéinie impériale den sciences Se Saint- Pétersbourg par divers savants et lus dans ses assemblées, t. VllI et IX et dernier. — Mémoires de l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, 6^ série, Sciences mathématiques, physiques et naturelles, t. IX, 1'^ partie. Sciences mathématiques et physi- ques, t. VU et dernier. — 6* série. Sciences politiques, histoire et philologie, t. IX et dernier. — 7« série, t. II, n«« 4 à 7. — T. III, n" 1. — Bulletin de TAcadémie impériale des sciences de Saint- Pétersbourg, t. H, feuilles 1 à 17. — Abhandlungen der Kônigli- chen Akademie der Wissenscbaften zu Berlin. Ausdem Jahr 1859. Berlin, 1860, 1 vol. in-4. — Annaler for nordisk Oidkyndighed (Annales de Tarcbéologie et de Thistoire du Nord, 1840-1845, 1846, 1849), 6 vol. in-8. — Antiquarisk Tidsskrift (Revue des antiquaires du nord), 1855-1857, 1 vol. in-8. — - Bulletin de la Société géographique de Russie, D°" 10, 11 et 12, 1859, 1, 2, Set 4, 1860. — Compte rendu de la Société impériale géographique de Russie, pour Tannée 1859. Saint-Pétersbourg, 1860. — Isis. Encyclopâdische Zeitschrift, vorzûglich fur Naturgeschicfate, Physiologie, etc., von G. Tilesius, n®* 1 à 6, 1850, 1 broch. in-8. — Hertha. Zeitschrift fur Naturgeschichte, Physiologie, Natur- lehre. Astronomie, Làinder-und Volkerkunde, u. f. w. fur aile Stânde herausgegeben von Doctor Jobannes Gistel,Q''" 1 et 2, 1837. Zeilschrifl fiir allgemeine Erdkunde, von Neumann. Berlin, n** 87, septembre. H. Burmeisler, Voyage dans quelques provinces du nord des États de la Plata. — W. Schultz^ Esquisse historique, géographique et statistique de la province brésilienne de Rio Grande do Sut (carte). — Hilferdmg, Voyage de Mostar à Saraïévo, trad. du russe. — Sur le climat de la ville de Vielsk et la débâcle de la Vaga. — Nouvelles de M. H, Duveyrier^ d'après une lettre datée de Ghadamès, 14 août. — Les Andamàu et leurs habitants. — H. Woody La ville de Yédo. — Sur les mines d*argent du Chili. — Ouvrages récents. Analyses critiques. — Société de géographie de Berlin. Septembre. ( 481 ) Journùl of the Franklin însHtuL N»* 4 i 9 et 420, Novembre et décembte. liouvelles annales des Voyages. Janvier 1 861 . Bésamé des voyages exécutés dans l'Afrique Aus- trale de 1849 a 1857, par Ladislas Magyar, pnr M. Tabbé Dinomé^ (avec carié). '— Voyage d'exploration sur le fleuve Amour exécuté soos les auspices de la section sibérienne de la Société impériale géographique de Russie, par M. Maack^ par M. Constantin db Sabir, — Nouvelles du voyage de M. Lejean au fleuve Blanc. — Départ de M. H. Duveyrier de R'dâmes pour R'at. — Départ de M. le D^ Peney pour un voyage au haut fleuve Blanc. — Nouveau voyage de M. Miani aux sources du Nil ; le continent australien traversé pour la première fois par M. Miani. — Nouveau prix proposé par la Société de géographie de Paris. — Études ré(;entes sur les dia- lectes berbères de l'Algérie, la grammaire Tamachekde M. Hanno- teau, compte rendu par M. Henri Aucapitaine, Février 1 861 . Résumé du voyage de Ladislas Magyar {suUe et fin). — Voyage d'exploration sur le fleuve Amour (suite et fin), — Voyage à Terre-Neuve, par le comte A. de Gobineau, compte rendu par }A,A. deCircouri. — Nouvelles de rexpéditiou du Zambèse et du D'^ Livingstone. — Statistique des colonies françaises eu 1857. — Retour de M. le lieutenant Lambert de son voyage au pays de Tombo et aux sources du Sénégal. Le Tour du Monde^ u°M6 à 56. N""" 46 et 47. Voyage aux grands lacs de TAfrique orientale, par lecapit. Burlon^ i857>1859. N° 48. Voyage du capit. Burlon aux grauds lacs (fin). — Frag- ment d'un voyage au Saubat (affluent du Nil Blanc), par M. i. De- hono, 1855 (inédit). N"" 49. Voyage à Ttle de Cuba, par M. R. Dana, 1859. N<*» 50-52. Excursions dans le Dauphiné, par M. A. Joanne, 1850- 1860. N« 53. Souvenirs d*Qn voyage au Liban, par A. Spallj 1859. N«« 54 à 56. Le Sénégal. Journal asiatique, août-septembre. Beinaudf Notice sur les dictionnaires géographiques arabes. — (I8â) Dtk m^iiM, Sor le tiMèoie primitif de l« oooiécttkHi cbei U race berbère. ^ W, Behmausr^ Mémoire sur let institutions de police chei les A^rabes, les Persans et les Turcs. — Gareinde Tossy, Des- criptton des monoments de Delill en iS5S, diaprés le teite bindoo- stani de SalyidAbmad Kban. — Noofelles et mélanges. Revue orientale et américaine. Octobre, r- Description de Yédo. Lettre d*an voyageur. — Essai sur les systèmes métriques et monétaires des anciens peuples, par M. VasqiAez Queipo, Analyse critique, par M. Caslaing. — Texier, Berbères et Kabyles (fin). — PoucauXy Yikramorvaçi, drame indien traduit du sanscrit (suite). — Paléographie meiicaine. Documents publiés par M. Ramirez, de Mexico.— Notice sur la préparation du camphre au Japon. Traduit du Japonais, par M. Léon de Rosny. — Chroniques. Décembre. — J. Samper, La Confédération grenadine et sa popu- lation. — A, Castaing, Vécrilnre considérée dans ses origines. — C. Sckabel, Examea critiqM da déehiffnMwnt des écritures assy- riennes. — ChroDÎques. Revue de VOrient. Septembre, octobre, novembre et décembre. Septembre. — Borda, Les réserves de grains en Algérie. — Le R. P. Sibillan (supérieur des Mékhitbaristes de Vienne) Numisma- tique arménienne. — Judcu, Étude philologique sur le Périple d'Hannon.' Octobre, — ficlùr Langtois, Coosid^ations sur les rapports de TArménie avec la France au moyen âge. — Judas^ Étude philolo - gique sur le Périple d*Hannoo [fin) . — Aufiie, Progrès des sciences g^raphiques dans les contrées orientales pendant Tannée 1859. ^ Defert^ Le papier d*aira. Novembre. — Hureau de Villeneuve^ Rapport au ministre de rinstruction publique sur les travaux de 14 Société orientale. — £d« Dulaurier, De Tétude comparée des langues océaniennes. — A. Fabre, Du Dnieper au Caucase. Décembre, — E, Desiardimz^ La Phénicie orientale et oœiden- taie. — //. Aucapitaine, L'insurrection de la Grapde Kabylie. — E, Foucaux, Légende dMlvala et Valapi, extraite du Mahâbhârata. ^ E. Ruelle, Progrès des sciences géographiques dans les contrées (18S) oritiitale», pendant r«Bnée 1859. - Bé. Hommaire ée HétU UUiei c^looutai. ^ Ghroaiqae. Aemie algérienne et coloniale. N°' d'octobre et de novembre. Octobre, ^ H, Fincent^ Voyage d'exploration dans PAdrar (Sahara occidental), avec une carte. — Colomb^ Notice sur les oasis du Sahara {fin), — Sondages artésiens en Algérie. — Le D' Pr. de Piétra Santa, Du climat d*Alger dans les affections chroniques de la poitrine. — Élie de la Primaudaie, Le commerce et la naviga- tion de l'Algérie avant la conquête française. ~ PloiXt Pose du cable électrique sous- marin entre Alger et Toulon. Novembre, — H. Duveyrier^ Notice sur le commerce du Souf, dans le Sahara algérien. — HérillCy Régime des concessions de terre destinées à la culture de la canne dans les Indes néerlandaises. — Beaujean, Immigration indienne. Rapport sur le voyage du kiche' Ueu^ éb Pondichéry à la Martinique. — F. Frappitr, Le port de Saint- Pierre à la Réunion. — P. E, Bâche, Origine et constitotiou delà propriété arabe en Algérie avi^nt 183Q. — E, de la Primaudaifit Le commerce et la navigation de l'Algérie avant la cooquéte fran- çaise (sutto). — Population des colonies fraoçaiiies pour Tacmée 1857. Journal des missions évangéliques. Décembre. Rapport anr les misions de l'Afrique méridionale^ — Misaione de l'Iode méridionale ; — des Etals-Unis, — Lettre dq D' Moffat» — Lettre du D' Livingstone. BuUetm de la Société fmfériale d*accltmatation, Septemlwe,^ B, WUson, Des différentes teniativeg d*accliiiia- Ution fallea eo Australie. — Le eomte Castellani, Rapport wr l'eipéditioB séricicole en Chine, entreprise pendant Tannée 1859. il. Sicarâ, Études sur diverses plantes nouvelles cultivées dans les BouebeB-duoRhéne, etc. Octobre. -^Qiroà de C Ain, Sur le troupeau de Naa. — P. Hiaftroiw, Monographie des Gallinacés. - D' Sacc, Sur la perruche oaauJeo- lore. — D' Joly^ Étude «ur deux espèces de vers à soie récemment acclimatées en France {suite). — Dapuis, Sur le Gioseng. Extrait d'an mémoire du P. Lafitau. — Sacc, Notice sur une plante (184) emiiloyée à U Guyane comme tonique el antiebloroliqjae, VEmUia rigidula, — Roehn^ Sur rcxpédiiion du traoiwau d^Alpaeas et de Lamas destiné à la Société. Novenfire. — A. DumérU^ Rapport sur un taureau et une génisse de U race cotentine sans cornesi dite Sarlabot. — Sacc, Sur les velours fabriqués avec les toisons de chèvres d* Angora. — P. Le- tronBf Monographie des Gallinacés. — Turrel, Notice sur le canard du Labrador. — J. Persoz, Sur la ténacité et Télasticité relatives des fils de diverses espèces de soies. — Le P. Jouen^ Noie sur di- verses espèces de vers à soie de Madagascar. — Ch, Martins, Flo- raison en plein air de VEuryale ferox de la Chine. — SacCt Notice smVÂrracachaesculerUa. — A. Michely, Observations sur plusieurs chenilles séricigènes de la Guyane française. BuUetm de la Société d' anthropologie , 3^ fascicule. Annuaire de la Société météorologique de France, Novembre et dé- cembre. Annexes du commerce extérieur, N« 1 27 i -1 280 . Autriche. Aperçu de son mouvement commercial en 1 858 et i 859 . -^Equateur. Mouvement commercial en 1857. L* Algérie agricole, commerciale et industrielle^ publiée sous la direc- tion de M. A. Noirot. Novembre et décembre. L'Investigateur, journal de VInstitut historique. Juillet-août. BuUelin de la Société d'Émulation du départetnent de V Allier, t. VI. Moulins, 1858, in-8. Rapport sur les objets trouvés dans les fouilles faites à Toulon- sur-Ailier, par M. Esmonnot, architecte du département. — Mar- ques et signatures de potiers, trouvées dans le Bourbonnais. — ChazatAd, De la population de Saint-Pourçain aux xiv* et xv^ siè- cles, et de la patrie de Jacques-Cœur. — Le comte G. deSoultrait, Essai sur la numismatique bourbonnaise. — Documents rares ou inédits relatifs à Thistoire, aux coutumes et aux moeurs de Tancien Bourbonnais, etc. Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts de VAube, 1860. Troyes, in-8. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE. MABS 1861, Méiiioirefi, [Votlec^s^ etc. Assemblée générale du 23 mars 1861, RAPPORT SUR LE PRIX ANNUEL POUR LA DÉCOUVERTE LA PLUS IMPORTANTE EN GÉOGRAPHIE, Messieurs, La Société de géographie décerne un prix chaque année au voyageur qui a le plus ajouté à nos connais- sances positives sur un point du globe. Cette année, la Commission du prix annuel avait à examiner les voyages entrepiis ou terminés dans le cours de 1858. Son choix pouvait hésiter, car l'année 1858 a été féconde en explorations, et la plupart de ces explora- tions ont produit des résultats considérables. Plusieurs expéditions scientifiques ont eu lieu dans les nouveaux territoires russes de l'Asie orientale et dans quelques-unes des parties les moins connues de 1. MARS. 1. 13 (186) r Asie centrale. Une commission dirigée par un natnra- liste distingué, M. Maak, a consacré trois années à l'in- vestigation physique, eUinographique et géographique du bassin de T Amour, yaste contrée qui, depuis sa ré- cente annexion à l'empire russe, a été l'objet d'une suite d*études pro6tables à la science. La relation du D^ Maak vient d'être publiée, en langtiê russe à la vérité ; mais une récente publication de M. Sabir en fait connaître les principaux résultats. Au centre même du conti- nent, sur la longue ligue des frontières de l'empire russe et de l'empire chinois, il se poursuit une série d'explorations et de relèvements astronomiques qui ont pour but, tout à la fois, de rectifier et de compléter les cartes eucore si imparfaites de ces contrées intérieures, en même temps qu*on en reconnaît les productions et les ressouroes. La plupart deces entreprises sibériennes sont dirigées et défrayées par notre sœur de Saint- Pétersbourg, la Société de Géographie russe, établis- sement dont l'activité, soutenue par de riches dotations, s'est appliquée tout entière à perfectionner la géogra- phie des diverses parties de l'empire. De ce côté nous pouvons nous reposer sur elle du soin de reconnaître dignement les travaux qu'elle a inspirés. Il en est d'autres d'un caractère plus personnel qui n'ont pas donné de moins notables résultats. Deux excursions exploratrices, qui ont eu lieu à quelques mots d'intervalle dans les parties orientales du Haoïirân , ont été signalées par des découvertes extrêmement remarquables. La Syrie, au moment où ces deux yfOynge» nous reportent, n'avait pas vu se déchaîner encore ces fureurs du fanatisme musulman qui l'ont 1187) eouyerte depuis lors de tant de sang et de ruines ; les Européens pouyaient s'y livrer alors aux recherches scientifiques. La première de ces deux courses savantes appartient à un voyageur anglais, M* Cyril Graham ; la seconde est due au consul de Prusse à Damas, M. Wet£stein^ accompagné de M. Doergeus comme astronome et physicien. Depuis Seetzen et Burckhardt, la Syrie transjordanienne a été sillonnée par un assez grand nombre d'excellents itinéraires ; aucun, on peut le dire, n'aura donné une aussi grande quantité de faits nouveaux et de notions importantes* Les explorations de M. Wetïstein se sont principa- lement concentrées sur le Ledja et le Djebel Haourân, cantons volcaniques situés à deux ou trois journées au sud de Damas \ mais les observations de M. Doergeus se sont étendues à tout le Haourftn. La nature et la siU'^ gulière configuration du sol ont été étudiées et décrites avec un grand détail ; de fréquentes observations baf o-» métriques, rapportées à des observations correspond dalites relevées jour paf jour à Damas , ont fourni de précieuses données pour la connaissance du relief de tonte la contrée à T orient du Jourdain ; la géographie biblique s'est enrichie d'identifications nouvelles ; enfin ^ une récolte très considérable d'inscriptions apporte dd nombreux matériaux à la reconstitution complète dd la géographie classique. Ces résultats, dont on peut apprécier la richesse, ne sont connus jusqu'à présent que par des communications sommaires; la relation, lorsqu'elle sera publiée, sera certainement une des plus importantes que nous possédions sur la Syrie. L'excursion de M. Graham, comme celle de M. Wetz- i ( 188 ) stein, a été à la fois géographique et archéologique ; mais ce qui la distingue particulièrement, c'est dNavoir pu s'avancer assez loin au delà des frontières orientales du Haourân, dans des cantons que n'avait foulés jus- qu'à présent le pied d'aucun Européen. Sous ce rap- port, c'est un véritable voyage de découvertes. Des ruines antiques et même des traces d'une voie romaine ont été retrouvées ; mais la partie la plus curieuse de la récolte, et certainement la plus inattendue, est une quantité innombrable de cailloux basaltiques, usés et arrondis comme les galets de nos grèves, sur lesquels se voit grossièrement tracée la représentation d'un homme, d'un palmier, d'un cheval, d'un chameau ou de quelque autre animal, avec une ou deux lignes de caractères inconnus. Ces caillons inscrits couvrent, en plusieurs endroits, des plaines d'une grande étendue; ce sont de véritables champs d'inscriptions. Jusqu'à présent il a été impossible de deviner quelles sont l'ori- gine et l'époque de ces singuliers monuments, ni quel a pu en être l'objet. Seulement on a reconnu que les caractères qu'on y voit tracés sont identiques avec ceux des inscriptions himyaritiques découvertes il y a trente ans dans le sud de l'Arabie, et où se retrouvent les formes les plus anciennes de l'alphabet phénicien. Parmi les inscriptions rapportées par M. Wetzstein du Djebel Haourân, beaucoup reproduisent les mêmes caractères ; mais celles-là étaient tracées sur des pla- ques ou sur des blocs, et elles se trouvent au voisinage de ces habitations massives en basalte, dans lesquelles les voyageurs ont reconnu depuis longtemps l'œuvre d'une race indigène antérieure aux Romains et aux ( 189 ) Grecs, antérieure même à rétablissement des tribus de Josué, qui trouvèrent ces cantons occupés par les Rapbidïm que la Genèse qualifie de race de géants. C'est là qu'était le pays de Basan, sur lequel avait régné le roi Og, au sépulcre gigantesque. Il y a en tout ceci, on le sent, une énigme historique dont le temps et la science nous donneront sûrement le mot, une énigme qui nous fait remonter aux époques lointaines où ces régions du sud-ouest de l'Asie étaient occupées par la race mystérieuse desKouschites, sœur aînée des Sémites et mère des Phéniciens. Les explorateurs qui parmi d'autres découvertes nous ont rapporté les éléments de ces curieux problèmes, et qui auront ainsi ajouté une page nouvelle à l'histoire des temps antiques, ces heu- reux explorateurs ont bien mérité de la science. Il en est un autre qui depuis dix ans et plus a fait preuve, sur un théâtre différent, de l'activité la plus infatigable, de la persévérance la plus dévouée, en même temps que des qualités les plus éminentes du savant et de l'observateur : c'est M. Pierre de Tchihat- cheff. Après un voyage fort remarquable à l'Altaï, M. de Tchihatcheff s'est attaché à l'Asie Mineure, cette con- trée que la nature a créée si riche, et que la barbarie turque a faite si misérable; il s'y est consacré corps et âme, il en a fait son domaine. Dans une longue série de voyages, ou plutôt dans un seul voyage qui chaque année se renouvelle et se poursuit, il en a visité toutes les parties, il en a étudié et il en étudie encore tous les détails. Il l'a couverte d'un véritable réseau d'observations. Les déterminations astrono- miqaes, qui fixent les positions ; les observations baro- (190) métriques, qui donnent les hauteurs et dessinent le relief; les relevés géodésiques, qui fournissent les dé- tails ; les investigations archéologiques, qui rappellent le passé, et les études ethnologiques qui appartiennent au présent ; tontes les branches de la science, en un mot, la botanique, la géologie, la zoologie, la statistique et TécoDomie sociale, rien n'a été oublié dans cette exploration encyclopédique. Plusieurs parties déjà pu* bliées permettent dès à présent d'en apprécier la haute valeur, et l'ouvrage entier, lorsque la publication en sera tenninée, sera un exemple bien remarquable de ce que peut produire le zèle soutenu d'un seul explo* rateur. La Commission n'a pu fixer son choix sur les travaux de M. de Tchihatcheff; mais elle est heureuse que leur continuation lui permette encore de les réser- ver pour un de vos prochiûns concours. Tout en appréciant comme elle le devait les titres di- versement recommandables des voyages qu'elle vient de passer en revue, votre Commisâon, messieurs, s'est arrêtée à une expédition savante qui n'a pas duré moins de quinze mois, du commencement de 1858 au mQieu de 1859, et qui a considérablement ajouté à la somme de nos connaissances positives sur une des con* trées les plus intéressantes de l'Asie : cette expédition est celle qui, sous la direction de M. Nie. Kbanikof, a entrepris et accompli l'exploration d'une partie consi- dérable de la Perse. Le nom de M. Rhanikof est connu depuis longtemps dans la science par de grands travaux topc^raphiques et ethnographiques sur le Turkestan et la région in Caucase. Mieux que personne il avait pu ^pptéàeat les (loi ) lacunes qui restaient encore dans la géographie du nord de la Pei'se. De nombreux voyageurs ont traversé ces provinces depuis la fin du dernier siècle, et en ont donné des relations excellentes ; mais de simples itiné- raires, quelle que soit leur valeur, ne peuvent jamais être, pour une grande contrée, que les matériaux d'une description, et non la description même. Quelque bien doué que soit un voyageur, quelque soin et quelque dévouement qu'il apporte à ses observations, il estime- possible, au milieu des populations hostiles ou défiantes d'un pays à demi barbare, qu'il n'y reste pas bien des vides et des incertitudes. Les nombreuses inexactitudes, les erreurs quelquefois énormes qui se découvrent dans les meilleures cartes uniquement construites sur le rapprochement et la combinaison des données four* nies par les voyageurs, quand les bases viennent à en être soumises à des opérations rigoureuses, montrent asses dans quelle mesure il faut accepter ces premiers essais, précurseurs obligés des constinctions géode-» siques. Gela n'enlève rien, assurément, au mérite de ces sortes de travaux, quand ils sont signés du nom d'un d'Anville, d'un Petennannou d'unKiepert; cela mon* tre seulement dans quelles limites se renferment forcé- ment, en ce qui touche à la cartographie, les élabora* lions de la science purement critique. C'est à ce point qu'en sont encore en ce moment, sauf pour un certain nombre de détails, nos cartes du nord et du centre de ia Perse ; et ce sera le grand mérite de l'expédition de 1858 d'en avoir fixé les bases par une suite d'opérations çt de relèvements certains. C'est ce mérite éminent, messieurs,qui adéterminélechoix devotre Commission* (192 ) Dans une note remise en 1857 à la Société de Géo- graphie de Saint-Pétersbourg, M. Khanikof faisait res- sortir tout ce qui manquait encore à la construction d'une bonne carte des parties de la Perse qui confinent au désert de Khiva et à la Boukbarie ; et non-seulement à la construction d une bonne carte, mais à la connais- sance complète du pays, de sa configuration, de son hydrographie, du caractère de sa faune et de, sa végé- tation, en un mot des conditions diverses de sa cons- titution physique, en même temps que de ses ressources économiques. La Société adopta le plan d'une expédi- tion scientifique, dont la direction ne pouvait être mieux confiée qu'à celui-là même qui en avait eu l'initiative; et cette entreprise devait naturellement rencontrer un appui efficace près du gouvernement, qui a tant d'inté- rêt à être exactement renseigné sur ces contrées. L'ex- pédition fut immédiatement organisée ; elle se con^posa de M. Ristori, lieutenant de la marine impériale, du professeur Bunge, pour la botanique, de M. Gœbel, comme chimiste et géologue, de M, Lenz, fils du célèbre physicien, comme astronome, jie M. Binert comme na- turaliste, et enfin de deux ingénieurs topographes de l'armée du Caucase. Un zoologiste bien connu, le comte de Keyserling, avait obtenu T autorisation de se joindre à l'expédition; M. Khanikof lui-même, outre la con- duite générale des tj-avaux et une. active participa- tion aux observations physiques, aux relevés géodé- siques, etc., s'y était spécialement réservé les études ethnographiques et linguistiques. Tiflis était désignée comme rendez-vous général; tous les membres de la Commission y étaient réunis ( 1^3 ) dans les derniers jours de janvier 1868. On vint s'em- barquer à Bakou, d'où un navire à vapeur de la com- pagnie d'Astrakhan transporta l'expédition à Achref, sur la côte du Mazandéran. Achref, au xvin* siècle, était une des résidences favorites du sultan Chah Abbas. Ses kiosques et son palais sont en ruines; mais le lieu est toujours un des plus beaux parcs que l'on puisse voir. Les anciens y auraient pa transporter leur jardin des Hespérides ; car l'orange, cette pommed'or de lafable, y est si commune, qu'on en peut avoir mille sur le marché pour quelque chose conmie 1 franc 20 centimes de notre monnaie. Rien de plus magnifique, au surplus, que la végétation qui domine cette plage. Les plantes grim- pantes s'y déploient avec une vigueur merveilleuse; partout les ceps de la vigne sauvage enlacent comme de monstrueux serpents les arbres géants de la forêt, et y jettent une multitude de festons suspendus sous lesquels le jasmin, le grenadier, le prunier, et surtout le cràtegus, forment des fourrés presque impéné- trables. Si l'on compare la nature chétive et la triste uniformité des plaines salines de la côte septentrionale de la Caspienne avec l'aspect tropical de la côte du sud, on est frappé, et singulièrement étonné tout à la fois, du contraste que présentent les conditions orga- niques de ces deux plages opposées. Au nord, l'âne peut à peine supporter la rigueur du climat ; au sud, le tigre est presque aussi commun que dans les djangles du Bengale. Près d'Astrakhan, le raisin atteint difficilement sa maturité; aux environs du golfe d'As- trabad, le palmier croît en plein champ, à côté de la canne à sucre et du cotonnier. Enfin une glace épaisse ( t«4 ) enchaîne encore les flots de la inei* dans sa partie du nord, pendant que tout fleurit déjà dans le Ghilan et le llazandéran. La seule différence de latitude n'ex-* plique pas cette opposition, qui tient surtout à la nature et à la direction différentes des vents. Tandis que ceux du nord apportent avec eux le souffle dessé- chant des frimas hyperboréens, les vents du sud*est, qui ont traversé les déserts intérieurs, arrivent secs et brûlants au c6té sud de la Caspienne, où ils se cboqurat aux vapeurs du nord qu'ils échauffent et transforment en pluies abondantes. M, khanikof dut se rendre à Téhéran pour y obtenir les finnans nécessaires, que l'influence de l'ambas-» sadeur russe lui fit délivrer rapidement; h son retour à Chabrood, au sud des montagnes d'Astrabad, l'exi^ pédition se mit immédiatement en route pour le &ho^ riçan. On était au milieu de juin. Une nombreuse caravane de pèlerins qui se rendait à Méched se jo^^it à l'expédition pour profiter de son escorte, tant sont redoutés les Turkomans qui infestent cette route. Cette caravane comptait plus de quatre mille bêtes de somme, chevaux, chameaux, ânes et mulets; le per- somiel y présentait un curieux assemblage ethnogra* pfaique. Il y avait là des Arabes de Bassorah et de Bagdad, des Persans de toutes les provinces, des Turcs du Cfairvan et de l'Ad^baîdjan, des Masandérania, des Afghans, des musulmans de F Inde, des B^béils, tribu montagnarde du Kaboulistan que l'on croit d' ) est décerné à M. Nicolas de KhanikoT, pour son explo- ration du Rhoraçan. M. Jomard donne lecture d'tme Notice snr une ezcur- âon dans Tintérieur de la Patagonie par M. Goinnard, présent à la séance. M. Albert Montémont lit quelques extraits d'une No- tice sur le KborâçaD,par M. deKbanikof. M. £. Cortambert présente à la Société un coup d'œil sur les productions, les peuplades géopbages et les autres populations des bords de rOrénoqne. Enfin, M. Jules Pautet lit une Notice sur Dom Luiz de Camoëns^ le poète voyageur, La séance est terminée par le renouvellement des membres du bureau de la Société pour l'année 1861-62, et par l'élection d'un membre de la Commission cen^ traie. Sont nommés : Président : M. l'amiral Romain des Fossés, séna- teur. M. le comte de Grossolles-Flamarens, sénateur : rice-presidents :<•-,, ,^ , , ^ ^ M. le baron C. de la Roncière le Noury, contre-amiral. / M. de Rerballet^ capitaine de vais- Scrutalcurs : < seau ; (m. Ed. Cbarton. Secrétaire : M. Maximiu Delocbe. Membre de la Commission centrale : M. Alfred Jacobs. ( 241 ) OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ SÉANCES DE MARS 1861. ASIE. Voyage en Arménie et en Perse, par P. Ara. Jaubert, précédé d*ane notice sur Tauteur, par M. Sédillot. Paris, 1 vol. in-8. M. SiDILLOT. Esquisse ethnographique des Manègres, par C. de Sahir (Mémoire la à la Société de géographie de Paris, séance du 16 noyemhre 1860). Paris, 1861 , broch. in-8. M. C. de Sabib. Mémoire sur les ruines de Séleucie de Piérie ou Séleucie de Syrie, par le R. P. Alexandre Bourquenoud (Extrait des Études de théologie ^ de phUotophie et d'histoire). Paris, 1860, broch. in-8. M. P. DUTAU. Lefledve Amour, histoire, géographie, ethnographie, par C. de Sabir. Paris, 1861, 1 yoI. in-4. M. C. db Sabib. Le mont Hor, le tombeau d*Aaron, Cadès, étude sur l'itinéraire des Israélites dans le désert, par le comte de Bertou (Mémoire lu à PAcadémie des inscriptions et belles lettres). Paris, 1860, 1 yoI. gr. in-8. M. le comte de Bbbtou. AFRIQUE. Voyages au Soudan oriental dans TAfrique septentrionale et dans PAsie Mineure, par Pierre Trémaux, 32*^ et 33® livraisons. Parallèle. Paris. M. PiërbeTbéhaux. Géodésie d*une partie de la haute Ethiopie, par Antoine d'Abbadie, vérifiée et rédigée par Rodolphe Radau, 2* fascicule. Paris, 1861, 1 ?ol.in-4. M, A. D'Abbadie. OCÉANIE. L'Océanie nouYelle. Colonies, — migrations, — mélanges, par M. Alfred Jacobs, Paris, 1861,1 toI. in-12i M. Alfrrd Jagobs. ( ^42 ) OOVRAGES GÉNÉRAUX, yÉLAIH»». Mélanges d'ëraditioo ei de critiqae historique, par M. Letronae, pré- cédés de réloge 4ê TaaiMr, par M. le baron Waldceoaer. Paris, i Tol.in-8. M. Sêdillot. L*Orient, par Léon de Rosny, Paris, 1860, broch. in>8. M. LÉOH OB Rosmr. Sur nn globe terrestre trouvé à Laon, antérieur à la déeoaverte de rAmériqne, par M. d'ÀTeiae. Paris, 1861, brocb. in-8. M. D*AVKZAC. Aete do saint et oBComéniqae Concile de Florence ponr la réunion des Églises, par Adolphe d*ATri1. Paris, 1861, brocb. in-8. M. Adolphe D^AvaHi. Nouveau dictionnaire universel de la langue française, par M. P. Poi- tevin. Paris, I'* livraison, în-4. M. P. Poitbvui. Notice sur la vie et les travaux de M. le baron A. de Humboldt, par M. de La Roquette. Paris, 1861, broch. in-4. M. de Là Roquette. Notice sur la vie et les travaux de M. Pierre Daussy, par M. de La Roquette. Paris, 1861, brocb. in-8. M. de La Roquette. A lunar lidàl wave io Iake Michigan demonstrated, by 1' colonel J. D. Grabam. broch. in-8. M. J. T). Gbahah. Verieicbniss der bibliothek uod Kartensammlung, D^ Cari Ritter iu Berlin, 1 vol. ln-8. ATLAS ET CARTES. Carte de France au 1/80000®. publiée par le DépAt de la Guerre, 24" livraison, n^"* 176, 184, 218, 242, 244 et 245 : Monislrol, Au- rtllac, Hontauban, Pamiers, Narboone et Marseillan. Dépôt de la Guerre. Hémisphères terrestres septentrional et méridional dressés d*après les documents les plus récents, par P. J. Jager. 2 feuilles. M. P.-J. Jager. Europe en 1789, dressée par A. H. Dafour. Paris, 1861, 1 feuille av6f texte. — Empire d'Aletanriek, Notes on the Andamans. — A, W, Stiffè, A y lait to the but Springa of Boaher, near Muscat. — G. Birâwood, la the Habaiah of Bmce the aource of theWhlle Nile? •^ H. Speke, On the Commerce of Central Africa. — Sain lin Httbeébjtin Arab inhabitant of Zanzibar. Narrative (of A fHcainteriof). NoUzhlatt des Vereins fiir Erdkunde zu Darmstadt, herausgegeben von L. Ewald. Neu Folge, Band 1. N»* 1-20, mai 1857-mai 1858; n" 21-40, Janv. 1859 à févr. 1860. Transactions of the Royal Society of Edinburgh. vol. XXII» part 2) 1859-60. Edinb. 1860, in-4''. 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Duveyrier, Notes sur la régence de Tripoli. — Développement de la fabrication du sucre colonial. — ÉUe de la Primaudaie, Le commerce et la navigation de l'Algérie avant la conquête française (/In). — Commerce de la France avec l'Algérie. Revue rétrospective de 1831 à 1859. — /. DutMiI, Les colonies et l'Algérie an concours général et national d'agriculture de Paris, en 1860. Rapport du jury spécial. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE. AVRIL 1861. Mémoires 9 Motlces^ etc. LA RIVIÈRE PARAGUAY, DEPUIS ES SOURCES JUSQu'a SON EMBOUCHURE DAMS LE PARANA, (1851 à 1856) Par le docteur Amédée MOURE. La rivière Paraguay prend naissance dans un terrain élevé et marécageux, par les parallèles de 14"* latitude sud et 59^ 20'longitude, méridien de Paris, à 130 kilo- mètres nord-est-est de la ville de Cuyabâ, dans un es- pace d'environ 2 kilomètres, où se voient sept petites lagunes fort rapprochées les unes des autres. Le ruisseau, formé des sept petits embranchements sortis des lagunes, court comme eux dans la direction générale nord. Après un parcours de 6 kilomètres, il reçoit, sur sa rive droite, son premier affluent, leribeiron Negro ou le Quilombo, selon d'autres, et bientôt après TAmolar. A cet endroit, la rivière Paraguay s'écarte brusque- ment de la montagne Morro-^Fermelho ; ainsi se nomme 1. AVRIL. 1. 17 ( 260 ) a face septentrionale du terrain élevé où existent les sept lagunes et les premiers affluents dont nous venons de parler. Alors la rivière court vers l'ouest et ensuite vers le sud. Ayant ainsi parcouru 8 à 9 kilomètres, la rivière Paraguay reçoit sur sa rive droite le ruisseau Diaman- tino, sur les rives duquel se trouve, à 6 kilomètres plus bas, la ville de deN S" Gonceicâo do alto Paraguay Diamantino, à l'endroit de la jonction du ruisseau de Ouro, par les 14° 10'. La dénomination de ces petites rivières indigue la richesse minérale des terrains qu'elles arrosent. C'est encore cette richesse qui fit fonder, à une époque assez reculée, la villa Diamantino et plusieurs autres bourgs. Néanmoins disons, en passant, que, malgré cette cir- constance, malgré même la proximité du port du rio Arinos^ par lequel s'effectue la navigation de la pro- vince de Mato-Grosso avec l'Amazone et le Para, cette villa est en grande décadence. Les bourgs qui cou- vraient jadis le district ont disparu. A 8 kilomètres au-dessous de la jonction du Dia- mantino, existe, sur la rive gauche de la rivière Para- guay, le bourg de Borîtisal. De ce point, le cours général suit la direction sud-ouest ; à une distance de S5 à 40 kilomètres apparaissent les Tres-Bocas^ lieu ainsi désigné parce qu'il y a sur la gauche, l'embou- chure du ruisseau des Brumados d'un volume peu considérable; et sur la droite, l'affluent le plus impor- tant de Santa- Anna. * Cette dernière rivière apporte le contingent de plu- sieurs petites rivières qui lui arrivent des versants sud d'où part le Sumidouro, affluent de l' Arinos et ensuite 1(261 ) de l'Amazone y ce qui fait naître presque du même point les deux plus grands fleuves de T Amérique du Sud, l'un coulant au nord et l'autre au sud. La rivière Santa- Anna, déjà forte par son volume d'eau, est encore arrêtée par plusieurs cascades d'où elle se précipite en torrent. Ses rives sont élevées, de formation tertiaire et d'alluvion très propre à toute sorte de culture. L'îpécacuanha s'y trouve partout sans culture, en grande abondance, et fait l'objet de nom- breuses recherches commerciales. C'est sur la rivière Santa- Anna, à une distance de 18 à 20 kilomètres de sa jonction dans le Paraguay, qu'on rencontre une île renommée par la quantité de diamants qu'on y trouve, mais dont l'extraction néces- siterait des travaux d'art autres que ceux qui ont été entrepris j usqu' à ce j our . Cependant, en 1853, une compagnie de minération s'est formée à Rio de Janeiro pour l'exploitation de ces parages. Elle a bientôt obtenu de fort beaux résultats, bien qu'il lui ait fallu deux années pour dévier le cours de la rivière. A partir des Tres-Bocas^ la navigation de la rivière Paraguay s'améliore, quoiqu'elle soit, par intervalles, obstruée par des cascades et des récifs pierreux. 20 kilomètres au-dessous de Tres-Bocas et sur la rive gauche, arrive la petite rivière d'Antonio Gomez. 10 kilomètres plus bas se trouve le détroit des Bugres^ dont un énorme banc de pierres rend le passage dan- gereux. Toujours sur la même rive, la rivière de Pari vient lui fournir le tribut de ses eaux, à 12 ou 15 kilo- mètres plus bas. I ( Sè2 ) Puis, dans un parcours extrêmement tortueux de 50 à 60 kilomètres, la rivière Paraguay ne reçoit au- cun tributaire et ne présente pas la moindre cascade ; mais alors, sur sa rive gauche, elle reçoit les eaux : 1*" du Jauguaric, qui lui-même est facilement navigable pour les canots du pays; 2*" à 12 kilomètres plus bas, sur la rive droite, une petite rivière également navigable en canots et que quelques-uns appellent rio Branco, et que d'autres désignent sous les noms de rio des Bu- gres, des Barbados, ou de Tapirapoam. C'est vers les sources de cette dernière rivière qu'on rencontre l'aldéa principale des Indiens Barbados, dont le nombre dépasse mille. Ils se nourrissent des pro- duits de la chasse, de la pêche et des fruits sauvages qui abondent dans le pays, ainsi que le maïs, la man- dioque, la batate, le haricot et autres légumes qu'ils cultivent avec des instruments de bois ou de silex. Ces Indiens vivent en bonne intelligence avec les autres peuplades indigènes fort nombreuses qui les environnent. Bien qu'à proximité des populations brésiliennes, jamais ils n'ont voulu établir de relations avec elles. Ils conservent une grande rancune contre tous les civilisés et surtout contre les Portugais ou les Brési- liens, qu'ils confondent dans leur commune aversion. Parfois il leur arrive de faire des incursions jusque sur la rivière Paraguay, et alors ils ne manquent pas d'at- taquer les canots qui vont de villa Diamantino à villa Maria, et ces sorties seraient encore plus fréquentes sans l'effroi que leur inspirent les armes à feu. Au-dessous de la joncûon de la rivière Tapirapoam, ( 26S ) à une distance de 16 kilomètres, arrivent sur la rive droite les eaux d'une petite rivière à laquelle on a aussi donné plusieurs dénominations comme celles de rio Preto, rio Branco, rio Vermelho, rio Verde, rio For- quilho et rio Pirahy. A 8 kilomètres au delà on rencontre le lieu appelé Pissaron ou ardoisière, qui forme sur la rive droite de la rivière Paraguay une sorte de muraille calcaire, en face de laquelle se trouve une baie très dangereuse à traverser à cause des pierres qui l'obstruent. Après avoir descendu 8 à 9 kilomètres, on arrive à rentrée de la baie Onca^Magra qui s'ouvre sur la rive droite. Il est bon d'observer d'une manière générale qu'on donne le nom de baie à des bas fonds par où s'égouttent les eaux des terrains voisins et d'où elles s'échappent. La baie actuelle est longue et étroite, ses eaux arri- vent dans la rivière Paraguay vers le même point où affluent plusieurs petites rivières formées par les eaux d'écoulement des inondations. C'est à 20 kilomètres plus bas que s'ouvre, rive droite, l'entrée de la baie Uachù ou Ichû, dont les bords sont très riches en ipécacuanha. A 10 kilomètres plus loin, la rivière Paraguay coule entre les montagnes das Pedras ; enfin, à 1 A kilomètres au-dessous par les lô"" ô A' latitude sud, débouche, sur la rive droite, l'importante rivière Sepotuba, navigable par canots pendant 130 kilomètres, et presque l'égale en volume d'eau au rio Paraguay. Mais, pendant que son courant très rapide rend la descente très facile, la navigation pour la remonter est extrêmement pénible {26* ) jusqu'à 0a partie supérieure, où il est ralenti par de nombreuses et très périlleuses cascades. La Sepotuba et ses nombreux aflBuents, surtout la Juba et la Jerobaùba, traversent de riches terrains au*- rifères et abondants en ipécacuanha. En 17i6, le sergent Mor Joâo de Souza e Azeyedo remonta la Sepotuba jusqu'à ses sources, et, de là, portant par terre ses canots en un espace de 12 kilomè- tres, il les lança dans la rivière Sumidouro, descendit dans la rivière Arinos et, par celle de Tapajoz, arriva dans l'Amazone et atteignit jusqu'à Para. Je ne sache pas que, depuis lors, cette navigation par trop aventu- reuse ait été tentée de nouveau. Actuellement la Sepotuba est très fréquentée, prin- cipalement dans sa partie inférieure, pour le transport des riches bois de construction qui se trouvent abon* damment sur ses rives, et de l'ipécacuanha qui y croît spontanément. Les terrains que baigne la Sepotuba, sur ses deux rives, sont très fertiles, et quelques petits essais de culture de céréales y ont donné les plus beaux résul- tats; essais qui font regretter que ces parages, aban- donnés à l'instinct et à l'insouciance des indigènes, ne soient pas l'objet d'exploitations agricoles. Cette terre précieuse serait un centre délicieux et merveilleusement productif pour une colonisation industrielle et agricole, car l'élève du bétail y serait aisé et ses forêts vierges pourraient fournir les bois les plus riches au point de vue des constructions, de l'ébénisterieet du commerce. Entre la rivière Jauguarâ et la Sepotuba j'ai remar- qué beaucoup de petites rivières ; ainsi, sur la rive ( 266 ) gauche, 1^ Tres-Ribeirons, la Salobra, la Caioeirinha, FAnhumas, la Taquaral, las Pedras ; toutes les eaux de la rive gauche, en y comprenant plus tard celles de la Jacobina^ sont salubres, calcaires, ferrugineuses. Les terrains qui bordent la rive gauche de la rivière Paraguay sont élevés, montagneux» et d'un sol ferme où croit une abondante végétation. La rive droite n'est pas aussi uniformément boisée, car entre les montagnes existent des espaces fermes où apparaissent à côté de sombres forêts, certains maré- cages où brille la vanille, et certains autres, vrais marais pleins d'herbages, qui rendent souvent ces contrées insalubres. Quand la main de T homme aura assaini ces grandes plaines par des irrigations, ce sol sera un des plus riches de Tunivers. Le point de jonction de la Sepotuba avec le Para* guay est bas et constamment inondé, de sorte que le fleuve principal semble s'y ramifier en quatre branches d'un volume d'eau égal, A l'époque où je visitai ces deux rivières pour la première fois, c'était en 1851, les eaux étaient un peu hautes et à la distance d'un quart de mille, la profon- deur et la largeur de Tune et de l'autre me donnèrent les résultats suivants : Paraguay : largeur, 38 brasses ou 76 mMres. — profondeur, 15, 15, 15, 21, 24 et 15 palmM, ou 3, 3» 3, 4 1/5, et 3 mètres. Sepotuba : Urgenr, 45 brasses ou 90 mètres. — profondeur, 15, 16, 18, 20,21 et 15 palmes, ou 3, 3, 1/5, 3 3/5, 4, 4 1/5 et 3 mètres. La vitesse du courant de Tune et Tautre rivière était i!m mille pio* beure. ( 266 ) A partir de cette jonction, la Cordillère qui longe la partie Est de la rivière Paraguay s'en approche telle- ment qu'elle sert de rive à son lit jusqu'à l'embouchure du Jauni, tandis que les endroits où cette Cordillère est plus éloignée, le terrain en grande partie est encore assez élevé pour braver les plus fortes inondations. Dans certains endroits, au contraire, le sol est bas et la moindre crue s'en empare et le recouvre. La rive droite est plus sujette aux inondations. A partir de la jonction delà Sepotuba, la rivière Pa- raguay court sud-sud-est. A lOkiloihètres de cette jonc- tion on rencontre, sur la rive droite, le Barranco^Alto^ point élevé que les plus hautes crues n'ont pu at- teindre. A 6 kilomètres au-dessous, se voit, rive gauche, la bouche étroite et souvent obstruée d'une baie très large, dans laquelle se jette la petite rivière des Para- putangos qui envoie un bras sur la même rive, par lequel les eaux reviennent ensuite dans la rivière après avoir parcouru un certain nombre de tours et détours entre le sud et l' est-sud-est. La rivière Cabaçal, 5 kilomètres au-dessous, s'unit à la rivière Paraguay par sa rive droite, par les 15** b&. Cette rivière Cabaçal lors de son point de jonction a une largeur de 30 brasses ou 60 mètres; elle est navigable en canots, dans une étendue de 60 kilomètres, sans présenter d'autre obstacle que la force de son courant. Elle coule rapidement en serpentant au milieu de ri- ches forêts vierges, qui sont entrecoupées de champs où les arbres sont remplacés par de riches pâturages. Cette rivière est très fréquentée par les indigènes qui y fabriquent des canots du tronc d'un seul arbre, (267) et par leâ Brésilieiis qui y recueillent Tipécacuaûba^ Plusieurs petites rivières se déversent dans le Gaba* çal, entre autres le rio Branco, dont le courant est très rapide. La rivière Gabaçal, à sa partie supérieure, est obstruée par de nombreuses cascades et de hauts-fonds pierreux qui arrêtent la navigation. Son lit, les terrains environnants sont aurifères. Vers les sources de cette rivière vivait, il y a à peine quelques années, à l'état primitif, un groupe d'Indiens appelés Gabaçals, méchants, vindicatifs, anthropo- phages. Ils désolaient de leurs brigandages la contrée et surtout les chemins qui vont vers la Gahissara et la Bolivie, et les voisinages du Jaurû. Us volaient et tuaient les gens qu'ils pouvaient surprendre, les voya- geurs qui s'aventuraient dans ces parages pour leur commerce avec la Bolivie, pour la recherche de l'or, du diamant ou de l'ipécacuanha. Maintes fois ces fé- roces Indiens poussèrent leurs incursions contre les bandeiras portugaises ou brésiliennes, en empiétant dans l'intérieur du pays. Souvent vaincus, mais jamais détruits, ils étaient justement redoutés. En 18â2 seuleriient, un respectable prêtre, curé de la ville dé Mato-Grosso, le père José da Silva Fraga, se donna la mission de les ramener à la civilisation et au catholicisme. Armé de la foi évangélique, il alla vivre parmi eux. Par sa patience et ses prédications il est parvenu à les évangéliser en grande partie ; nous avons vu sur les lieux son œuvre couronné de succès. Ils sont aujourd'hui groupés en aldéa, près du Jaurû, où ils forment une importante et laborieuse colonie. A 10 kilomètres au-dessous de l'embouchure de la ( 258 ) rivière Cabaçal, sur une élévation » rive gauche du rio Paraguay, à Tendroit où cette rivière forme un coude susceptible de devenir un excellent port, est située la jolie cité de Villa-Maria, par les 16<* 3' latitude sud où elle fut fondée en 1776 par le capitaine-général, gouverneur de la province de Mato-Grosso, dom Luiz de Albuquerque. Son site est magnifique et salubre, son climat deux et agréable, son sol fertile, et la navigation à vapeur qui vient de s'établir entre ce point et la Plata, a dû développer les avantages de sa position topographique et lui ouvrir un magnifique avenir commercial. Villa^^Maria, en effet, entrepôt du commerce bolivien et européen, ne saurait manquer d'être bientôt l'objet d'un transit considérable et d'un développement grand agricole et industriel, grâce à sa richesse et à aa beauté territoriale, En face de Villa-Maria, la profondeur de la rivière atteint 30 palmes ou 0 mètres , ce qui permet aux ca^ nots de s'approcher très près du point élevé sur lequel la ville est bâtie. Néanmoins il est prudent, quand on jette l'ancre près du bord, de prendre garde aux ébou- lements de terre qui pourraient engloutir l'embarca- tion. Le meilleur endroit pour stationner est l'extrémité supérieure du contour que forme la rivière avec la bouche d'un sangradouro» Le nombre des habitants brésiliens de ce di3trict, en exceptant les indigènes qui sont dix fois plus nom- breux, est actuellement de 2,000 h, peine, et le district pourrait aisément enrichir une population de 200,000 âmes sans qtt*U soit besoin de refouler les indigènes ( S&9 ) qui sont de bons colons et que les Européens ou les Brésiliens doivent employer de préférence, dans le propre intérêt de leur fortune. Les Brésiliens qui habitent cet immense district» vivent hors des murs de Villa-Maria, sur des habita-» tions ou fermes, s'adonnant exclusivemeni; à Télëve du bétail qui est très nombreux. Mais ils délaissent à tort la culture du sol, et se bornent à planter, pour lewr usage personnel, la mandioque, le maïs, la batate, le haricot. Le bétail y est à très bas prix. Bien que le sol soit abondant en cuivre, en fer et en minerais de toutes sortes, les habitants ne peuvent se livrer qu'exclusivement à ce travail qui, du reste, ré^ dame des forces autres que celles dont ils disposent et des moyens de transports qui viennent seulement de leur être donnés en 1860* La récolte qu'ils font de Tipé- cacuanha se calcule annuellement sur le chiffre de 8«000àl0,000 kilogr ammes, qui figurent sur les mar- chés de Villa-Maria, et qui font partie des 30,000 kilo- grammes que la province exporte chaque année. La cité de Villa-Maria figure un rectangle irrégulier formant une place autour de laquelle sont bâties les maisons à un étage, pour la plupart isolées et séparées par de^ jardins ; quelques rues latérales et perpendi- culaires au cours de la rivière présentent un ensemble qui ne manque pas d'agrément, malgré que les maisons soient de mesquine apparence, sans en excepter l'église paroissiale et las casernes qui n'ont rien de menu- niental ni de remarquable. £n 18A6, le gouvernement a augmenté le détaohe- laent de cavalerie de cetto y'ûk qui est,* depuii lors. (SdO) le quartier-général des forces frontières de la Bolivie. En somme, ViUa-llaria était, avant l'établissement de la navigation à vapeur dont j'ai parlé, une ville admirablement située, et qui, faute d'babitants, me parut privée d'activité. Maintenant que les conditions qui faisaient son isolement sont améliorées, je crois bien qu'elle a changé d'aspect et qu'elle a pris un peu de cette animation,* résultat de son commerce actuel. A 3 kilomètres au-dessous de Villa-Maria, la rivière Paraguay se divise en deux bras formant une lie de 6 kilomètres de long. Sur celui de droite, le plus étroit et le plus sinueux, arrivent les eaux de la rivière Ga- bissara, dont le cours est à peine de à kilomètres. C'est là que fut établie, à une autre époque, la fazenda nationale de Yilla-Maria pour l'élève du bétail. Cette propriété avait alors une grande importance par le nombre d'animaux qu'on y élevait ; mais aujourd'hui on n'y compte guère que quelques centaines de tètes appartenant à l'État. La réunion des deux bras s'effectue à 2 kilomètres plus bas. La navigation se fait ordinairement par le cours gauche, car il est moins long et moins pénible que l'autre. A 3 kilomètres au-dessous de cette jonction , on trouve, sur la rive gauche, le beau pays désigné sous le nom de Gampina. Ce terrain, de formation ter- tiaire et de riche alluvion, est moins élevé que celui de Yilla-Maria, néanmoins il n'est jamais assujetti aux inondations. On aperçoit, dans ces parages, quelques maisons isolées et de rares habitants, et il n'y a pas de doute ( ^^ ) pour nous que le commerce, Tagricullure et Tindustrié de ces contrées s'y développeraient grandement avec l'établissement d'une ville centrale. Elle serait, par son heureuse situation, l'entrepôt entre l'Europe, ce pays et la Bolivie. De ce point, la rivière décrit diverses sinuosités au milieu de terrains bas et couverts pendant deux ou trois mois de l'année par les inondations. On y ren- contre l'ouverture de plusieurs baies d'écoulement, dont la plus importante, située à 8 kilomètres de l'ex- trémité de Campina sur la rive gauche , porte le nom de Retîro, et, à 1 kilomètre plus bas, toujours même rive gauche, la petite rivière Façon. De ce point dans un parcours de 6 kilomètres, cette rive est bordée par un terrain plus élevé que celui de Campina, principalement à l'endroit désigné sous le nom de Passagem velho (passage vieux), où l'on voit quelques habitations. A 2 kilomètres de la dernière cabane établie sur ce joli paysage, la rivière Paraguay lance une partie de ses eaux déjà puissantes, par un canal naturel de près de 3 kilomètres de longueur, et par lequel passe la navigation, afin d'éviter le long circuit que forme, sur la gauche, le lit principal. A 3 kilomètres au-dessous de la jonction de ce canal dans son lit naturel, se remarque, sur la rive droite, la baie Alegre ; puis, à 1 kilomètre plus bas, l'extré- mité supérieure d'une lie qui, entre deux bras dissem- blables, mesure 2 kilomètres de longueur. C'est un peu au-dessous de la pointe inférieure de cette lie que se voit sur la rive gauche la baie par (202) laquelle la rivière Jacobina vient apporter ses «aux à l'artère principale et à 2 kilomètres au-dessous, sur le côté droit, arrive une rivière asse:2 considérable qui porte le nom de Sangradouro que lui donna le père Ignacio. A partir de cet endroit, la rivière Paraguay devient extrêmement sinueuse pendant un parcours de 5 à 6 kilomètres, jusqu'à la montagne de Simon Nunez, qui, sur la gauche, vient maîtriser son cours et le con- tenir dans ses sinuosités. A à kilomètres plus bas, une autre montagne plus petite forme un jalon d'alignement pour les eaux du rio Paraguay, qui, à 1 kilomètre de là, reçoivent, sur la rive droite ou Occidentale» l'affluent important de la jolie et puissante rivière du Juarù par les 16° 23' lat. S. Cette dernière rivière n'a pas moins de &0 brasses ou 80 mètres de largeur à son embouchure. Nous avons remonté la jolie rivière du Jaurù à une distance de 30 kilomètres jusqu'au poste brésilien appelé das Onças (des tigres), sans trouver d'autres difficultés que : l°le peu de fond pour les embarcations plus fortes que les grands canots du pays, et 2"" le nombre de gros arbres tombés qui barrent le passage ou embarrassent par leurs branchages la navigation* La rivière Jaurù a son origine dans les plaines des Parecis par les ibf A2' lat. S. Ces plaines terminent la chaîne de montagnes de même nom. La rivière suit la dhrection S. et vers les ib'' A 5', elle est traversée par la route de Cuyabà à Mato^Grosso et à la frontière de Bolivie* C'est à ce point de section qu'est placé le registre ou ancienne douane du Jaurù. i ( 263 ) A 16 kilomètres plus loin le Jâurù reçoit sur la rive droite les eaux de la petite rivière Agoapehy qui des- cend des montagnes du même nom. Enfin , après un cours de 150 kilomètres» le Jaurû verse ses eaux dans le rio Paraguay par les 16''23'. Un peu au-dessous de cette embouchure, on ren- contre au sein des eaux du Paraguay une île qui a 1 kilomètre de long sur 500 mètres de large. C'est vers Tembouchure du Jaurû à 1 kilomètre sur la rive droite, que fut placée en 1764, en vertu du traité de 1750, une pierre monumentale limitrophe entre le Brésil et la Bolivie, ou plutôt entre le Portu- gal et l'Espagne. Depuis l'embouchure du Jaurù jusqu'à l'Escalvado, la rivière Paraguay suit la direction sud, en inclinant sud-est par de petites sinuosités. Elle est large, mais peu profonde et entrecoupée d'îlots nombreux, debancs de sable et de blocs pierreux ; nous avons mentionné ces écueils dans notre carte. Le sol de la rive gauche du Paraguay est alors mon- tagneux, entrecoupé de bas-fonds ou de plaines de peu d'étendue^ et il se termine en différents endroits par une élévation verticale qui porte le nom de barranco vermelho à cause de la couleur du terrain. La rive droite, au contraire, aussi loin que la vue peut s'étendre, est plane, horizontale. A peine si dans le lomtain on peut y remarquer quelques légères on- dulations du sol. Cependant nous devons dire que tout ce pays est assez élevé pour être à l'abri des inondations, quelle que soit leur intensité. ( 284 ) A lÔ kilomètres du Marco du Jauni, la rivière Para- guay est bordée, rive droite, par une montagne de moyenne élévaUoD, le Morro pelado. Cette montagne est la pointe culminante nord d'une série de collines ou de rideaux montagneux qui courent en s' abaissant jusqu'au bord de la rivière. 2 kilomètres au-deasous par les 16' iO' lat. S, existe l'endroit désigné sous le nom Escahado, parce que cette montagne, presque exclusivement calaùre, est dégarnie de toute terre de végétation. Ces collines nombreuses constituent l'extrémité sud de la petite Cordillère qui garnit la rive gauche de la rivière Paraguay. On a voulu à une autre époque ériger une forteresse en ce point, il n'en reste plus aujourd'hui que quel- ques fondements mal achevés. Près de là, est l'ouverture de la bwe dite des Boro- ros, de h kilomètres de longueur est-nord-est, où les Indiens Bororos de la campagne qui ont leur aldéa à 5 kilomètres dans l'intérieur, ont coutume de venir construire leurs canots à l'aide du feu seul. Les Indiens Bororos de la campagne au nombre de 2 à 3000, sont doux et pacifiques. Ils vivent de la chasse, de la pêche et trafiquent des produits de la culture de maïs, de mandioque, de coton, etc., dont ils conser- vent une partie pour leur entretien, et vendent le reste à la ville. Us s'adonnent fort peu à l'élève des bestiaux. Ils ■ sont très habiles à tresser des hamacs avec le coton qu'ils ont filé. Ils se mettent volontiers en rapport avec les habitants du voisinage. Plusieurs connaissent la ilienne ou portugaise, qu'ils parlent dans xe avec les nationaux auxquels ils rendent ( 265 ) de très grands services, sans qu'on ait songé à en tirer tout le parti qu'ils sont susceptibles de rendre. Non loin de là , et sur le territoire bolivien , on trouve une autre aldéa fort nombreuse de la même na*- tion Bororos» au lieu appelé Formoso ou Hermoso, d'où ils ont chassé les Brésiliens qui en furent les premiers occupants. En 18i6, le gouvernement de la province de Mato-Grosso établit près du Formoso un poste mili- taire qui existe encore, sous le nom de Gorija, qui a remplacé la désignation primitive de Escalvado pour qu'on ne confondit pas deux points essentiellement distincts, éloignés de 10 kilomètres et situés sur des rives opposées. A 1 kilomètre de Formoso, dans la direction nord- ést, une colline assez élevée longe la rivière. Si Ton monte à son sommet, on aperçoit au nord le rideau de collines qui s'étend le long du Paraguay à l'ouest- Dord-ouest depuis Escalvado jusqu'à» Morro-Alegre est-nord* est, montagne située a 3 kilomètres du fleuve. Du haut de cette montagne, en suivant la direction est-nord-est, on voit se dérouler an terrain montagneux, faisant face à la chaîne dont nous venons de parler. Dans la direction sud apparaissent au loin les montai gnes de Insua et de la Gaïba. Le reste du pays est plat, et aussi loin quel a vue peut s'étendre, on ne distingue aucune éminence, aussi bien dans la direction du sud-est que dans celle du sud- ouest. Cette vaste plaine qui s'étend vers T ouest à plusieurs kilomètres jusqu'aux confins delà Bolivie, présente une étendue plus considérable encore, vers Test, où I. AYBU.. 2 ^ 19 ( 266 ) «Ue se porte jusque par delà les pUdues qui bordent la rivière Saa-Loureuço dans une superficie de plus^de 200 Iddomètres, recouverte par rinondation périodique de l'année. Ces crues déterminent le débordement du Paraguay et de tous ses affluents y compris le rio San*^ Lourenço et son principal tributaire, le rio Cuyaba. C'est à cause de ces inondations que ces parages furent très improprement désignés sous le nom de lac Xereys que lui donna A2ara4 nom qui est tiré de celui d'une nation d'Indiens qui existèrent jadis dans le voi« sinage est, mais qui a complètement disparu aujour-^ d'buL L'expression de lacconservée par les géographes, qui se sont copiés les uns les autres, ne lui appartient donc pas. C'est comme si l'on appelait du nom de lac les terres qui sont inondées par le Nil. La contrée dont je parle présente en effet à l'époque des grands débordements, l'aspect d'un immense lac parsemé de nombreux bancs de terre et d'îles couverts de bouqta^ts d'arbres et de fleurs^ et de massifs de verdures qui surnagent sur cette immense nappe d'eau. Cette végétation terrestre est un témoignage ioertain que la présence des eaux n'y est qu'acci- dentelle et seulement le résultat du dâ)ordement des rivièrest Ce débordement des eaux sur les terres voisines di- minue la vitesse du courant principal; et souvent il est fort difficile au moment de la pleine itioûdatioâ de distinguer l'endroit où passe le lit principal de la 11- f iëre< Cela devient quelquefois d'autant pins impos- iible que ee lit lui-^mème s'obstrue de sable et ûbange 4le place» souvent à grande distanoe« De sorMqtlè )è lit delaririëre, cette année, peut n'être plus celui de Tan* née précédente. Des îles flottantes avec de grands ar- bres qui voyagent tout debout ou tombés, des masses de plantes aquatiques, surtout les agoapés, forment un remarquable assemblage qui suffit pour changer le lit de la rivière. Les commissaires de la démarcation des limites rap- portent qu'en 1787, l'inondation de chacun de ces parages n'avait pas moins de 2 brasses ou h mètres de fond, et ils pensent que, même dans les plus grandes ' sécheresses, les eaux atteignaient encore 5 ou 6 palmes, 1 à 1 mètre l/ô. Leur appréciation pouvait être exacte pour l'époque des inondations, mais elle est assurément erronée pour la période de l'année, environ six mois, où le pays est complètement à sec et couvert partout d'une luxuriante végétation ; je note même que le manque d'eau s'y fait souvent sentir. n est survenu plusieurs fois, à la vérité, des inonda- tions si répétées, que les eaux ne pouvaient avoir dans l'année leur écoulement ordinaire, mais ces cas sont rares, et une seule fais lious en avons été témoins. Les ecHnmissalres de 1786 ont donc pu se tromper, en pre- tiant cette étendue de pays pour un lac. Gepeddaût, les renseignements recueillis et la présence de la végé- tetian terrestre que j'ai signalée, tous ces indices au- raient dû changer leur appréciation, et leur démotitrér Terreur dans laquelle ils sont tombés inconsidéré^ ment. Ce phénomène d'une inondation pour ainsi dire permanente qui^ en 1786^ dévoya les commissaires de âémafeslita, s'est renouvelé en 183S et en 1861, et ( 268 ) coaime on voit, il est accidentel, comme tous les phé- nomènes consécutifs. D'ordinaire Félévation ne dépasse pas S mètres, et très souvent même elle n'atteint pas cette hau- teur. Il y a des années où la rivière sort à peine de son lit et couvre seulement les parties basses du voi- sinage. Pour être exact, il convient d'ajouter que, en pleine saison sèche, on rencontre dans les bas-fonds des la- gunes, des baies d'écoulement où l'eau est stagnante, communiquant de l'une à l'autre ou avec la rivière, par des ruisseaux qu'on désigne sous le nom de corijas. Ces ruisseaux servent en quelque sorte de canaux d'é- coulement des eaux, qui suintent des marais et se dé- versent dans la rivière. Parfois ces canaux disparaissent sous le sol> tandis que d'autres fois ils ont une largeur considérable. Les bords de la rivière, souvent coupés par les ou- vertures de baies d'écoulement, ont de2 à & mètres d'élévation, tandis que, dans quelques endroits, ces rives se nivellent pour ainsi dire avec l'eau de la ri- vière ; d'autres fois, les bandes de terres élevées qui retiennent une partie de l'eau dans son lit naturel, n'ont que quelques mètres de largeur, formant tle, se continuent ainsi durant plusieurs kilomètres, avant de se déprimer totalement, pour faire place aux ter- rains bas et marécageux. La végétation de ces terrains bas est très riche en divers genres de graminées ; ainsi le riz y pousse vite et très bien ; il donne d'immenses résultats. 11 y a, en outre, de temps en temps, des forêts d'arlH^s ( 209 ) I, parmi lesquels apparaissent souvent de très palmiers. ^kilomètres au-dessous du Formoso, la rivière quitte son lit principal, se divise pour former une pei« île, qui, par l'aspect qu'elle présente, a reçu lé nom oHnois bouches, Très boccas, nom qui se répète souvent. AUt principal court vers la droite, et en le descendant^p rencontre à 7 kilomètres, quatre bas- fonds de saA. mesurant en temps de sécheresse 0,60 centimèiB à peine. A une distanm de 11' kilomètres, se voit sur la rive gauche une rivil^très étroite, rio Fur ado, navigable canots du pays. 1- dessous de l'embouchure de cette sur la même rive gauche l'autre ^ons vue se détacher de la rivière ^mètres au-dessous de cette jonc- ide branche généralement étroite *ofonde, qui, à 20 kilomètres de sa lUe-mème en deux autres branches, }e réunissent au lit principal, après ilomètres ; la rivière forme par con- toutes les deux basses, unies, sujettes largeur moyenne de l'une et l'autre est de 3 kilomètres. La première a le long dans la direction est-sud-est, ^6 kilomètres dans le sens sud-sud-est. ^s commissaires des limites ne font aucune assez avant pour A 8 kilomètres dernière, débouché portion que nous principale, et à 9 tion existe une secj et relativement trè^ formation, sedivis] qui l'une et l'auti un parcours de séquent deux 11( à l'inondation, de ces deux 13 kUomètr^ et la secoi Azara mention^vces lies, qui étaient probablement entière- ment c^Vertes d'eau etfaisaient, sans doute» partie de leur ^Rendu lac, quand ils passèrent pat* là. Méan- moinsf ils disent que 60 kilomètres au«deseouB de iih calvado, ils passèrent par une voie qui leur permit de rentrer dans la rivière par la rive gauche , à laquelle ils donnent le nom de rio novo et qu'ils font figurer sur leur, carte. Nous sonmies porté à croire, par des preuves posi-» tives, que la rivière dont parle Asara n'est autre que le rameau inférieur du bras oriental dont nous venons de parler et qui sépare une lie de l'autre* Notre asser* tion ne détruit pas complètement celle d'Azara, mais elle la modifie considérablement» d'autant plus qu'au- dessus de la bifui*cation du même bras oriental on entre par la rive gauche, dans un lac, dans de nom- breuses baies d'écoulement et dans des terrains maré- cageux coupés de nombreuses petites rivières, qui nais* sent de la partie de la chaîne de montagnes que nous avons déjà mentionnées. A 3 kilomètres au-dessous de la seconde île, se ren* contre sur la rive gauche de la rivière Paraguay une élévation de peu d'extension, bien que les plus hautes inondations ne puissent l'atteindre. Ce lieu pa s'étendre dans la érection nord-ouest à une distance si considérable qu'on croit que ce lac n'a pas de limites. En effet, étant ( 279 ) limité dans cette direction par des terrains bas, planes, couverts de riz et autres graminées, la couleur et le peu d'élévation de ces plantes ne laisse pas distinguer la ligne de démarcation entre le lac et le sol. On aper- çoit un horizon uni et si étendu qu'on croit voir une mer sans fin, entrecoupée à peine par quelques îles, qui sont les bouquets d*arbres existant sur la terre ferme. L'illusion est aussi grande et aussi complète que pos- sible ; néanmoins elle ne tarde pas à disparaître après quelques kilomètres de navigation vers cette direction nord-ouest, car alors on distingue les arborescences, qui, de toute part, entourent Teau claire du lac : nous avons tracé cette démarcation sur notre carte. Je ne crois pas hors de propos de transcrire ici l'ex- trait du rapport adressé à M. le Ministre de l'instruc- tion publique en France, par M. le comte de Gastelnau, lorsqu'il visita ces parages en 18â6. « Dans l'après-midi, nous arrivâmes tout à coup à l'entrée du grand lac Uberaba. Rien ne peut décrire la magnificence du pays qui se déroule devant nos yeux* La riche végétation qui couvre les rives inondées de la rivière cesse tout à coup, et une vaste mer sans fin apparaît à notre vue. Une île inunense se montre de- vant nous, mais derrière elle, on ne voit plus rien qu'un immense océan dont ^horizon se perd dans le bleu azuré des cieux. » M. Leverger fait observer avec raison que cette lie supposée n'est autre chose qu'une illusion d'optique ; car ce n'est en effet ici qu'un bouquet d'arbres existant sur la terre ferme, et qui de loin semble sortir du sein de l'eau* ( 280 ) ■ Contre mon gré, continue M. deCasteInau, oenob- atant meq prières et mes menaces, les Indiens refusè- rent obstinément de nous servir de guide au travers du lac, qui, dissent-ils, n'avait pas de limites. Car l'und'eiiz l'avait navigué plus de trois jours^ et n'était pfts parvenu à en apercevoir l'extrémité, ce qui leur fait supposer que ce lac a au moins 100 ou 120 kilo- mètres d'étendue. » F là été plus heureux, car j'ù pu obtenir des Guatos qui habitent ces parages, que plusieurs d'entre eux m'accompagnassent pour l'excursion et le lever dn plan que j'ai fait de ce lac en 1852, « La direction de cette grande masse d'eau, -a|oiite H. de Castelnau, est vers l'ouest; les Indiens la crai- gnent beaucoup et avec d'autant plus de raison, selon eux, que c'est par U que se manifestent les horribles tempêtes, qui, fréquemment, agitent ces parages et auxquelles ils donnent le nom de torriguibaco. a Les commissaires des démarcations de limites eza> minèrent ce lac en 1786 ; ils lui donnèrent une forme presque circulaire, en lui assignant une (ùrconférraice de 8 kilomètres. Je ne doute pas qu'on ne puisse naviguer dtes l'é- tendue que lui ont assignée les ctHumissûres, surtout quand il y a une aussi grande crue comme l'année oli ils visitèrent ces contrées, dont tous les terrùns inoD- ■*'" '*"'int couverts de 2 mètres d'eau au moins. noins, les mêmes ccHomissûres rapportent qoe navigation qu'ils firent du nord à l'ouest et lu sud à l'est, ils aviuent l'eau claire à leur Bt l'eau remplie d'herbages à leur droite, $ ces ( 281 ) explications sont exax^tes, il y a lieu de penser que le lac s'est considérablement diminué dans ses propor-* Uons. La ligne ponctuée sur notre carte marque la limite de Teau claire. On la voit par des lignes très irrégu- liëres en circonférence, et elles n'ont pas plus de 6 kilo- mètres dans leur plus grande dimension, et 3 ou h ki- lomètres dans leur plus petite . M. Leverger, traversant le lac du nord au sud, à l'époque où les eaux étaient encore hautes, n'a pas trouvé plus de 1",60 de profondeur. C'est à peu près ce que j'ai eu en 1852. Aussi croyons-nous que lors de la sécheresse, la plus grande profondeur du lac ne dépasse pas 1 mètre. On aperçoit quelques courants d'eau claire ou très peu obstrués qui pénètrent au travers des endroits herbacés. J'ai voulu en faire la reconnaissance, il m'a bientôt fallu y renoncer, par le manque d'eau suffisante, pour y conduire un canot du pays. Cependant, ainsi que nous l'a assuré M. Leverger, nous croyons qu'il n'est pas impossible, dans le moment des grandes crues, de pouvoir naviguer à de plus grandes distances, en suivant les courants qui s'étendent sur les limites de la Bolivie; car il est certain que les Boliviens pénètrent dans ce lac avec leurs canots* Les courants qui viennent du nord et du nord-est se dirigent des terrains bas vers la baie, alors son eau est dune couleur noirâtre et désagréable au goût, au point de n'être point potable. Les courants qui viennent du sud-ouest emportent, au contraire, les eaux de la baie vers les terrsdns adjacents. Ces eaux sont très potables. I. AVRIL. 3. 19 (282) Vers la partie orientale de l'Uberaba, il existe quel- ques collioes et plusieurs terrains élevés, qui sont cou- verts de forêts vierges des plus splendides, et qui tous formeraient des habitations délicieuses, pouvant être facilement utilisées par Vbomme laborieux, qui» y trou- vera une prodigieuse richesse* de végétation* Quant à ce qui tieût à la crue des eaux, vers la partie supérieure de la rivière Paraguay, ordinairement elle se manifeste aussitôt après les premières pluies de fin octobre ou commencement de novembre. Cette crue va en augmentant jusqu'en mars ou avril, et déjà en juin ou juillet la rivière est descendue à son bas niveau. Vers la région des marais» c'estrà-dire depuis Escal- vado jusqu'à Goïmbra, et au-dessous, les crues sont plus tardives surtout dans les lacs Uberaba et G^a dont les eaux continuent à s'accroître par le fait de Técoulement des marais et des plaines voisines, de sorte que c'est en juin que ces deux lacs ont atteint leur plus grande hauteur. Les seules nations indigènes que Ton rencontre durant toute la navigation de ces deux lacs et de la rivière qui les avoisine, sont les Bororos et les Guatos. iiCS uns et les autres ne doivent causer aucune inquié- tude au voyageur. Pour ce qui est des Bororos, nous en avons parlé autre part ; disons seulement qu'ils seraient facilement appelés à une sorte de civilisation. Pour les Guatos, comme ils habitent plus volontiers le S. Lourenço et le bas Guyaba, il n'y a pas encore lieu de nous occuper de ces indigènes, disons seole- , ment que les Guatos aiment à rencontrer des voyageurs. ( 283 ) îte les aecoi)i|Mi^6nt des journées entières, chacun monté sur un élégant petit canot et suivi de ses nom- breuses femmes, qui conduisent elles aussi leur élégante petite embarcatioD. Ils harcèlent les voyageurs de de- mandes et de suppliques. Cela forme durant plusieurs jours une nombreuse escadrille autour du voyageur qui ne s'en sépare qu'au moyen de petits cadeaux» ta- bac, sel, surtout eau-*de--vie, etc. , etc. Qu'on se figure une nuée de ces mendiants qui autrefois assaillirent les voyageurs d'une diligence à quelque relais de poste mal servi, pour les accompagner, aussi loin que leur permett^ent leurs poumons et leurs jambes. A quelques kilomètres du bras de déversement de la rivière Paraguay dans le lac Uberaba, arrivent sur la rive gauche les nombreuses bouches de la très impor- tante rivière de S. Lourenço, par les 17^* 60' lat. S. {Ln suite prochainement.) tav««««M*«*«.>^>«Wa>i^ LA CIVILISATION JAPONAISE (1) , »Aft LÉOH Dl ROtMT* L'origine de la civilisation japonaise remonte à des temps antérieurs de plus de six siècles à l'ère chré- tienne. Avant cette époque, les seules données histo- riques que Ton ait pu recueillir jusqu'à présent nous dépeignent les insulaires du Nippon dans une sorM d'état sauvage^ où ils n'avaient d'autre occupation que (i) Lu à la Société d^ ^éofrai^liie. ( 28i ) de pourvoir à leur existence matérielle. Des antres creusés en terre ou des huttes construites de bran- ebage et de chaume étaient leurs seules habitations ; des fourrures, des feuilles d'arbres ou quelques tissus ligneux leur fournissaient de quoi se vêtir. Groupés par tribus et par familles, là où les conditions du terrain répondaient le mieux à leurs besoins, ils con- fiaient aux plus âgés la suprématie judiciaire et reli- gieuse. Les vieillards remplissaient, en outre, an rôle considérable au sein de ces populations primitives : ils étaient les dépositaires vénérés de la science et de l'histoire nationale qu'ils enseignaient à la jeunesse, et dont ils transmettaient d'âge en âge le souvenir à l'aide de cordelettes nouées ou de bois entaillés d'une manière conventionnelle (1). Ceux qui avaient acquis le plus de connaissances étaient révérés à un haut degré, et on les adorait, après leur mort, sous le nom de kami ou génies. Vers le milieu du vu* siècle avant notre ère, parut un de ces hommes supérieurs qui, se rattachant à la race auguste des douze grands dieux primitifs du Japon, gagna la confiance des tribus et parvint à fonder sur elles les bases de la monarchie japonaise. Cet homme, nommé Iva-Fiko-no-Mikoto, et désigné communé- ment dans les historiens sous le nom Zin-mou (2), (i) Les cordelettes nouées étaient usitées comme moyen mnémo- nique et^ Jusqu^à un certain point, comme une sorte d*écrîtore, chez plusieurs nations primiti?es, notamment chez les Chinois, chez les Tibétains, et, dans le Nouveau-Monde, chez les anciens PéruTiens qui les désignaient sous le nom de « Quippos »• (3) Zin-moUf signiâe en chinois « le divin guerrier ». ( 285 ) Doos apparaît comme un de ces grands civilisateurs qui, puissants par l'énergie et la constance de leur vo- lonté, parviennent à assujettir les peuples à un nouveau mode d'existence, et à les dominer en leur faisant entrevoir un avenir plus lai^e ou tout au moins plus raffiné. Quelle qu'ait pu être l'impulsion progressive que donna Zin-mou à la nation japonaise, on peut toujours affirmer que sous son règne la civilisation sortît à peine de son état rudimentaire. On doit cependant à ce prince d'avoir institué le calendrier et d'avoir fondé la chronologie indigène ; on lui est en outre redevable des premiers codes de sa nation. Zin-mou, suivant quelques savants (1), serait venu de Chine à la tête de plusieurs familles d'émigrés, lors des troubles qui agitèrent le Céleste-Empire, sous la mémorable dynastie des Tcheou. Cette opinion, toute hypothétique, est loin d'avoir été prouvée d'une ma- nière satisfaisante, et les difficultés qui surgissent à rencontre laisseront sans doute longtemps encore la question indécise. Tout ce qu'il est possible d'établir, c'est que la civilisation japonaise, dont Zin-mou doit être considéré comme le plus ancien promotjçur, eut une marche nettement tracée dans la direction du sud au nord ; que les provinces septentrionales du Japon étaient encore occupées, aux premiers siècles de notre ère, par une race qu'on serait tenté de croire incivili- (I) Ktaproth, dans le Journal amtique^ t. HI, 1S29, p. 23 ; dang 1m Mémoires des missionnaires de Péking^ l. H, p. 497. — Voy. ceperi- dant Hawks, Narrative of the Eacpedition ofan American squadron to ihe China seas and Japan. lotroduction, sect. II. N (286) sâbte, et qui différait peu ou même se confondait avec des peuplades à demi sauvages que nous désignons aujourd'hui sous le nom d'AIno; que Zin«-mon, sui- vant certains auteurs japonais, serait venu des tles Lou-tchon, on du moins que la mère de ce prince aurait été fille du souverain de ces îles ; qu'enfin récriture que les Chinois connurent de toute antiquité et qu'ils répandirent partout où ils vinrent fonder des établi»* sements, ne fut introduite au Japon (1) que plus de neuf siècles après la fondation de la monarchie par l'empereur Zin-mou. Une légende, dont on est en droit de suspecter l'au- thenticité bien qu'elle soit reproduite par plusieuni historiens chinois et japonais (2), rapporte que, vers Fan 209 avant J.-C, l'empereur de Chine, Tsin-<- chi-Hoang*ti, l'incendiaire des livres et le coni^ruc* teur de la Grande muraille, envoya dans les lies de la mer orientale une troupe de jeunes gens des deux sexes pour en rapporter le breuvage de l'immortalité* Cette expédition qui ne revint plus (3) , passe pour avoir introduit chez les Japonais les sciences et les lurts de la Chine, qu'ils ignmou au pontificat suprême d'un des plus fameux empires de l'Extrême-Orient. Sous la puissance souveraine du mikado, et comme une conséquence naturelle de la religion des Kami, le moyen âge japonais a vu se constituer une formidable aristocratie qui, après avoir répandu les institutions féodales dans tout l'empire, menaça plusieurs fois de le démembrer et même d'en engloutir les fondements dans le gouffre sans cesse élargi des rivalités et des dissensions intestines. En même temps, à côté de 1* édi- fice déjà caduc des souverains de Myako, les séogoun ou lieutenants militaires, empiétant chaque jour davan- (1) Le peuple japonais établit une certaine corrélation d'idées entre les douze épouses principales du Mikado et les douze signes du zodiaque. ( 305 ) •tage sur les attributions impériales, venaient constituer à Yédo un autre palais qui devait signaler le déclin rapide et la chute du pouvoir eflTectif des mikado. Les séo-gouns sont parvenus à concentrer entre leurs mains les rênes du gouvernement japonais, à peu près comme les maires du palais de nos Mérovingiens sont arrivés à supplanter la famille des rois fainéants. Les privilèges accordés par l'empereur Toba II (1) peuvent lètre envisagés au rang des premières causes de TafTai- blissement des mikado. La faiblesse des princes qui ont succédé à Toba II d'une part, et Tintelligente acti- vité des séo-goun de la famille de Yori-tomo (2) d'autre part, ont achevé de réduire à Tétat de fantôme les souverains de Myako, et à élever à l'ombre fugitive des successeurs de Zin-mou, l'autocratie temporelle des lieutenants-impériaux ou séo-goun. Une seconde cour a été établie à Yédo, et tous les princes et seigneurs féodaux de l'empire, successivement assu- jettis au nouvel ordre de chose, ont été contraints d'envoyer à la capitale du Nord des otages de nature à répondre de leur fidélité au taï-koun. Appauvris et désarmés par la politique souvent machiavélique et toujours inflexible des lieutenants-impériaux, les princes japonais ont vu leurs fiefs prêts à échapper de leurs mains dans lesquelles ils n'étaient plus désormais qu'une charge pesante et plus dangereuse que pro- ductive. A l'époque actuelle, une autre puissance tend à se (1) Bègne de 1184 à 1198 de uotre ère. (2) La dynastie actuelle des Séo-goun ou Taï-koun remonte à Tannée 1 186 et commence avec le gouvernement de Mina-moto-no-yori- lomo. ( S06 ) conatituer sur un troisième plao, au sein de rempire. Fatigué à son tour des préoccupations du gouverne- ment et de la politique étrangère dont les innom- brables ressorts se compliquent de jour en jour, le Tai-koun a trouvé bon de se reposer sur un ministre héréditaire des principaux soins de l'État. C'est à un haut personnage revêtu de ce titre que les Européens doivent, depuis quelques années, les nombreuses ré- formes libérales qui ont signalé l'ouverture du iapau 11 règne encore trop d'obscurité sur la véritable in- fluence que possède ce ministre suprême sur les affaires de l'empire, pour qu'il soit possible d'en parler avec détails ; tout ce qu'on peut rapporter, d'après les der- niers renseignements, c'est qu'il existe aujourd'hui dans le Nippon une troisième dynastie de hauts fonc- tionnaires qui, sous le titre de Go-taï-m^ administrent l'État et règlent les rapports qu'il est appelé à établir avec les puissances amies. Il semble enfin résulter des derniers événements de Yédo, que le Go-taï-ro repré- sente au Japon l'élément libéral, ou du moins le parti qui est le plus favorable à l'alliance européenne. Léon de Rosny. {La suite prochainement) ( «07) Analyses, Rapporte, ete. LE FLEUVE AMOUR BI8T0IRE, GÉOGRAPHIE, ETHNOGRAPHIE, PAB G. DE SABIB, Membre de la Société de géograpbto de Paris. 4 vol. ixi*4", avec .des vignettes et une carte. 4 864 . ANALYSE PAR M. ALBERT-MONTÉIIONT, Membre de la GommiMion centrale* Cet ouvrage^ dont nous allons présenter une rapide esquisse, est le premier travail qui ait paru en France, sur la vaste contrée de T Amour, définitivement ac- quise à la Russie, depuis le traité conclu le 16 mai 1858, entre les délégués des deux empires moscovite et chinois. L'auteur a divisé son livre en six parties, compre- nant les campagnes des Cosaques sur l'Amour, au XVII* siècle ; l'histoire de Tacquistion de ce fleuve par là Russie ; la description du fleuve lui-même et de ses peuplades riveraines ; un voyage d'exploration ; puis l'indication de monuments chinois découverts sur les rives ou les environs de l'Amour ; enfin le catalogue des plantes trouvées dans ces parages. Au conunencement du xvf siècle, les Russes prirent possession de la Sibérie orientale. Ils s'étendirent en- suite jusqu'aux rivages de la mer d'Okhotsk, et sou- ( 308 ) mirent facilement toutes les peuplades indigènes. En 1632, ils élevèrent le fort d'Yakoutsk, au centre du pays conquis. Vers le même temps, ils eurent la pre- mière nouvelle de l'existence du fleuve Amour, par les Cosaques aventuriers qui s'étaient abouchés avec les Toungousses, ces indigènes leur ayant signalé au midi une grande rivière nommée Mamour, déchargeant ses eaux dans la mer. Ces derniers leur avaient aussi parlé de la rivière Dsi ou Zéya, dont les riverains, adonnés à l'agriculture, échangeaient avec eux du blé contre des pelleteries. Dès ce moment eurent lieu diverses expé- ditions qui allèrent à la recherche du fleuve mystérieux. On l'atteignit d'abord par la Zéya, qui s'y réunit vers 50* 30' latitude nord et 128° longitude est. Ensuite, des chasseurs de zibeline ayant pénétré jusqu'aux sources de la rivière Aldan, afiluent de la Lena, firent connaître que cette rivière Aldan venait du versant nord des monts Stanovoî, dont le versant méridional envoyait ses cours d'eau à la rivière Shilkar, où, dès lors, on pouvait arriver en remontant l' Aldan et en franchissant les montagnes : c'est ce qui fut exécuté en 1644, et ce qui amena la découverte du fleuve Amour, dont le cours entier ne devait être exploré que six ans plus tard, sous la direction de l'aventureux et hardi Khabarov. En 1681 furent jetés les fondements d'une ville au confluent de la Zéya et de l'Amour. C'est aujourd'hui la viUe de Blahovestchënsk , devenue le chef-lieu de la province amourienne. La station d'Al- basine, qui est la clef des possessions lusses sur l'Amour, et qui a été trois fois détraite par les Chinois, se trouve plus au nord-ouest par 53° 30' latitude et ( 30Q) 424'* 30' longitude est. Plus à l'ouest encore est Nert* chinsk, où fut signé, en 1 689, le premier acte diplo- matique intervenu entre la Chine et la Russie, et qui, environ deux siècles après, devait produire celui de Tien Tsin, du 1" juin 1858. Une année après le traité de Nertchinsk, les Russes découvraient le Kamtchatka et se mettaient, en 1710, en relations directes avec les îles Kouriles et Tempire du Japon. La difficulté des communications entre Yakoutsk, capitale de la Sibérie orientale, et le port d'Okhotsk, sur la mer de ce nom, par un chemin à peine prati- cable, à travers des bois et des marais, avait dû tout naturellement ramener les Russes à la question du fleuve Amour, lequel offrait, au contraire, la possibilité de diriger les provisions directement de Nertchinsk à Okhotsk, d'une manière facile et à peu de frais. Aussi, dès 1847, une nouvelle ère apparaît pour l'Amour, sous l'inspiration du général Mouraviev. Le grand fleuve, pour ainsi dire fermé pendant des siècles, s'est vu enfin ouvert aux investigations de la science, et le gouvernement moscovite en a profité pour se mettre en rapport avec la colonie d'Okhotsk, la Manche de Tar- tarie et le Kamtchatka. Aussitôt également s'est élevée aux bouches nord de l'Amour, la ville de Nicolaïevsk;, devenue la résidence du gouvenieur général des Bouches-de-l' Amour , et la nouvelle factorerie de la compagnie russe-américaine ; et, en 1853, le premier bâtiment de guerre moscovite est entré dans le fleuve Amour, dont le traité définitif, échangé à Péking, le 14 novembre 1860, a garanti l'entière possession à la Russie, puissance qui a en même temps acquis le droit ( SIO ) d'établir à ses frais un serviee postal de Kiakhta à Péking. Après cet historique préliminaire nous arrivons à la partie purement géographique de l'intéressant travail de H. de SaUr, c'est-à-dire au fleuve Amour et à ses riverains. Gomme le dit avec raison l'auteur, le fleuve Amour est un des plus considérables de l'Asie orientale. Les Chinois le désignent sous le nom de Khehloun-Tsian ; les Mantchonx sous celui de Sakhalien-Oula ^ et led Mongols l'appellent Kam-Mourène. Ces trois dénomi- nations reviennent à celle de ni^lère noire. Les indi- gènes donnent à son cours supérieur le nom de Shilkar^ et celui de Mamou ou Mankou au cours inférieur. Lorsque les Russes le découvrirent, au xvii* siècle, ils le nommèrent Mamowr^ puis Shilkar. Poyarkov, le premier qui ait navigué sur l'Amour, depuis sa jonction avec la Zéya jusqu'à son embou- chure, donne au fleuve trois noms distincts : celui de Shilkar^ jusqn'à sa réunion avec le Soungari, qu'il appelle Shoungal ; celui de Shoungal^ jusqu'à son con- fluent avec rOussouri, qu'il nomme Amour; et enfin Amour, depuis là jusqu'à la mer. Khabarov donne au cours entier du fleuve le nom S!Amow\ qui signifie grande eau. On considère comme la source de l'Amour, la rivière mère appelée Onone^ qui sort de l'extrémité nord-est des monts Kantaï, et qui, après avoir traversé les terres de la Mongolie, se réunit, par 48' 40' latitude nord, 107» longitude est, à la rivière Ingoda^ pour for- mer la Shilka ou Shilkar. Celle-ci, à son tour, joint ( 31i ) ses eaux à celles de XArgoune^ rivière sainte des Mongols, à cause de Tchenkis-*Khan, qui naqait près de sa source ; rivière dont le cours supérieur, qui part des monts Kantaï, s'appelle Kerlon ou Ketvuloun; et dès ce moment de jonction, le fleuve prend le nom d' ^mour^ pour ne plus le quitter jusqu*à la mer. Parmi les affluents les plus considérables de l'A- mour, il faut citer en première ligne : à sa droite le Soungari ou rivière de lait, qui vient des montagnes blanches de la Chine ; et F Ossoun^ qui prend sa source dans les monts Sikhota- Aline, en Mantchourie, et re- çoit vingt-quatre^affluents. Les Chinois considèrent le Soungari comme la véritable origine du grand fleuve ; mais r Amour supérieur surpasse de beaucoup le cours du Soungari. M. de Sabir accuse même un chiffre de deux cents milles de plus en faveur de l'Amour. Avant le Soungari et TOussouri, le fleuve Amour a reçu, également à sa rive droite, la Koumara ou ATa- mnra^ qui a un parcours de 800 kilomètres ; à sa rive gauche il s'est accru de la Zéya^ qui conduisit les Russes sur l'Amour, et de la Bout^ïa ou Niumane , deux affluents, au cours tellement rapide, qu'ils forcent l'Amour à quitter sa direction orientale et à en pren- dre une méridionale, à travers les mots Khin-Gan, jusqu'à sa réunion au Soungari etàl'Oussouri, affluents qui, tous deux successivement, l'obligent à leur tour à couler vers le nord, pour franchir également d'autres chaînes de montagnes. Dans cette direction nord, TAmour reçoit encore beaucoup d'autres affluents, notamment à sa gauche, le Gorine, ligne de partage entre l'Amour central et le (512) bas Amour; et enfin YAmgoune^ peu loin de son em- bouchure dans l'Océan, où il ne forme point de delta^ mais où ses eaux grossies par son dernier affluent, l'Amgoune, s'avancent par un bras dans la Manche de Tartarie, en ensablant le détroit Névelsky, par 58° lati- tude nord et 1 iV longitude est. En nous résumant sur le parcours entier du fleuve Amour, nous lui trouvons une longueur totale de 4000 verstes ou 4270 kilomètres, ou environ 1200 lieues ; et, en y joignant le Kerouloun, nous aurons un cours de 5950 verstes ou près de 1500 lieues. Avec le Soungari on n'obtiendrait qu'une longueur totale de 3000 verstes. Il nous reste à parler des riverains de l'Amour, dont les principales peuplades, en partant du point de réu- nion delà Shilka avec TArgoune, sont les Orotchones, les Manègres, les Daouriens et les Birars, qui appar- tiennent au bassin de l'Amour supérieur jusqu'à l'Amour central ; les Gholdes et les Ssamghers, qui peuplent les rives de l'Amour central ; enfin, lesMan- gounes et les Ghiliakes, riverains du bas Amour (1). Les Orotchones appartiennent à la grande famille Toungousse, qui occupe une grande partie de l'Asie (i) M. de Sabir fait coanattre que des écrivains russes divisent aussi le fleuve Amour en trois parties : le cours supérieur, entre Oust-Strelka et le versant nord-ouest des monts Khin-Gan ; TAmour central, depuis ces dernières montagnes jusqu'à la rivière Gorine, et TAmour infé- rieur depuis ce confluent jusqu'à l'embouchure du fleuve. Le poste d^'Oust-Strelka est, pour le dire en passant» situé par 53** 19' lat. nord et 121° 50' long, est, sur la rive gauche de TAr- goune, à son confluent avec la Shilka, qui prend dès-lors le nom d'Amour. ( 318 ) orientale. Ils peuplent les rives de l'Amour depuis sa source jusqu'à la Kourama, et s'étendent quelquefois jusqu'à la Zéya. ils sont hospitaliers et ignorent le vol ; la chasse et la pêche constituent leurs occupations favorites ; les eaux du fleuve sont tellement poisson- neuses qu'ils y font toujours une pèche abondante. Les rennes et les chiens sont leurs seuls animaux domestiques. Us ont pour habitations des yourtes co- niques, faites de perches réunies au sommet et recou- vertes d'écorce de bouleau. Leur religion est le cha- manisme ; ils croient aux bons et aux mauvais esprits, et ont un grand respect pour le cerveau de l'ours. Les M a /tigres sont robustes et bien faits; mais leurs femmes, en général, sont fort laides. Ils ne paraissent sur les bords du fleuve que pour le temps de la pèche; l'hiver venu ils se retirent au fond des bois. Ils aiment les bracelets de verre, qu'ils reçoivent des Mantchoux. Ils ont des bottes à grosses semelles en carton, et des chapeaux en feutre noir ou gris. Les femmes portent de longues robes et des colliers ; les jeunes fdles y ajoutent une calotte d'étoffe. La viande et le poisson constituent la principale nourriture des Manègres. Us mangent sans dégoût le putois, le renard et le loup ; mais, en hiver, ils se régalent de tranches de la viande du renne, du cerf et de l'élan. Ils croient aux sorciers et suivent le chamanisme. Un fait bizarre chez eux, c'est qu'un Manègre ne dira jamais ni son nom ni celui de son compatriote. La polygamie est permise ; mais il faut que le Manègre qui veut se marier paie une rançon à son futur beau-père. Les Daouriens ont des demeures fixes le long de I. AVRIL 5. 21 (S14) l'AiiMMir. Ils portent le costame des Mantchoux^ c'est- èrdire de longues robes par dessus lesquelles ils en- dossent des vestes sans manche. Leur culte est un mélange de chamanisme et de lamaïsme. Quand on Mre an Daourien à boire, avant de vider le verre, il y plonge le pouce et l'index, et, les retirant aussitôt, il en fait tomber les gouttes qui y étaient attachées, comme une ofirande aux dieux invisiUes. Les Binirs vivent sur les rives de l'Amour supérieur, avant que le fleuve perce le grand massif des monts Khin-Gan. Ils ont une bonne physionomie, et leurs femmes une figure agréable. Au delà de la chaîne des monts Rhin-6an se pré- sentent les Gkoldes^ jusqu'au confluent de la rivière de Gorine ; ayant ainsi, d'un côté les Birars et de l'au- tre les Mangounes. Os ont des mœurs patriarcales, sont probes et confiants ; leurs maisons n'ont ni serrure ni verroux. Chose biiarre, ils aiment les animaux sau- vages, et tiennent dans des cages, renfermés séparé- ment, des ours, des loups, des renards, des aigles, des faucons. Du reste, leur unique industrie est la chasse et la pêche. Ils ne possèdent ni bestiaux ni vo- lailles, mais seulement des chiens et quelques chats. Ds attellent les chiens par paire & de légers traîneaux, ayant soin de laisser à l'avant un chien qui sert de guide à la caravane entière et ne l'égaré jamais. Près de la rivière Gorine se tiennent les Ssamghers^ peuplade encore très peu connue, qui vit de chasse et de pêche. Quant aux Mangounes^ ils sont plus essentiellement riverains de l'Amour. Ils ont des habitations doubles, ( M6 ) c'est-à-dire des yourtes d'été et d'hiver : Tété venu, ils arrivent près à^ fleuve, et, à l'approche de l'hiver, ils retournent dans les bois. Us portent des bottines en peaux de renne, d'élan ou de chien, le poil en dehors. Ils sont voués au chamanismé. Enfin les Gkiiiahes vivent aux bouches du fleuve Amour, et passent une grande partie de leur existence sur l'eau, constamment occupés de la pêche. Ils sont, en général, très guerriers, et une de leurs coutumes est la vengeance des familles outragées : le sang se paie par le sang, même pour des causes futiles. Les femmes n'ont aucune influence dans la maison, les en- fants les renvoient sur le moindre prétexte et sans en- courir aucun blâme. C'est un peuple encore inso- ciable. En résumé, l'ouvrage de M. de Sabir présenté avec lucidité Tétat actuel de nos connaissances relative- ment au fleuve Amour, et il sera lu avec fruit par les amis de la science géographique. AUERT-MONTEMOUT. ($16) NOTE SUR l'outrage de m. Léon godard, ranruLi : Description et histoire du Maroc. Parmi les fsdts qni, dans les temps à venir, signale- ront à l'attention du monde l'époque contemporaine, on doit placer en première ligne cette sorte d*émulation qui pousse les peuples civilisés, trop à l'étroit dans les territoires limités que leur ont légués leurs ancêtres, à répandre au loin la vie qui surabonde chez eux. L'Amé- rique, l'Inde, la Chine, l'Australie, voient chaque jour des colonies européennes se former sur leurs rivages ; peu à peu les plaines immenses qu'elles recèlent se couvrent de riches moissons et leurs produits trouvent des débouchés sans cesse croissants; la civilisation, fruit du commerce et de l'industrie des Européens, se fdt sentir jusqu'au centre des continents qui parais- saient, il y a peu de temps encore, les plus inaccessibles. Pourquoi donc, au milieu de cette fièvre d'expansion, les contrées les plus éloignées paraissent-elles le plus en faveur lorsqu'il existe, à une distance relativement très courte, des pays qui, par leur position politique ou commerciale, par leur fertilité, par leur climat, offri- raient, avec des produits à peu près identiques à ceux des colonies les plus lointaines, ces ressources alimen- taires qui sont devenues une nécessité pour les nations européennes. (317) Nous voulons parler des contrées de l'Afrique sep- tentrionale dans lesquelles la civilisation n*a pas encore pénétré, et particulièrement du vaste empire du Maroc. Depuis plusieurs siècles, ce grand État» quoique l'un des plus avantageusement placés à tous les points de vue, est resté le domaine de la barbarie. Bien que le sol y soit d'une rare fécondité, il produit à peine la centième partie de ce qu'on pourrait en attendre, si une administration éclairée remplaçait un gouverne- ment inepte, sans force pour réprimer l'anarchie. A peu près comme le Japon, le Maroc s'est tenu en dehors de tous les événements qui intéressaient les États voi- sins; mais il n'avait pas comme lui cette vie intérieure et régulière qui lui permet, encore aujourd'hui, de rester étranger à la vie des autres peuples. Sous l'em- pire de lois inqualifiables, les populations du Maroc ont laissé s'éteindre ces germes d'industrie dont les avait dotées la conquête arabe ; des droits de douane exorbitants, des monopoles sans nombre, ont anéanti leur commerce, et les Européens sont à peu près exclus de toutes communications avec l'intérieur d'un pays qui devrait être un des greniers de la France, de l'Es- pagne et de l'Angleterre. A l'époque actuelle, la situa- tion même du Maroc à l'entrée de la Méditerranée, la plus grande artère commerciale du monde, ne lui per- met pas de rester en dehors du mouvement général, et, puisque son territoire est fertile, il doit contribuer, pour sa part, au bien-être de l'humanité. Poussé par ces considérations, nous avions cherché à faire connaître, dans une courte Notice, l'état des con- naissances géographiques que nous possédons sur cette (S18 1 contrée, lorsque la commission centrale de la Sodété de géographie Toulut bien nous charger de lui rendre compte d'un ouvrage, en deux volumes, de M. Léon Godard, chanoine honoraire d'Alger, professeur d'his-- toire et d'archéologie au grand séminaire de Langres, intitulé : Description et histoire rfu Maroc, La partie géographique de ce travail rentrait tellement dans le cadre que nous nous étions tracé, que nous croyons bien faire en présentant à la Société notre propre tra- vail revu et corrigé, d'après l'œuvre de M. Godard. La mise au jour de quelques passages, dans lesquels M. Godard se trouve en contradiction avec d'autres auteurs également recommandables, et celle des dé- tails nouveaux que son travail peut contenir, nous pa- raissent d'ailleurs la meilleure manière de faire con- naître à la Société l'ouvrage dont elle a bien voulu nous confier l'examen. Le travail dont il s'agit n'est pas, du r^ste, la pre- mière publication de M. Godard. Ce savant ecclésias- tique fit paraître, au retour de son voyage au Maroc, en 1858-59, dans le journal V jékhbar^ d'Alger, une série d'articles, portant cette modeste dénomination : le Maroc , notes cC un voyageur. CiCS articles furent depuis réunis, et c'est du petit volume qu'ils forment, que M. Vivien de Saint-Martin put dire : « Ici, le contenu donne infiniment plus que ne promet l'éti- quette. » M. Vivien continuait ainsi : « Hommes et choses, Tauteur a vu dans le nord du Maroc, à peu près tout ce qu'il est permis de voir à un Européen; mais, de plus, il s'est beaucoup enquis, et il a ainsi beaucoup appris. Gomme il s'est mêlé à toutes les (510) classes, il a recueilli sur tx)utes des informations neuves» souvent piquantes, toujours instructives. » Ces notes d'un voyageur ont été fondues dans la partie géograr- phique du nouvel ouvrage du même auteur, et l'éloge qu'en faisait naguère M. Vivien de Saint-Martin, on peut, à juste titre, le répéter aujourd'hui où de nouveaux documents augmentent encore l'intérêt de l'oeuvre dont nous nous occupons. Quant à la partie historique qui, dans l'ouvrage complet, forme plus d'un volume, comme elle ne rentre pas dans les études de notre Société, nous nous contenterons de la si* gnaler comme une remarquable preuve d'érudition. V.-A. Babbié du Bocage. < >20 > ni«aYellcs et oMUMnanleattons. NOTE SUR LE TÉLÉGRAPHE NORD-ATLANTIQOE. L'insuccès de la pose du télégraphe transatlantique entre l'Irlande et les États- Unis, loin d'avoir découragé enAngleterre les promoteurs de cette entreprise, n'a fait qu'activer les recherches nécessaires pour relier les deux continents au moyen d'un fil électrique. Le prin- cipal problème à résoudre était d'éviter des longs parcours de 2500 à 3000 kilomètres au milieu desquels chaque rupture du télégraphe était une difficulté nou- velle apportée à l'exploitation de la ligne. Les dernières explorations faites au pôle Nord, après avoir attiré la curiosité scientifique, révélèrent l'utilité que l'on pou- vait retirer de ces régions désolées ; le colondt Sfaaf- fner appuya si vivement cette idée d'établir une ligne télégraphique, par les tles Féroë, l'Islanle, le Groen- land méridional et le Labrador, qu'il avait obtenu du gouvernement anglais l'envoi, dès le milieu de l'année dernière, de la corvette le Bulldogs sous le comman- dement du capitaine M' Glintock, chargé d'exécuter des sondages. Ce savant officier, rentré en Angleterre dès les premiers jours de l'année 1861, vient de publier un rapport aussi intéressant par le grand nombre de faits observés que par les heureux résultats qu'il pro- ( 821 ) met. Nous ne pouvons donc mieux faire que de rap- porter le résumé de son expédition, qu'il a donné au sein de la Société géographique de Londres. Le 1" juillet 1860, le gouvernement de Sa Majesté expédia le navire le Bulldogs avec ordre de constater la profondeur de l'Océan, la nature de son fond entre les lies Féroë, l'Islande, le Groenland et la passe de Hamilton sur la côte du Labrador. Bien que le but de la visite du capitaine M'Glintock aux Féroë n'ait pas été d'en relever les côtes» il ne put manquer d'observer combien il serait facile d'organiser une communication sous«marine et terrestre à travers l'île principale et avec les autres îles du groupe. Près de Thorshavn il y a très peu de baies offrant quelque sécurité pour un câble. Le meilleur havre de l'île est Westmanshavn ; son défaut capital, toutefois, est d'être situé dans un chenal où le courant atteint une vitesse de près de 1 0 kilo- mètres à l'heure. M. M'Glintock regarde l'ouverture nord-ouest de ce chenal, du côté d'Haldervïg, comme la place la plus favorable à l'immersion du fil élec- trique. Le 6 juillet, le Bulldog quitta les Féroë, sonda la côte sud-ouest de l'Islande vers Ingolfshofdi, sur une distance de 280 milles, et trouva le fond à une profondeur variant entre 300 et 600 brasses. Les spécimens d'objets qui en proviennent sont surtout du sable fin, de la vase ou des écailles brisées, mêlés parfois à de menus débris volcaniques ; la température de la mer, à 100 brasses au-dessous de la surface, accusait une variation de &6 degrés avec celle de l'air. Dans cette section de la ligne télégraphique, la pro- fondeur des eaux est si faible que l'on pourrait immer- ( 322 ) ger facilement un câble entre les Férofi et Tlslande. Le 11 juillet, M. M'Clintock atteignit Reikyavik, capitale de l'Islande, séjourna trois jours, pour y revenir en octobre, prolongeant sa visite du 19 au 28. D'après ses informations, il conclut à l'impossibilité d'établir la ligne électrique sur le rivage méridional à l'est de Poriland, à cause de quelques grandes rivières qui prennent naissance dans les glaciers et les montagnes de l'intérieur de l'île. Ces cours d'eau grossissent au printemps en charriant d'énormes glaçons, et sortent de leurs lits : quant à la partie située au nord des montagnes du centre, il n'y a pas à craindf^ la même difficulté. Les côtes orientales et occidentales ne re- çoivent pas plus de sept à huit fois par siècle des glaces flottantes. De véritables montagnes de glace ne s'y sont jamais rencontrées, en sorte que le câble sous- marin pourrait reposer sans danger sur le fond de la mer. Les levées topographiques récemment publiées par le gouvernement danois, indiquent avec les plus grands détails la nature de ces cOtes, ce qui aiderait beaucoup à l'inspection des localités devant être tra* versées par le télégraphe. Les raonts Hécla et le Ro- tlugya dernièrement, ne sont que par moments en état d'émptîon, les geysers et les sources bouillantes sont nombreuses, et la mer elle-même n'est pas à l'abri de semblables crises de la nature. Heureusement pour la réussite de l'entreprise, que la ligne électrique ne passera pas sur ce territoire si tourmenté et d'une sécurité aussi douteuse. Après avoir contrôlé ces infor- mations, M. M'Clintock se remit à compléter la ligne de sondages entre Faxe-Bay et la côte sud-est du ( 828 ) « Groenland. Les profondeurs qu'il trouva avaient, en général, un caractère régulier avec un maximum de i 572 brasses, quoique arrivé à 40 milles du Groen- land ; elles décroissent de 806 à 228 brasses sur une étendue de 8 milles 1/4 géographiques; le fond se composait en grande partie de vase fine mêlée à de menus détritus organiques qui, aux abords de Tlslande, se combinaient avec une notable quantité de sable volca- nique. Des circonstances indépendantes de sa volonté empêchèrent M'Clintock de commencer ses sondages avant le 18 août entre la côte sud-ouest du Groenland et Hamilton Inlet sur celle du Labrador à une distance de 550 milles. A cette époque le Groenland était en- core bloqué par une telle accumulation de glaces, que Ton n'en pouvait approcher qu'à 45 milles, la sonde accusant en cet endroit 1175 brasses. Aux environs d'Hamilton Inlet il trouva dans le milieu du chenal un maximum de 2032 brasses suivant ime échelle de dé- croissance jusqu'à 80 milles du Labrador, où la varia- tion entre 900 et 150 brasses se faisait sentir sur un espace de 7 à 8 milles. Dans ces régions, la compo- sition du lit de r Océan consistait en vase renfermant de légères parcelles de matières organiques, tandis que la température moyenne avait à 100 brasses, 40 degrés de plus qu'à la surftice. Sept jours entiers furent con- sacrés à l'exploration de Hamilton Inlet, dont la lon- gueur est de 120 milles et la largeur variant entre 15 milles et 1 demi-mille. Cette grande passe fut rapidement explorée^ son chenal principal sondé de- puis les Narrows jusqu'à sa sortie en mer, par M. Reed, maître surveyor de la marine, qui s'acquitta avec soin ( 32&) de sa mimoD. Toutefois ces sondages ne forent pas soflSsants pour décider si l'immersion d'nn câble pou- vait avoir lieu en cet endroit II fut donc nécessaire de recourir à un examen scrupuleox qui démontra que les eaux fort basses et les récifs qui semblent une cause d'insuccès, pouvsdent non-seulement être évités, mais encore protégeaient l'entrée de la passe contre les montagnes de glaces flottantes. Les rivages de Ha- milton Inlet sont accores, rocailleux, presque dépour- vus de végétation à les voir de la mer ; mais à mesure qu'on en approche, le niveau de la terre s'abaisse, les ondulations sont adoucies et la verdure apparaît ; tout le pays est couvert de pins et de bouleaux dont la hauteur ne dépasse pas quarante pieds. M. M'Glintock apprit que l'intérieur du pays était semblablement boisé. Suivant l'opinion de M. Smith, agent de la com- pagnie de la baie d'Hudson, qui descendit la rivière nord-ouest jusqu'à son embouchure dans la passe, on pourrait établir sans difficulté une ligne tél^aphique par terre, depuis Hamilton Inlet jusqu'à Mingansurle Saint-Laurent. Des Indiens vont fréquemment d'une de ces localités à Tautre, qui ne sont pas à plas de 260 milles de distance. Les étés quoique courts sont chauds. Dans le voisinage de la rivière Nord-Ouest, l'orge et l'avoine mûrissent, les pommes de terre et autres légumes y viennent bien. Cependant les mous- tiques sont l'inconvénient le plus grand de ce pays. Le capitaine M'Glintock quitta, le 17 septembre» la côte du Labrador, revint au Groenland compléter quelques sondages que les glaces flottantes l'avaient empêché d'exécuter. Il y apprit que le climat n'était pas aussi ( 325 ) rude qu'on le supposait, et que les fiords n'étaient que partiellement gelés à la surface en hiver. Depuis son arrivée en Angleterre, cet officier a reçu une lettre du docteur Rink, inspecteur, en résidence au Groenland méridional, dont les travaux sur ce pays ont largement accru la somme de nos connaissances qui concerne la géographie physique du grand continent arctique. M. Rink lui écrivait : « Il y a déjà longtemps que j'avais songé à l'établissement du télégraphe Nord-Atlantique ; je doutai d'abord de la possibilité de son exécution, mais actuellement je suis d'une opinion contraire. Vous pouvez relier l'Islande au cap Farewell en plon- geant le câble dans quelque fiord de la côte sud-ouest où la glace ne peut ni déprimer ni toucher le fil élec- trique, sauf à quelques brasses du rivage où il peut facilement être protégé. Quant à établir le télégraphe dans l'intérieur du Groenland, c'est chose totalement impraticable. » Notons donc, en passant, que cette lettre a été écrite au Groenland avant l'arrivée 9es navires Bulldog et Fox^ et les dernières expériences qui ont démontré la nécessité de se conformer à l'opi- nion du docteur Rink. La longueur du câble destiné à unir l'Irlande au Groenland serait d'environ 800 milles ; il est à espérer qu'une fois plongé dans les profon- deurs de l'Océan, il serait plus solide et plus durable que tout autre, vu les conditions climatériques dans lesquelles il se trouve exceptionnellement placé. DE Froidefond des Farges. ( S26 ) NOTICE SUR M. DELAPORTE. Un savant orientaliste, M. Jacques-Denis Delaporte, élève de M. Silvestre de Sacy, vient d'être enlevé ino- pinément à sa famille, à ses amis, aux lettres orien- tales. Il avait été, avant 1830, vice-consul de France à Tripoli de Barbarie, puis à Tanger, et s'était fait connaître par d'intéressants mémoires insérés dans la grande Description de l'Egypte, notamment Y Histoire des nnirnlouks^ et par d'autres écrits adressés de Tri- poli à la Société de géographie et admis dans les mémoires de la Société, au sujet des restes de Cyrène et de la pentapole libyque. M. Delaporte est un des premiers qui aient publié 'et interprété des textes en langue berbère. Il était un des six arabisants qui, en 1798, avaient été emmenés en Egypte par le général Bonaparte ; indépendamment de son service d'interprète, il fut attaché à la Monnaie du Caire, et aida souvent à la rédaction et à la traduc- tion des documents qu'il fallait porter à la connaissance des indigènes et à celle de l'armée. Pendant son séjour au Maroc, il a rendu un service signalé aux sciences géographiques. Un jour (c'était au mois de septembre 1828) , un homme couvert de haillons, exténué de soif et de faim, accablé par la fa- tigue et la fièvre, qui disait venir du Sahara (1) , se (1) \\ avait horriblement souffert du scorbut lors de son séjour i Timé près du Dhioliba. J ( 827 ) présenta à la porte du consulat. Il allait être congédié par les gens de la maison, quand le vice-consul, M. De- laport^, fort étonné de lui entendre dire qu'il arrivait de Tombouctou et qu'il avait traversé le Grand-Désert, ordcMina qu'on lui ouvrît la porte. Ce voyage extra- ordinaire pour la longueur et les difficultés de la route, devait, en effet, paraître un peu suspect ; mais le vice- consul donna des ordres pour que lepaiwre mendiant fût introduit, habillé et reçût l'hospitalité : c'était Béné Caillié. M. Delaporte avait dans les mùns, depuis plusieurs mois, le programme d'un prix offert par la Société de géographie de Paris, à celui qui, le premier, se rendrait à Tombouctou par le Sénégal, et en rapporterait de bonnes observations. Il se souvint de cette circonstance et il se décida à nous donner la nouvelle de ce fait inattendu ; c'était la première fois qu'un Européen eût pénétré dans la ville mystérieuse et en fût revenu sain et sauf. M. Delaporte demanda à Cadix un bâtiment français pour conduire le voyageur de Tanger en France; nous envoyâmes à celui-ci un secours à Toulon, et, peu après, il se rendit à Paris où il devait être soumis à des épreuves : celles-ci furent toutes à son avantage. On sait le reste. Il obtint le prix de 12 000 francs; il rédigea sa relation à l'aide des notes qu'il avait soi- gneusement recueillies, relation qui parut, en 1880, en trois volumes. On ne conteste plus, nulle part, aujour- d'hui, la réalité, l'authenticité de ce voyage confirmé depuis, plus d'une fois, et récemment encore par l'im- portant témoignage du docteur Henri Bartb. ( S28 ) Il est probable que si M. Delaporte n'ayidt pas reçu René Caillié dans la maison consulsdre, celui-ci eût succombé à tant de maux ; sa relation n'eût pas paru, et la France serait privée d'une gloire que le reste de l'Europe savante lui envie. Honneur au nom de M. De- laporte, à qui l'on en est en partie redevable ! JOMARO. 24 Janvier 1861. N. B. René Caillié n'a laissé pour héritage, à sa femme et à ses quatre enfants, que la gloire attachée à son nom, et S. M. l'Empereur a daigné dire, à une dé- putation de la Société de géographie, que la France avait une dette à acquitter envers cette famille (1). LETTRE DE M. F. G. MASSAIA A M. M* ANTOINE d'ABBADIE. Kafa, 7 octobre 1860. Très cher chevalier, J'ai reçu votre très estimée, en date de Londres; elle m'a fait grand plaisir, parce que j'ai connu par là que vous êtes toujours le même qu'autrefois et que vous n'avez pas cessé d'aimer ce pays ni cette mission qui, à bon droit, peut être appelée la vôtre.... Quant aux affaires de ces pays-ci, je vous dirai que, forcé de quitter le Gudru par la crainte d'une invasion (1) MwiMur du 19 décembre 4849. ( 329 ) abyssine, j'ai passé près de quatre années dans Tibbe Lag'amara, où j'ai laissé une petite église avec des prêtres et un petit nombre d'amara ou chrétiens. Au mois de mars de Tannée dernière j'ai passé en Limmu où je suis resté moins de deux mois pour visiter ces pays où il y a très peu d'espérance d'un avenir chré- tien, parce que l'islamisme est déjà trop avancé. Parti de là et ayant traversé Gomma, je suis parvenu en Géra où j'ai passé l'hiver et conféré deux cent cin- quante baptêmes, fondé une petite église et laissé un prêtre. Après la fête de la Croix, je suis parti pour Kafa où je suis en ce moment. Gomme ce pays est chrétien d'origine et possède des églises, il y aurait un champ de travaux immense et de travaux sans crainte, car le prêtre est très respecté et entouré d'une espèce d'immunité ; mais l'habitude des superstitions est peut- être plus forte que dans les pays Galla. Le pays est comme vaincu, nous en sommes les maîtres ; mais les cœurs ne sont toutefois pas encore vaincus. J'ai réussi à me faire reconnaître comme évêque; j'ai quatre prêtres unis en famille avec moi, précisément pour renforcer l'opinion de la hiérarchie épiscopale. Je suis en lutte avec le gouvernement pour faire sanc- tionner les lois de la hiérarchie ecclésiastique, et je con- seille l'envoi d'une mission au Saint-Père, pour faire connaître ce point de l'unité catholique. Mais cette na- tion est d'une lenteur éternelle dans ses affaires. Si toutefois l'affaire réussit, ce sera un fait acquis pour tenir en bride les laïques ; car Kafa étant un pays accou- tumé, depuis les temps antiques, à des prêtres corrom- pus et qui ne l'étaient que de nom, pourrait, avec le I. AVRIL. 6. 22 ( 3S0 ) tempa, domier la main à un mauvais changement* Si l'expédition a lieu, le Père Léon lui servira de guide en Europe, et emmènera avec lui un nombre d'enfants pour y recevoir leur éducation, Daus ce cas, j'espère que vous ferez conuaître vos rapports avec cette mis- sion et que vous l'aiderez par quelques avis. Du reste, vous connaissez Kafa, pays qui, pour la vie animale* est cent fois au-dessous des pays Galla eux-mêmes» parce que nous manquons ici totalement de grains et qu'il ne s'y trouve rien que le koco. Surtout pour les jours de jeûne, il y manque la graine de lin, le nug, le pois chiche, la fève et tous les secours qui se trouvent dans le pays Galla. La race Sidama est paresseuse à l'excès, et celui qui u'est pas esclave préférera,.., ^ la faim, mais il ue travaille pas. Le trait caractéris- tique qui distingue les Sidama de toutes les autres races de ces contrées, c'est qu'il ne mange pas sans un témoin de sa caste. Le chrétien ne peut pas servir de témoin à un Kafacco infidèle, ni ce dernier ne peut être témoin pour le chrétien, et ni le musulman ni le Galla ne peut l'être pour personne. La règle de ne rien manger seul est tellement sévère, que la femme surprise à manger la moindre chose toute seule, serait vendue comme esclave. Personne ne peut servir de témoin au roi quand il mange, à l'exception des employés de se- maine ; lareine même ne saurait l'être. Dans le cas où le roi aurait à prendre quelque médecine pendant la nuit, on envoie quérir un de ces employés. Arrivé à un cer- tain âge, un garçon, pour être témoin valide loors d'un repas, doit oindre son oreille droite avec un morceau d'or, sans cela il ne serait pas valide. Il y a peu de jours que, voulant donner à boire à un garçon du roi ( 331 ) venu auprès de moi, j'ai dû toucher avec un anneau l'oreille d'un garçon de son espèce qui était avec lui. Vous avez d'ailleurs vu le type de cette race Sidama. J'ai fait mention de cette coutume singulière, parce que peut-être n'avez- vous pas pu la noter pendant le peu de jours que vous êtes resté ici» Au surplus, nous faisons des explorations conti- nuelles dans les environs pour tâcher de réussir à amé- liorer la voie de communication avec l'Europe. Demain peut-être, un prêtre indigène partira pour visiter les Galla du côté de Fa-Zogio et de Gassan, dans l'espoir que nous avons d'ouvrir cette route. Non loin de Gassan doit se trouver AfiUo, pays que vous m'avez conseillé d'explorer. Ce pays est supposé Falasa, mais de race Sidama ; peut-être s'y trouve-t-il quelque livre chrétien, car on connaît là, par tradition, le nom des prêtres^ Là se trouve une montagne qui s'avance parmi les nègres dont elle est entourée et avec lesquels elle est • toujours en guerre. Elle s'avance dans les plaines du fleuve Blanc. Il me semble l'avoir vue de Gassan, quand je m'y trouvais, en 1851. En outre, le nom s'accordait. Vous n'aurez pas de peine à croire que je suis très occupé, parce que les affaires commencent à s'ac- croître. J'espère que vous aurez des détails plus inté- ressants du père Léon, qui a plus de temps que moi. Je suis extrêmement vieilli et affaibli. J'ai demandé ma démission à Rome. Nous verrons si elle me sera accor- dée. Du reste, je prévois que mon tombeau sera ici, car, si je tarde encore, je ne pourrai plus me mettre en voyage. Je vous embrasse en Notre Seigneur cru- cifié, t F.-G, Massaja. ( 332 ) Kifa, ce 12 octobre. Mon cher moDâeur, Je n'ajouterai qne deox lignes à la lettre de Mgr Mas- saja. J'ai reçu la vôtre, en date de Londres... Je ne vous donne aucunes nouvelles scientifiques, me réser- vant de vous les donner de vive voix en Europe, Tan prochain, où j'espère que vous voudrez bien m'ètre utile pour la fondation d'un établissement pour l'édu- cation des jeunes gens que je mène, la province des Capucins de France devant se charger de cette mission. Je n'ai point reçu vos instruments qui sont à Aden. J'ai fait les observations avec d'autres. M. Plowden a été massacré parles soldats du dajazmac Niguse : telle vie, telle fin ! L'expédition du Nigus Tewodiros contre le Tigray a manqué : le Nigus a refusé la bataille et a ainsi gagné la victoire ; il est rentré chez les WaUo, où l'on dit qu'il doit fixer sa demeure ; il s'est marié avec la fiUe de Wibe, qui est sorti de l'amba. Abba Salama est sur l'amba Magdalena chez les Walio ; le Gojjam est entre les msdns de Tadla Gualu. LeSaubat est formé par deux rivières : l'affluent orien- tal est le Barro, dont la source est dans le lac El-Boô, situé à trois ou quatre journées sud d'ici, visible du haut des montagnes de Gobo. Le Barro est le vrai Nil blanc de Ptolémée : il est visible des montagnes de Kafa et doit être navigable pour de grands bateaux. Le lac El-Boô est le Nili palus orientalis. Vous avez donc raison de soutenir que c'est le Nil blanc. Seule- ment le Gojab ne se jette point dans le Barro ; mais, réuni aux trois Gibes, il forme te fleuve Jub. Toutes ( 333 ) mes découvertes faites à Zanzibar sont parfaitement vraies ; seulement l'écriture indigène est une fable; on a voulu parler des livres abyssins. Voilà, en peu de mots, ce qui est le plus intéressant.... Léon DES AVANGHEBS. Projet d*une nouvelle exploration arctiqtie par les Suédois. MM. Torell et de Nordenskiold, naturalistes suédois; M. Petersen, Danois, accompagnés de plusieurs étu- diants des universités d'Upsal, de Lund et d'Helsing- fors, se disposent à faire une nouvelle exploration du pôle arctique. Ces voyageurs se proposent de se rap- procher le plus possible du pôle, de visiter les régions environnant le Spitzberg, de pénétrer dans le Storfiord dans le but d'y mesurer un arc du méridien, et de faire des observations sur le magnétisme terrestre, la température de l'air et de la mer, et enfin d'y réunir une collection d'histoire naturelle. L'expédition doit quitter Tromsoë ou Hammersfest vers la fin d'avril. Les frais sont faits par le gouvernement suédois, S. A. R. le duc d'Ostrogothie et plusieurs particuliers. L'Académie des sciences et plusieurs universités ont prêté des instruments pour les observations scienti- fiques. M. Petersen avait déjà fait plusieurs voyages au pôle. MM. Torell et de Nordenskiold avaient déjà exploré, en 1857-58 et 1859, l'Islande, le Spitzberg où ils sont restés deux mois par 80 degrés et le Grënlando. ( 884 ) Ikeiem de la Soelété. KVI KAI rS DES PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES Séance du 6 avril 1861. M. le secrétaire de la Société communique le procès- verbal de la dernière assemblée générale. M. le comte de Grossolles Flamarens, sénateur, et M. le contre-amiral baron de la Roncîère le Noury, re- mercient, par lettre, la Société, de les avoir choisis pour ses deux vice-présidents. M. N. de Khanikof adresse également ses remercî- ments à la Société, qui lui a décerné sa grande médaille d'or, pour ses explorations dans le Khorassan, et il prie M. le président de vouloir bien être auprès d'elle l'interprète de ses sentiments de profonde gratitude. M. Francis Lavallée écrit à M. le président, pour le prier de communiquer à la Commission centrale une notice de lui sur l'île de Puerto-Rîco. Ce travail sera lu en séance. M. d'Abbadie communique à la Société deux lettres qu'il a reçues, l'une de Mgr. F. G. Massaja, évêque mis- sionnaire en Abyssinie, qui donne d'intéressants détails sur les travaux de la mission, l'autre du père Léon des Avanchers qui traite de quelques points importants de la géographie comme de la politique des régions abys- siniennes. Ces deux lettres, auxquelles M. d'Abbadie ( 885 ) ajoute verbalement quelques développements, trouve- ront place au Bulletin. M. d'Avezac signale l'arrivée à Paris, d'un noir Yoloff du Sénégal, interprète du gouvernement, venu de Saint-Louis à Mogador, en traversant le long de la côte le désert du Sahara, dans une direction qui con- corde en certains points avec celle de Léopold Tanet. M. Buisson offre, de la part de l'auteur, un volume intitulé : La Bulgarie chrétienne ^ étude historique, M* le secrétaire adjoint donne lecture de la liste des ouvrages offerts. H. le docteur Mallatâe Bassilan, présenté, à la der- nière séance, par MM. d'Avezac et Lafond, est élu membre de la Société. M. Poulain de Bossay termine la lecture de son essai de restitution et d'interprétation d'un passage de Scylax. M. L. de Rosny communique à la Société un mé- moire qu'il vient de terminer sur les différentes phases de la civilisation japonaise. Ce travail donne lieu à une intéressante discussion à laquelle prennent part MM. de Quatrefages, Vivien de Saint-Martin, Jomard et d'Ab- badie# Séance du 19 avril 1804. ML l'amiral Romain Desfossés, élu président de la Société dans la dernière assemblée générale, écrit à M* le présidastda la Commission centrale, pour le prier ( 3S6 ) de transmettre à ses collègues ses remercîments pour le choix qu'ils ont bien voulu faire de lui. M. de Rerhallet remercie également» par lettre, la Société de l'avoir choisi pour l'un de ses scrutateurs. M. de La Roquette annonce qu'il vient d'apprendre la mort récente de H. John Brown, l'un des doyens des membres de la Société royale géographique de Londres, et correspondant de la Société royale des antiquaires de Londres. M. John Brown est connu de la Société de géographie par plusieurs ouvrages remarquables sur les régions arctiques, et en particulier sur les voyages faits à la recherche de sir John Franklin et du Passage nord-ouest. M. de La Roquette ajoute qu'il se propose de con- sacrer, dans une prochaine séance, quelques lignes aux travaux de M. John Brown. M. d'Avezacdépose sur le bureau les numéros de la Gazette de France et du Moniteur de la Flotte qui rendent compte de la dernière séance de la Société, et du Mobacher où se trouve un article sur le voyage de Si-bou-Mogdad de Saint-Louis (Sénégal) à Alger, par Mogador. Le même membre entretient la Société du projet d'une expédition suédoise au pôle antarctique, qui doit être exécutée. M. Malte-Brun dépose sur le bureau un numéro de la Gazette officielle de Turin^ envoyé par M. Barufli, membre correspondant de la Société, dans lequel est inséré un article rendant compte de la séance générale de la Société du mois de décembre dernier. M. Ferdinand de Luca fait hommage; par l'intermé- (357 ) diaire du Secrétaire général de la Société, de trois ou- vrages intitulés : le premier, \Sm' tremuoti memoria di geografia fisica; le second , Notizia sulla effectwa lunghezza delpiede romano; et le troisième, La Societa geografica italiana memoria. Des remercîments seront adressés à M* F. de Luca. M. Jomard annonce que M. Gustave Pégoux, com- pagnon de voyage de Miani, est en ce moment à Mar- seille, occupé à rédiger les notes de son excursion au- dessus de Khartoum. M. Malte-Brun annonce que MM. d'Eichthal et le docteur Meynier sont partis pour la Sibérie; ils ont vu M. Thœmer pour lequel ils avaient une lettre d'intro- duction, et ils poursuivent le cours de leurs études d'histoire naturelle et de géologie et se proposent de descendre le fleuve Amour. M. le secrétaire donne lecture de la liste des ouvrages déposés sur le bureau, et M. de Quatrefages offre per- sonnellement un ouvrage qu'il vient de publier sous le titre : Unité de t espèce humaine. M. Albert Montémont lit son rapport sur l'ouvrage de M. de Sabir intitulé : Le fleuve Amour. M. Jomard fait plusieurs communications à l'assem- blée ; il propose notamment de réunir le Bureau pour préparer le choix de plusieurs membres correspondants étrangers, celle des candidats pour les places vacantes de membres adjoints à la Commission centrale; il de- mande également que la section de correspondance se réunisse pour rédiger des questions relatives à un voyage que M. Grellet va bientôt entreprendre aux sources de l'Orénoque, (1S8) M« d'Avexac, reprenant la lecture de soa mémoire gur la variation séculaire des déclinaisoDs de l'aiguille aimantée, termine la revue historique des théories et des doctrines cfui se sont produites à ce sujet, dans le monde scientifique , en résumant, dans une série de notices rapides, les travaux et les opinions de Morlet, Freycinet, Duperrey, Gauss, Graver, Berwick, Cha- zallon, Drummond, et enfin Brûck, le plus récent des théoriciens du magnétisme terrestre. Un dernier cha^ pitre, encore à faire , aura pour objet de réunir en un faisceau l'indication sommaire des variations consta- tées par d'anciens documents graphiques négligés jus- qu'à ce jour, et qui peuvent ajouter quelques éléments de plus aux données générales du problème. M« d'Abbadie croit qu'il peut être permis d'élever quelques doutes sur la supériorité réeUe des appareils d'observation introduits par Gadss : M. d' Avezac donne à ce propos quelques détails dans le même sens, déjà consignés, au surplus, dans les annotations justifica- tives ou explicatives qui accompagnent son méirK)ire. La Commission centrale exprime le désir que ce tra- vail prenne place dans le recueil des mémoires de la Société : l'auteur rappelle la déclaration qu il avait déjà faite à ce sujet, dans la séance du 16 juillet 1859, sur la nature de cette communication ; mais il attache trop de prix aux témoignages flatteurs que la Société vient dé manifester à cet égard pour ne pas modifier, autant qu'il le pourra faire, les arrangements qu'il avait pris antérieurement pour un autre mode de publication. M. Barbie du Bocage continue la lecture de sa notice sur le Maroc. ( 889 ) OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ SÉANCES d'avril 1861. EUEOPE. Elboographie de la Turquie d'Europe, par G. Lejean (Extrait des Miuheilungen du docteur A. Petermann]. Gotha, 1861, 1 broch. iD-4°. M. G. LUEAN. La Bulgarie cbrétienne, étude historique. Paris, 1861, 1 broch. in-t2. AFRIQUE. Annuaire du Sénégal et dépendances pour Tannée 1861, suiri du journal des opérations de guerre de 1854 à 1861 et des traités de paix passés, à leur suite, avec tes divers États indigènes. Saint- Louis, 1861, 1 vol. in>12. M. le colonel Paiobebbe. OUVRAGES GÉNÉRAUX, MÉLANGES. Unité de Tespèce humaine, par A. de Quatrefages (Extrait de la Revue des Deuay Mondes}, Paris, 1861, 1 vol. in-8^. M. A. DE Quatrefages. Notizia sulla effettiva longheza del piede ronfiano. 1 broch. in-4. •*- Su trennoti meoioria di geografia fisica, NapoU, 1859,1 broch. 10^12. — La iocieta geografica italiaoa. NapoU, 1 broch* ia-12« a brooburea de Al. W chevalier Ferdinand de Luca. M. FSBOUUKO DE LUCA. Almanaque nautieo para 1862, ealcolado de orden de S. M. en el observatorio de marfàa de la eiodad de Sao-FeroaDdo. Gadiz, 1860, 1 vol. in-8. L'OBseftyâTOiat di Sah-Fimando. Gheel ou une colonie d'aliénés (Extrait de la Revue du Limou* sm), par M. Maximin Deloche. 1861, broch. ifi-8. M. MAXivm Deloche. ( SiO) MÉMOIRES DES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES, RECUEILS PÉRIODIQUES. MUtheUwngm de Petennann. 1861, n^ 3. L* Archipel indien. Situaiion des Indes néerlandaises au com- mencement de 1858, par M. fui;p0r«-— Zeithammer^ Géographie et hypsoraétrie de la Croatie autrichienne. — Relevés topographi- qaes faits par les Anglais daps Tintérieur de la Chine (carte). — 6ar les noms de la Werra et du Weser. — Travaux topographiqoes en Suède. — Publications réœntes de lltalie. — Voyage da ly Kmd en Acarnanie. — Ancienne communication par eau entre la mer Caspienne et la mer Noire. — Quatre expéditions pour la dé- couverte des sources du Nil. — Voyage de M. de Qecken aux lacs de TAfrique orientale. — Prochain ouvrage du D' FerdU Weme^ sur l'Afrique. — Abandon de la mission catholique du haut Nil blanc. — Expédition de M. Burke à travers le continent austra- lien. — Expédition scientifique de la Nouvelle-Guinée. — Voyage du colonel Hitrovo au, grand Océan. — Publications récentes. ZHtschrift fiir allgemeine Erdkunde, herausgegeben von D<' Koner. T. X, cah. 1-2. Janv.-févr. C BoUat les lies Canaries (carte). — Ravenstein, les explorations du lieutenant W, Sp, Palmer dans la Colombie anglaise. 3^ partie. — W, Diederichf La religion et le culte des Alfouras da Maha- nassa, dans Ttle des Célèbes. — H, Barth^ L'extension des colonies françaises de TAlgérie et du Sénégal, dans ses rapports avec Tinté- rieur du nord-ouest de TAfrique. — V. Islavirij Habitudes domes- tiques, éducation des rennes et industrie des Samofèdes des toun- dra de la Mézèn. — Déterminations astronomiques et observations magnétiques faites dans Tlnde et dans la haute Asie, par MM. Her- mann, Adolph et Robert de SchUigintweU. — A . Bastianf Sainte- Hélène etTAsceusion. — Extrait d'une lettre de M. le baron K,de Decken, datée de Riloa, 7 octobre 1860. — Extrait d'une lettrede M. Kœnig au consul général de Prusse à Alexandrie. — Les lavages d'or de Cruces, dans l'isthme de Panama. — Voyage de W, Downie de Port-Essington à Saint-James-Fort, Colombie anglaise. — L'en- ( 3A1 ) semblement croissant da Volga. — Population européenne de TÂlgérie. — Régularisation des limites entre la Russie et la Chine, par le traité du 14 novembre 1860. — Ascension du Fouzi-yama, au Japon. — Notices bibliographiques. — Société de géographie de Berlin, janvier et février. — La fondation Cari Ritter. Proceedings of the Royod Society j n" 42. Jourfial ofthe Franklin institute. Mars. Journal asiatique^ décembre 1860, janvier 1861. Décembre. — Extraits de la Chronique persane d*Hérat, tra- duits et annotés par M. Barbier de Meynard, — Garcin de Tassy, Description des nionuments de Dehii, etc. (sutfe). Janvier. — W, Bchmauer^ Mémoire sur les institutions de police chez les Arabes, les Persans et les Turcs (fin), — Garcin de Tassy, Description des monuments de Dehli (Hn), Berne de VOrientf Bulletin de la Société orientale de France. Janvier et février 1861. Le comte de Sabir, Les campagnes des Russes sur TAmour, au xvii^ siècle. — H, Aucapitaine, L'insurrection de la grande Kabylie, 1850-1854 {fin). Defert, Les Anglais dans l'Inde. — K. Langlois, Les monuments de ta Cilicie aux différentes époques. — H. de Charencey, Recher- ches sur les langues touraniennes. • Hevue maritime et coloniale, 1. 1, n** 1-2. Janvier et février. F. Chevallier, les Arsenaux maritimes de TAngleterre. — W, Lapierre, Voyage de la frégate VIsis à Taîti, avril-nov. 1860. — E. Sache, Souvenirs d'un voyage à Mogador (1859). — Mouve- ment commercial des sucres en Angleterre. — E, Braouëzec, L'hy- drographie du Sénégal et nos relations avec les populations rive- raines. — Sibàur, Nos relations avec les nègres et les Indiens du haut Maroni (Guyane française). — Payen^ Panification de la farine de manioc. — Dépenses coloniales de l'Angleterre. — Le Bozec, Note sur les vaccinations et revaccinations opérées en 1860 dans le 2' régiment d'infanterie de marine. — État de la marine mar- chande de la Belgique, de la Prusse et des villes hanséaliques. — ( 3i& ) N® 1317. États-Unis. MoaTement commercial de 1858-59. — Récolte et mouTement des cotons américains en 1859-60. H* 1318. France. Traité du 2 février 1861 relatif à la cession dn territoire de Menton et de Roqaebmne. L* Isthme de Swz^ journal de Tanion des deux mersi n?* 100 h 115. N® 100. RouXy Lettres sur le Hedjaz (suite), N^ 101 . Navigation de la mer Ronge. -^ Un document sur la Syrie. (Résumé des événements de la Syrie, adressé par M. Cyril Graham à lord Dufferin.) , N® 102. Un document sur la Syrie (/ln)« •— Moiàgel Bey^ Port Saïd. N<> 103. Lettres sur le Hedjaz (suite)* N<) 104. Une visite aux Taï-Ping(par le Rer. J. Bdkins). N*" 110. A. RouXf Lettres sur le Hec^az, 3^ lettre. N« 112. Idem (suite). N° 113. A, Roux, Lettres sur le Hedjaz (suite). N*" 114. Lettres sur le Hedjaz, n» 4. Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne, 1860. Savy, Réponse aux observations critiques de M. Gb. Loriqnet sur le mémoire topographique juqn'an v* siècle de la partie des Gaules occupée aujourd'hui par le département de la Marne. Mémoires de la Société d* agriculture, des sciences^ arts et belles-lettres du département de l'Aube, n^ 56, 1860, 4* trimestre. Travaux de V Académie impériale de Reims, U XXIX, 1858-59. L*abbé Gainet, Les chapitres 10 et 11 de la Genèse, expliqués par les faits de l'histoire profane. Journal d'éducation populaire. Octobre, novembre et décembre, 1860, et janvier, février et mars 1861. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE. MAI ET JUIN 1861. llémoires, notices ^ etc. NOTES SUR LES PEUPLADES RIVERAINES DU GABON 9 DE SES AFFLUENTS ET DU FLEUVE OGO-UWAI. CommaDiqués par M. Braoubzec, lieatenaDt de Yaisseaa. Le GaboD, appelé à tort fleuve, est un bras de mer s'enfonçant à 33 millôs environ dans les terres où viennent tomber une multitude de rivières ou criques dans la plupart desquelles la marée se fait sentir pres- que jusqu'à l'extrémité. A très peu de distance de l'embouchure de ces ri- vières on trouve l'eaû douce à marée basse. Les principales peuplades du Gabon et de ses affluents sont, d'après la dénomination des blancs : 1* Les Gaboanais on Pongoé ; 2" LesBonloux; 3" Les Akalais ; 4° LesPahouins. 1, MAI ET JUIN, 1. 23 ( W ) i** Les Pongoé se nominfDt eai-mèmefl. • • . Pongoi* Us sont appelés par les fiouloax.... Bmokow; — par les àkalais Batoki ; — par les Pahouins... Btûokoué. 2* Les Boaloui se nomment eai-mèmes Hischiàki: Ils sont appelés par les Pongoé Shekiani ou Astekiani; — par les Akalais. ... Baschiéki ; — par les F^bonios. . • BcusékabcUé, 3** Les Akalais se nomment eux-mêmes. . . . Mékèlai; Ils sont appelés par fes Pongoé Akalais; — par les Boulouz.... Bèkélai; — par les Pabooins. . . Bimmgomtb, Quant aux Pahouin^ , ils ^ont divisas en deux races : 1** Les Paboains Faon on Fan; r Les babouins Makéï. 4<^ Les Pabouins Faon «^appellent eux-paèmes. .... ^(nm pu fan ; Us sont appelés par toutes les autres peuplades. Pahouins, 5*^ Les Pahouins MakèH se nomment eux-mêmes.. . . Makéi; l\a sont appelés par les Pongoé Shiébq; — par les Bouloux Hiakét; — par les Akalais Be MakéH. •1 , ^» • Quand on vent voyager dans ces pays, ces nuances de noms sont très utiles à connaître. Je ne donnerai que des considérations sommaires sur toutes ces peuplades* G abonnais ou Pongoé, Les Pongoé en particulier ont été généralement assez étudiés. Ils appartiennent à la même race que les habitants d'Okota, dn Galoua et 4Q Vflnenga ; ils parlent à peu près la même langue. Ils ont descendu le cours de la Çaina Qt 4f |a rivi^e du pap Lopisz pii i|9 sqnt e^ççire ^Jabjis, ^\ gopt Ypnps ^n parfjp s'éta|)JM' sur le^ vîyes 4q Gabon, soit en suivant le Yambi, la rivière Rb^;n^é^ I| ÂY!^ tïafqngft, pu p^r ^er en f^mftB^Ot ^^ gpd |ls 9pi^t d'iin caractère floRx q^ ^painenHpept p^çir 4gu^. ^ pQlyg^ip règn^ parmi eux cpmiq^B ^anp toiifes Igs ^tre^ p^ijplades. )ls sqqt )piq d'avoir de ripfluençg c\^ez les gçns de rintér|§iir, qui nç ^es squfffenf quq cpipnae pourtiers. Il leur ^nivp fréquefumenf ^'âfrfl déppuilléa compl^tQiqent de leurs marpbs^nfiises lors^ qu'ils s'aventurent dans certaines criques, et j'ai eu |^ jug^f quelques-uns de ces méfaits lor$; de ipon séjpuç dans la rivière Como. Ils sont du reste fort peu scrfi^: j)t:(JP^ pi|}^-]n$mes , xnais ^s emploient des qpyens plusf civilisés ^t plus pacifiqi^^? pouf yq^r Igur |pop(}q. l»fiç| Pongoé n'ont fie villages, gqr les pours ^'eftïi de l'e^t, que fuv le I^iamboé, ^t ces vi|lagp^ s|qpt epcq^ trji^ rapprochés de l' embouchure. Un chef 4'un de ce|[ village^, pqiiuQi^é Dukeq, est cependant parveni; h % faire fessez respecter dan^ le cours de Rl^ambpé et du Ils appartiennent à la race nègre. Leur alphabet contient le R, qui n'existe pas daqs les langues bouloux, bakalaises et pahouines. Les gens d'Okota, Galoua et Enenga commercent avec les Akagais et les Pongoé de la rivière Cam^. Ils ne connaissent pas les Pahouins. (Sis ) Bouloux. Les Bonloux sont établis sur les rives du Gabon, de Rhamboé et d'Oulombo-Empolo où ils ont quatre à cinq villi^es. Leur population tend continuellement à décroître à cause de leur passion effrénée pour les femmes. Un des villages voisins de notre mouillage en est un exemple : il contient quatre hommes et trente femmes sur lesquelles dix-neuf sont le partage du chef nommé Bou. Ce chef a une influence extraordinaire sur les Pahouins, et est le principal courtier des montagnes de Cristal. II n'est pas rare de voir des villages composés d' Akalais et de Bou- loux ayant . pour chef un Bouloux. Ils ont une supé- riorité morale sur les Âkalais qu'ils détestent profon- dément. Ils se disent issus de la même race que les Pahouins, ce qui me parait fort douteux. Leur langue est un dia- lecte qui contient beaucoup de mots ayant de l'analogie avec le bakalais et très peu dérivés du pahouin. — Leurs villages sont réguliers comme ceux des Pongoé. La femme, chez ces peuplades, est le mobile de presque toutes leurs actions. — De village akalais à village boulon, ou même de village akalais à village akalais ou de boulon à boulon, ils se volent leurs femmes. C'est immédiatement le sujet d'une guerre qui se vide par des surprises de nuit en pirogue ou par des com- bats navals en plein jour. J'ai été témoin de plusieurs de ces combats de jour, qui sont en général peu meur- triers à cause de la distance respectueuse à laquelle ( 849 ) Us se placent. — Ils sont cependant plus braves que les Âkalais. Lorsqu'ils vont acheter une dent 4' éléphant chez les Pahouins, ils laissent une de leurs femmes ou deux, sui- vant rimportance de la défense, en otage chez les Pahouins qui passent le pied de la femme dans un gros morceau de bois — la femme est rendue lorsque Ton porte le prix de la défense. La réciprocité a lieu. — Ainsi les Pahouins envoient aussi une de leurs femmes en otage, lorsque le Boulou a donné des avances de marchandises. — Môme chose a lieu chez les Akalais — s'ils ont des captifs. — Leur population est tout au plus de 3000 âmes ; ils n'ont pas de villages sur le bord des rivières Como et Bogoé. J'entends par Gomo, la branche d'Oulombo-Empolo après Nengué-Nengué. — Dans le pays on a l'habitude d'appeler Oulombo-Empolo, la rivière, depuis l'Estuaire jusqu'à Nengué*Nengué. Ils sont un peu moins foncés que lesPongoé et les Akalais. Akalais. Peuple originaire de la rive gauche de l'Ogo-Uwaï, race nègre, population d'environ 60 000 âmes. Elle ha* bite depuis l'Ogo-Uwaï jusqu'aux rivières Bogoé et Oulombo-Empolo. — A l'extrémité de la rivière Bogoé j'ai trouvé des Akalais. Sur la rivière Como ils ne s'é- tendent pas loin, dans la crainte des Pahouins. Ils ha- bitent aussi les rives du Yambi, du Rhamboé qu'ils nomment Limbié, sur les rives des rivières Cohit, Ciembré, Assango, etc. Ils ont à peu près les mêmes mœurs que les Bouloux; ils sont plus noirs. Ils se font ( 860 ) èontinuellemetit la guerre entre eux, de village à vil- lage, enlèvent des femmes. — Les Bouloux et les Akalals Bont d'une habileté et d'une adressa remai-quablës sur l'eau. Ils craignent énortnémentles Pahôûins âur tèiré; tnais sur l'eau ils sont plus forts que ces derniers. Leurs villages sont moinà régiiliërd que Ceui dés Bouloux et dès Pbng'oé. Us servent de courtiers aux gen^ du littbral poiit l'ivoire, la cire, etc. On peut en cohi^ultant Isi c&tiie qui acbompà^è cèà notes se faire tane idée exacte des j^ays habités par ëëttë tnbu. La basé de la nourriture de tous ceâ peuplée est là batîaiie {banane cdchon)^ le poisson: Ilâ oiit Beàiiêtiiip de Volailles et de moutons. Ild mangent le tanïantin dont la chair est ttès bbniiè et là graisse eilquise aux moià de liiàrs et d'avril: lié tè Aiment et^ tel qu'ils le préparent; il ferait trèë di^ë de notre table. Aux mois de juin, juillet et août, ils mangent beau- coup d'ignames {geull tapie). Je ne partage pas leur goût pour ce dertiîër mets. La brevette est |)ëut-étre un des thets leis plus coihrtiuiis. Leurs fenlmes ibnt ëfaargëëd de les pêcher ; elles abondent dans toutes ces Hvières. Pour préparer soit leur poisson, soit leur viande, ils se servent d'huile de palme et surtout d'odika, sorte de chocolat huileux, huileux ;^arce qu'il est cotnpôsé du contenu d'une noix à forme ellipsoïde, c^ui vient stir un arbre à fleurs blanches et à feuilles luisante^ ei |M)faltU6d; ( 551 ) Les Pahouins, ainsi que les Bouloux, fabriquent aussi Todika et le mangent. Uodika est le nom pongoé de cette préparation, N'dikb le nom boulou, N'diki en akalais. N'doko en pahouin, faou et makéi'. Pahouins^ Faon et Makei , Cette peuplade est sans contredit la plus nombreuse de tout ce pays. J'évalue leur nombre à 120 000 envi- ron. Ils se partaient en deux races mêlées dans cer- taines parties du pays. Ils habitent depuis les mon- tagnes de Cristal, la rivière d'N'coni; ils sont la terreur dès populations du littoral où ils pénétreront bientôt, sans aucun doute. La crique Ciembré dans TEstuaire de Cohit, contiendrait déjà des Pahouins Faon. Ils sont très braves, se servent très peu d'armes à feu et se battent avec des sagaies. Les Akalais et les Bouloux ont recours au fusil; cependant les Pahouins commencent aussi à s'en servir. Ils se battent comme chez nous, en plein jour et munis d'un bouclier en peau d'éléphant; ils aflrontent leurs ennemis. Ils chassent Téléphant, travaillent très bien le fer qui abonde dans leurs montagnes. Leurs villages sont très propres, leurs cases très bien faites. Leurs villages consistent dans une seule rue très bien alignée, à l'extrémité de laquelle est la forge. Quelquefois il y en a deux. Au milieu existe une case commune ; les cases sont parfaitement symétriques des deux côtés de cette espèce de rue. Contrairement 'aux ( 352) Pongoé, aux Akalais et aux Bouloux, ils sont anthropo- phages. — Pour des défenses d'éléphants ils achètent des captifs chez les Akalais et les Bouloux pour appro- visionner eurs festins. — Us se font la guerre entre eux et se mangent aussi entre eux. Leur race est toute différente des autres ; ils ont la peau beaucoup moins noire que leurs voisins, ils sont jaune noir. Le nez égyptien, les yeux relevés et fendus en amandes comme les Nubiens; leurs tempes un peu dé- primées, et Tos des joues un peu saillant. Le bassin est très étroit. Ils sont en général bien taillés et assez grands. C'est chez eux que j'ai vu les plus beaux hommes. Ils sont d'une maladresse notoire sur l'eau. A terre ils sont, comme je le disais plus haut, la terreur des voisins. Je crois qu'ils viennent de la Nubie et ont traversé l'Afrique. Beaucoup d'entre eux ne savent pas nager. — Ils n'auraient donc pas trouvé beaucoup d'eau. Chez les Pongoé, les Akalais et les Bouloux, tout le monde sait nager. Une femme boulou me disait qu'elle ne craindrait pas dix Pahouins sur l'eau. La religion de tous ces peuples est un mélange de fétichisme et de superstition. Lors de mon voyage à la source de la rivière Como, on me montra sur une montagne un arbre gigantesque, où, selon leur tradition, Dieu créa les hommes et dis- tribua à chaque homme un peu de miel pour sa nour- riture. Les Pahouins mangent la banane, c'est la base de ( 363 ) leur nourriture; peu de poisson, qu'ils aiment cepen- dant beaucoup, mais qu'ils ne peuvent pas se procurer en abondance, à cause de leur peu d'habileté sur Teau. Ils vivent aussi de chasse ; ils aiment beaucoup la chair d'éléphant, la biche, l'antilope, le singe. Ils laissent pousser leurs cheveux qu'ils rassemblent en une seule tresse qu'ils laissent tomber en arrière, comme notre ancienne queue (ils ne leur manquerait que d'être poudrés), Devant, ils ont tous une peau de singe qu'ils tuent avec un arc que j'ai apporté, et des flèches frottées d'un poison dont l'effet est très violent. J'ai assisté à une de leurs chasses aux éléphants. --* Les Pahouins ne sont pas encore descendus jusqu'à l'Ogo-Uwai. Chez les Akalais et les Bouloux ils ont des chefs à peu près reconnus, qui se cachent la figure quand ils boivent, dans la crainte du mauvais œil. Chez les Pahouins c'est à près le communisme. L'homme le plus intrépide est reconnu tacitement comme chef. — Lors de cette chasse aux éléphants, je désirais avoir les pieds; je fus obligé d'attendre le partage de la bête. Ceux qui passaient pour chefs ne pouvaient pas se les approprier, d'un commun accord, lorsque l'animal fut tué, on me donna la tête dépourvue des défenses, il est vrai. C'est le morceau d'honneur; ils ne sont pas d'accord, en cela^ avec le célèbre voyageur Levaillant. Les Pahouins sont réputés très bons pour guérir les blessures, soit de sagaie, soit d'armes à feu. Ils mettent sur les blessures une écorce d'arbre appelé par les ( ssA) Akâlais Harih^ par les Boiûouxmanh et par les Pahouins hiè biahh. Lôràqû'U est qttestîon de ^tierre avec lès Akàlaîs, ils ne se décident à la faire que suivant l'aspect (^iie firéod tin banaLnier qu'ils coupent en travers! d'un ëën- Her, et que chaque guerrier foiile aux fiieds pendant tin temps déterminé. Lorsqu'ils sont pôursiliti^ pat des etmemis; ils plàtiteiit dans le sentier, dé distaiice êii distance; deà itiohceaux dé hovA poiiiiiis et diii-s, qiii font rebrousser chemin quelquefois à beux qui les |)btirstllvent. lÀ chasse aux éléphants se fait de cette màhiëré i 1(6 sorcier ou médecid ae là tribu, appelé h'gan cliez les Pslhbiiind, attire Téléphant à l'aide d'uii appeau àppdé dibëkà, après Itii avoir préparé deé appâta composés en grande partie de feuilles et de petitëà i)ànat)ë^ boibiliéëé toto^ dont l'ëlêphaiit ëàt très friaiid. Pëndslht ce temps toute là tiibû se itiet à faire un eii- Iburà^é parfaitement i*ohd de âOO iiiètres de ràyBii ènvirocl; bompbsé dé bambous de dix pieds de hau- teur; Ces bàmbbùâ ne sbht pas forte, car ils sont cxmi à riiltérieur. Gët entourage se ridnmié angôlé d'fàgg^ d'jogg vëilt dire ëlëphant. Ilà prétendent i^ue le n'gdâ maintient l'êléphalit dàils èèt enclos circtilàii'e^ jusqu'à la terminaison, avec titl ianlbour appelé m'baîâ dont l'éléphant ainie le sdii: Gcci est le côté fabuleux. • L'ëlëfihànt trbiivarit naturellement des bananes éi dès feulUes dont il est tfës friand, né soiige pas à quit- tée l'endroit où il trouve sa provision toiljours reiiou- Véléé. ( S55 ) Lorsque rëhtôtil'age est termitié, le h'gàn se perehe gtir un arbré voisin de la clôture, et est mtini d'iiiiè sagaie très pointue dont le poids est augmenté; L'élé- phant, trouvlttit deâ bananes et de Teku dans un sentier conduisant à cet arbre, vient s y faire bénévo- lement tuer d'un coup de sagaie à l'épine dorsale à la région du cou. Aussitôt la sagaie tombée, tout le monde, hommes et femmes, se précipitent sur l'animal qui fait un tour éiii* ibi-nifimëi cbitimie un bdsUf qdi à l*éçii iiil cduiil de liiàssiDs. De^dl§ l'enfance bn habitue cèis gëils $1 manier là sagaie: J'âl vu des ëiifants planter cbiitiiluëllemeht lëitrâ èàgâiëâ âttils iih iilorcëatl dé boii^ sptitiglëui ^e je jetais en l'air. Lorsîjû'ils Se précipitent sur l'ëléphant, les ciiS de l:séiâ gëÈlâ lie âdnt pàst des cris d'honimés, ce âont Ses litiriëthënts de Vraies bêtes férbcés. Mes noirs ^ qui tf ëtilettt pas du t)ays, furent ëfiVayés feh lëis entendant; f êfa étki^ moi-irilmè Hj^é toiil jUste taSiuré; La tête est donnée au plusi brave: Une défense et là txbiUpé dbnt données âti d'gan; Lâ;iètë se hotfatfae n'//i; là ti'othpë iân-d'joggi L'éléphant, qui pourrait renverser, par son ptopl^ fldidU deUl; Fëntourage, ne songe pas & le dépasser. Coiùttie il est parfaitement tégulîèr à l'intëHeur; roùd connue un vase, l'animal tourne autbtir de Ce pot. Il y tournerait, je crois, éternellement. Les blancs Sbtit appelés, par lés Porigoé et les Bou- tons ^ tanganu itâhga t)at' les Akalais et iitltan^g ptiiï led Pdiotdni»; ( 35G ) Les Pahonins ont eax-mfimes des eDDemis terribles qui les obligent, dans les montagnes, i se tenir sur leors gardes. Ce sont des tribns nomades appelées : Par les Poosoé Akowa; Par tes Boolom Bakoio ; 2 Par les Akalais AoIboimi; Pw les Pahoaiiis, Bakom. C'est un peuple à taille exiguS, comme les Lapons ; ils arrivent à une grosseur étonnante, ils ont les che- veux et les sourcils roux laineux, les yeux de la cou- leur des albinos, et la peau jaune noir, bla£Etrde. Es prétendent que ce peuple est d'autant plus ter- rible qu'il y voit la nuit. Bref, ils se battent très bien, chassent continuelle- ment. C'est là la base de leur nourriture. Leurs cou- tûmes nomades empêchent les Bakouî de s'occuper de culture. Aussi viennent-ils troquer des défenses d'élé- phants avec les Pahouins, contre des bananes, des ignames, de l'odika et du sel. Le peuple pahouin est celui qoi soigne le plus ses cultures, en dépit de son penchant à se rapprocher du littoral. Le pays, jusqu'aux montagnes de Cristal, contient quelques flaques d'eau salée, qui sont d'une grande utilité pour ces gens. J'ai vu deux ou trois Bakouî. Il paraîtrait qu'au delà des montagnes de Cristal, le sel est très rare. Ce n'est pas étonnant, car, suivant l'expression de M. Henrick, prêtre protestant, la con- ( 35^ trée au delà de PoDdoum n'est plus qa'un océan de montagnes. La contrée, depuis le littoral jusqu'à l'extrémité de la Bogoé, n'est accidentée que par de petites collines dont les plus hautes n'atteignent pas 50 mètres ; aussi est-elle inondée de criques qui la sillonnent en tous sens. Sur les bords de la rivière Gomo, le pays change d'as- pect, quelques moments avant d'arriver à une grotte peu profondément située dans le côté de la montagne qui forme le côté de la rive droite de la rivière. Là se forme un plan de montagnes de200 mètresde hauteur. Itchouké ou Itchongué, village pahouin, est situé dans la vallée qui termine cette chaîne dans le nord-est. Ensuite le Como devient très étroit et coule au milieu de montagnes où je n*ai pas pu aller, car la position de capitaine de bâtiment ne permet pas de faire ce que l'on veut. L'extrémité Mabéï, marquée sur ma carte, est au milieu de montagnes qui répètent à l'envie un écho trois ou quatre fois. Cet écho, selon eux, semble dire mabéï. Noms donnés aux peuples limitrophes^ par les Pahoains Makéï. Ilf appellent les Pahouins Faons Biéié; — les Akalais Binngamth; — les Booloui Béchiou'y — - les Pongoé Baouo madjiba ; ^ les Lakouï Baguiéli. <»!■ « ( m ) Explication des renvois indiques dans le er^gjfm ^ fg^ rivière, ÇomQ* A. — La rivière Gomo est réellement une rivière» car T^ean yil9(()&8|nop^gDÇ8; qoant à |a rivière Sogoé'qw v(| plus lois (jjins l'est, ce n'eft ^ propre^ept parler qu une çriliVift Qlk l«9ot M fait sentir jusqu'à l'extrémité. 9. — |.^ rjyièrç Paii^bQé des GabpPDais et Limbié des Àka- lai^ sq divisa en dem^ t)raQc))^. Gell^ f)Q giluctiQ e» rfiSa|d4PV)^ m^ prend le npm d^ (tbanobc^, ellf» poqle p^daql ^viff^ 550 pille9 : elle est l^abitée par des Gaboqoais, ^^s ^opj^ux ft des Avalais. Celle de drgitoi sp nomo|e Yambi et <;qu|g ^a pd-8{i(}^ est et au sud. Elle communique de nouveau avec la rivière Hbam- boé de la même manière que les rivières Como et Bogoé çpmmu- niquent entre elles par la crique Tiolé Chauvin. Elle est habitée par des Âkalais, des Bouloux et quelques rares villages de Pabouîns Makél. La rivière Rhamboéa à peu près les trois quarts du coufd de la rivière d'Oulombo-Empolo ou Como. G. — Les Bouloux sont les hommes les plus intelligents et aussi les plus sensuels de la rivière ; ils sont en très petit nombre. Dans leurs rares villages il y a toujours quatre fois plus de femmels que d'hommes. • " * ■ Vî Le roi Bou, du village Tchimbié-boulou est le principal cour- tier deTivoire provenant des Pahouins des montagnes de Cristal. Les f ahouips ont pour ce chef des attentioa§ qu*ila d'oq( pas pour les leurs. On aperçoit encore des traces de Pahouins Makéï dans la crique Longié et sur les bords de la rivière Yambi qui tombe dans' la rivière Rbambo^. D. — Les bords de la rivière Lobié étaient autrefois habités parles Akalais, ils ont été chassés parles Pahouins. Les gens du pays disent que les rivières Lobié et Bogoé com* < m ) knaniquent entre elleâ, ce ne peut être que par quelque crique» parce que j'ai remonté le 60ur9 de ces deux rivières aussi loin que possible et que je n*ai pas découvert'le f>oint d^intersection. Du reste le pays est entièienoent couyertd'Qo réseau de rivières communiquait pre§qu^ ipf^tes entre Q)!§g p^i: ()es cçy|iiei; elles présentent les plus sérieuses dif^cul^^s à une reconnaissance exacte. £. — Les Pahouins se divisent en deux races : V Les Pahouins Faon; ^* Les Pahouins Makéî. les çreipf rs yifimjgn^ de I^ rivière f^gpjo gar 1^ ngdqocdrjgt, nof'd-est, sud-est, est-sud-est; lessecon(}s yiennenj par je çu^t est. Leurs langues ont beaucoup d'analogie entre-elles. Les Pahouins Faon semblent mépriser un peu les Pahouins Makéî, qui paraissent provenir d'un mélange de Pahouins Faon et d'un peuple nommé Shiibi qui habite sur les bords de TOgo-Uwaï. V. — M. Bert, missionnaire américain, est parti d'un village de la rivière Cohit et est venu terminer son voyage en ce point où il a vu neuf villages pahouins. Il a été bien accueilli partout; grâce à son compagnon qui était un chef pahouin très connu pannieux. ' ' LA RIVIÈRE PARAGUAT, DEPUIS SES SOURCES jusqu'à soif EMBOUCHURE DANS LE PARAFA (iS5i à iSSiï), Par le docteur Amédéb MOURE. {Suite.) La rivière S. Lourenço, autrefois appelée rivière des Parrados, a ses sources par les parallèles de 15° iat. sud, à l'est-nord-est de la ville de Cuyabâ. Une mul- titude considérable de ruisseaux et de petites rivières grossissent ses eaux presqpie dès son origine. Le prin- cipal de ses tributaires porte le nom de Parnahyba ; c'est bientôt après cette jonction que se trouve la dernière cas- cade de la rivière S. Lourenço. Cette rivière est facile- ment navigable jusqu'à cette cascade. Delà, la rivière S. Lourenço parcourt plus de 120 kilomètres au milieu de plaines, sans qu'elle reçoive un seul affluent consi- dérable. Mais bientôt, par sa rive droite, elle reçoit la rivière Itiquira, qui, elle-même, a vu grossir son cours par les eaux assez puissantes et navigables des rivières Cor rentes et Piquiri. C'est à quelques kilomètres au-dessous que, par sa rive gauche, la rivière S. Lourenço reçoit le plus im- portant de ses affluents dans les eaux de la belle et riche rivière Cuyabâ par les 17° 19' Iat. sud. La rivière Cuyabâ naissant des versants nord-est de la serra des Parecis par les 12° 30', après avoir reçu de nombreux affluents, passe, majestueuse et fière, ( ^^^ ) >n face, sur la rive gauche, de la jolie ville, capitale de la province à laquelle elle donne son nom, par les i5o36'lat. sud et 58° 15' long, mérid. de Paris. Nous savons que la rivière Guyabà est navigable, puisqu'elle entretient sur ses eaux, non-seulement une navigation importante de cabotage et une navigation à vapeur , qui descend jusque dans le Paraguay , le Parané et La Plata, mais encore une petite flotte qu'alimente un arsenal de marine des mieux approvi- sionnés, et qui est le centre de défense des limites de toute la partie ouest du Brésil. La rivière Guyabà n'a pas moins de 320. kilomètres navigables jusqu'à son embouchure dans le S» Lou- renço. Il se produit dans la rivière Guyabà chaque année, au moment des premières pluies, un phénomène assez curieux pour être mentionné ; je ne sache pas qu'il existe autre part, ni même qu'il ait été signalé par les voyageurs. Ge phénomène est une émigration annuelle de pois- sons en masse, semblable à celle de certains oiseaux en Europe. Aux premières pluies, fin octobre ou commen- cement de novembre, la rivière étant à ses plus basses eaux, on voit se réunir par bandes, quatre ou cinq espèces de poissons, qui font un grand bruit, percep- tible à plusieurs kilomètres de distance, et qu'on pour- rait comparer au roulement de voitures ou de char- rettes sur un pavé irrégulier. Ces poissons descendent à petite journée le cours de la rivière , pour aller s'établir sur les terrains snb- mi^rgés par l'inondation, ^l'ai vu pour la projnière fois I. MAT ET JUIN. 2. 2/i (165) ee corieiix phénomène le 1** novembre 1851 devant Cuyabà ; il s'est prolongé jusqu'au 15. D est une espèce très nombreuse du nom de Curim- kata qui commence Fémigration, une autre plus volu- mineuse et tout aussi nombreuse, appelée ran/, vivant de la première, semble la poursuivre. Puis d'autres viennent à la suite. La quantité de poissons que l'on prend partout sans filet avec la main , avec des flèches , des paniers , est incroyable; c'est un amusement fort curieux pour l'étranger. Cette émigration amène les poissons vers les ter- rains inondés, où ils vont dans de gras pâturages produire une génération qui, eu mai ou juin, fera une ascension bien plus nombreuse et avec moins de bruit, mais toujours avec un ordre analogue à celui de sa descente. On voit alors une immense quantité de petits pois- sons, poursuivis par de plus grands, qui, eux-mêmes, se hfttent de fuir ceux qui les veulent atteindre. Il n'est pas moins curieux de les voir abandonner les terrains inondés qui les a vus naître. L'eau va leur manquer ; il n'y a plus qu'un étroit courant de communication ; Feau va disparaître. Combien de milliers retardataires payent de leur vie d'avoir manqué de vigilance et d'avoir donné à l'eau le temps de rentrer dans le fleuve avant eux ! A pea près tous les poissons à écailles de ces pa- rages vont à l'émigration annuelle à plus de 200 kilo- mètres de leur séjour habituel. Pendant un moment, il ne reste dans le Cuyabà que les poissons à peaux lisses et les retardataires. ( SOS \ Il est du reste peu de rivières que je sachç au^çi éminemment poissonneuses en quantité comme en qua- lité que la rivière Cuyabâ. Les poissons que j'ai vus sont désignés sous les noms de poissons à écailles : curimbata, pacu, dorado, pi^- bussu, piraputangà, trahira, abotùado, ximboré, cara, caraguassu, jejum, lambari, banana, piavag^inhs^ , sfardinha, tabinha. Plats à écailles : pacupeba , piranha , papudi^ha, sàhicanga, peixe cachorro. Les poissons sans écailles : barbado, jurupensen, juripoca, bagre, pintado , jahu , fidalgo , jahupeva, dondu, agulha, mussum, congussu, suruby, etc., etc. Après avoir reçu les eaux du Cuyabâ, le S. Lourçnço suit la direction générale sud-est à ouest au milieu de terrains sujets à l'inondation, et après un pe^rQoucs de 72 kilomètres va unir ses eaux à celles de la rivière » Paraguay vers les 4 7° 55' la t. sud. La longitude de cette jonction d'après la moyenne de quatre observa- tions astronomiques doit être 60° 9'!'', puisque ce§ ob- servations avaient donné 60°9'3ô", 60°9'a5", 60»11'5" et 60°5'50". D'après les observations des astrpnpmes de la commission de limites en 1786, la longitude de Pedras de Amolar avait été. de 320oi3'34" de l'île de Fer, ce qui correspond à 59" 46' 30'' du méridien de Paris. Or» Pedras de Amolar est situé à 0° i'A8" à l'ouest de l'embouchure du 8. Lourenço, il eu résulte poi;ir celle-ci 59'' 44' 42", ce qui donne une dUTérçupe sur les observations modçruqs de Q°24'29". 11 existe, à la confluence de cette rivière, une Ue bîisse et entièrement sujette à l'inondation. Cette île a 1 ki* t lomëtre de largeur sur 2 kilomètres de longueur , et s'étend jusqu*aux 17*57'. H arrive que, quand la crue des eaux de la rivière S. Lourenço précède on excède la crue de la rivière Paraguay , les eaux de cette der- nière rivière sont repoussées dans la partie supérieure du bras oriental, et alors les eaux du S. Lourenço se trouvent affiner dans celles de la rivière Paraguay par deux bouches opposées , Tune an nord et l'autre au sud de rile. Dans ces parages, le terrain de la rivière Paraguay est sensiblement plane et horizontal, si Ton excepte cependant un petit groupe de collines à une distance de 4 ou 5 kilomètres de la rivière , ainsi que la petite montagne de Caracarà, située sur la rive droite du S. Lourenço, à 4 kilomètres avant son embouchure. Sur la rive droite du Paraguay, à la distance de 1 à 2 kilomètres, on aperçoit la haute et majestueuse cor- dillère qui longe la rivière Paraguay , depuis le lac Gaïba jusqu'à Coïmbra. L'espace de terrain qui sépare la rivière des mon- tagnes, est très bas et en partie marécageux et entre- coupé de ruisseaux et de petites rivières. La largeur de la rivière dans cet endroit excède 100 brasses. A 11 kilomètres au-dessous de la barre du S. Lou- renço, le rio Paraguay présente sur la rive droite une pointe de la cordillère que nous venons de signaler. Cette pointe porte le nom de Pedras de Amolar. A 5 kilomètres plus bas, cette cordillère se rap- proche jusqu'à servir de limite à la rivière, à l'endroit désigné sous le nom de Dourado. Le Brésil possède sur ce point d'extrême frontière r 4. r ( 305 ) , » • • • avec la Bolivie, un détachement de peu d'importance. Ce poste néanmoins offre une grande valeur pour la police fluviale, en même temps qu'on y trouve les élé- ments d'une vaste et imposante exploitation agricole et industrielle , mais qui ne se fondera que dans un avenir plus ou moins éloigné. On y conserve seulement quelques bestiaux. La végétation qui recouvre toutes ces montagnes, appartient à la même richesse que celle des plaines. Le côté ouest présente plusieurs groupes de forêts vierges. Derrière la chaîne de montagnes du Dourado, sur la droite du Paraguay, et en territoire bolivien, se ren- contre le lac Mandioré par les 18° 12' lat. sud. Voici la description qu'en donnent les commissaires des limites de 1786. « Le lac Mandioré qui a la configuration de la plante du pied d'un homme, a 20 kilomètres du nord au sud, 6 kilomètres de largeur dans sa partie moyenne, et 52 kilomètres de tour. A la rive orientale s'appuient les hautes montagnes qui forment les versants opposés de la côté occidentale de la rivière Paraguay en venant du lac Gaïba. La côté opposé du lac Mandioré, ou celui de l'ouest , est également montagneux , et ses mon- tagnes se tournant vers l'est, se terminent au sud. Enfin l'extrémité nord du lac Mandioré est limitée par la même latitude que Pedras de Amolar, laissant entre la fin du lac Gaïba i 6 kilomètres de terrains élevés, recouverts de forêts avec une montagne plus élevée de forme pointue vers le milieu, que l'on désigne sous le nom de Uheo. » ( S66 ) A partir dn Donrado, la rivière Paraguay court est- 8tld-éât, durant 7 kilomètres. On doit noter sur la rivô droite deux montagnes élevées et détachées, ap- pelées C/mnès, qui sont Tune et l'autre â près de 2 ki- lomètres du bord de la rivière. Un peu plus loin , une grande baie avec le même nom de Chnnès vient sur la rive gauche apporter ses eaux d'écoulement à la rivière Paraguay, tout en com- flliiî1i(ïuânt avec la rivière S. Lourenço au moyen d'un (îartâl (Jtii sort de ladite rivière aussitôt après la ter- àlînaison de là montagne Caracarà. A 8 kilomètres de la baie de Chanès , dans la direc- (iori sud, on trouve les Très Barras ^ ainsi nommés parce qu'à ce point la rivière se divise en deux bras, qu'une île sépare , en même temps que se trouve en face sur la rive gauche la bouche d'une baie d'écoule- ment. Le bras droit est bordé , à très peu de distance, par une ligne de bas-fonds qui limitent la rivière à l'endroit désigné sous le nom de Laranjeiros , et qui s'étend à 7 kilomètres des Très Barras pour se conti- nuer à 5 kilomètres au dessous de Laranjeiros , et se terminer avec la montagne de Sucury. A 5 kilomètres plus bas. c'est-à-dire par les 18*» 29' lat. sud, la rivière Paraguay se sépare de nouveau pa^: la gauche, en envoyant dans cette direction un bras qui forme le Paraguay-Mirim, et qui, présentant une boilche de quelques brasses de largeur à peine, est facilement navigable. Ce bras fait de nombreux détours au milieu de ter- rains sujets à l'inondation , et est entrecoupé de plu- sieurs baies d^écoulement , avant de rentrer dans le lit ( 867 ) principal. Sa ligne droite n'aurait pas plus de 33 kilo- mètres, tandis que son parcours n*a pas moins de 55 kilomètres. C'est ici que se termine le district que les Guatos ont l'habitude de parcourir ou d'habiter. Ces Indiens dont le nombre peut être évalué à 4000 ou 5000 in- dividus, se rencontrent sur la rivière Paraguay depuis les lacs Dberaba et Gaïba , sur le bas des rivières S. Lourenço et Cuyabâ, c'est-à-dire qu'on les trouve dans tous les parages sujets à l'inondation entre les 17** et 18° 30'. Ils n'ont pour ainsi dire d'autres de- meures que leurs canots. Ce qui surprend dans ces petites embarcations , cest la légèreté, l'élégance et l'y • . • • • ^ i surtout la ressemblance parfaite de chacune d'entre elles. Quand ces Indiens stationnent quelque temps dans un endroit, ils se construisent à la hâte sur l'une ou Tautre rive, de petites cahutes de branches d'arbres et de feuilles de palmiers; c'est là leur demeure et leur abri contre la pluie, le soleil et les moustiques. ils vivent de chasse et de pêche. Us ont pour arme un arc de 2 mètres âe longueur, fait en bois dur et noir, avec des flèches de 1 mètre 1/2 et moins, qu'ils manœuvrent avec une habileté et une dextérité extra- ordinaires. Ils se servent de leurs flèches pour la pêche comme pour la chasse. C'est avec une flèche courte, faite de roseau dur, qu'ils atteignent le poisson, tandis 'iy /.'il que pour la chasse contre les tigres qui infestent ces contrées, ils se servent d'une flèche plus longue et plus forte qu'ils nomment àzaguia. Les Guatos ont autant de femmes qu'ils en peuvent ( 368 ) ou veulent nourrir de leur pêche et de leur chasse. 11 est rare qu'ils en aient plus de trois ou quatre ; beau- coup se contentent d'une seule, mais j'en ai vu plu- sieurs qui en avaient dix et douze , et Tun d'eux en avait treize. Malgré ce nombre et en opposition aux Indiens Guanas et Guaycurus qui n'en ont jamais qu'une qu'ils cèdent volontiers, les Guatos sont extrê- mement jaloux de leurs femmes, surtout au vis-à-vis des étrangers qui seraient mal venus de leur adresser la moindre plaisanterie. On ne rencontre pas chez les Guatos la barbare cou- tume qu'ont certaines autres nations de tuer leur progéniture. Chaque famille vit isolée, et quand ils se réunissent pour une guerre ou un commun besoin, ce n'est que pour peu de temps. On ne nete rien de particulier dans leur physiono- mie, si ce n'est qu'ils sont un peu arqués dans la tenue du corps et des jambes ; ce qui doit tenir à la po- sition dans laquelle ils se tiennent constamment pour ramer leurs canots. Ils n'arrachent ni leur barbe ni leurs sourcils, néanmoins ils en ont très peu. Us laissent croître leurs cheveux. Les hommes les attachent sur le haut de la tête» et les femmes les laissent flotter sur le cou et les épaules. Ils sont généralement nus, hommes et femmes., même la tête; ils recouvrent à peine les parties génitales. Cependant ils portent volontiers une chemise et un pantalon de toile de coton , tandis que les femmes se plaisent à se parer d'un jupon de même étoffe, mais ils ne s'habillent ainsi que lorsqu'ils doivent se trouver en contact avec des voyageurs, surtout avec des étran- ( 309 ) gers qu'ils savent appartenir aux pays civilisés , et dont ils attendent quelques petits cadeaux, ou avec les- quels ils espèrent échanger leurs peaux de tigres et même leurs flèches. Ils portent presque constamment pendus à leurs oreilles, quel que soit le sexe, des pendants artistement faits en rosace avec des plumes d'oiseaux aux couleurs les plus brillantes. Ainsi que toutes les nations voi- sines, ils ont perdu ou abandonné Tantique coutume de se percer la lèvre inférieure pour y placer un mor- ceau de bois ou d'os. Bien que les Guatos soient, pour ainsi dire, amphi* bies, puisqu'ils vivent presque toujours sur l'eau, ils sont d'une malpropreté rare. Les Guatos sont inoffensifs, d'une loyauté gratide; mais ils ont montré en plusieurs occasions qu'ils étaient vindicatifs; ils oublient rarement une offense et ils savent se venger des agressions qu'ils n'ont pas pro- voquées. La langue des Guatos est gutturale, sans euphonie, et ne présente aucune analogie avec la langue géné- rale des Indiens ou Guaranis. Disons que beaucoup et presque tous les jeunes sujets parlent le brésilien plus ou moins correctement. Aussitôt que les Guatos aperçoivent une embarca- tion, ils l'entourent de leurs petits canots et la suivent tous les jours et durant le temps qu'elle se trouve dans leur latitude; ils en attendent un peu de farine, du sel, du tabac et surtout de l' eau-de-vie, pour laquelle ils sont très friands. Ils font encore un petit commerce d'échange avec ( J70) les voyageurs ; ils donnent le produit de leur cbasse« comme des peaux de tigres, de singes , de loutre ou bien de la cire , du miel , etc. , contre des couteaux, des haches, des hameçons et de la toile de coton. Quelquefois ils se louent pourle service des cstnots, et ils deviennent très utiles , soit pouf c^iassQr , sgit pour pêcher, soit pour diriger une embarcation parmi les terrains inondés. Au retour d'une excursion lointaine qui n'avait pas duré moins d'une année , j'ai pu jouir dans ces pa- rages d'un bien agréable spectacle, offert par l'arrivée de deux Guatos (jue j'avais eus à mon service et dont maintes fois l'avais eu à me louer. Ce furent des cris, des hourras, des accolades, des va-et-vient, des génu- flexions à n'en plus finir^ que faisaient plusieurs cen- taines de familles où les femmes étaient en majorité* Toute l'industrie de cette nation consiste dans la fabrication de leurs canots, de leurs arcs^ et flèches. Us font également avec de l'argile et du kaolin des vases grossiers pouvant servir à la conservation de l'eau et à la cuisson des aliments. Avec un fil grossier qu'ils retirent de l'écorce , et des feuilles du palmier tucum ou des feuilles del'aloès/;//^, ils tressent jde fort beaux hamacs et de jolis éventails. Il va sans dire que dans ces contrées l'éventail est très utile contre les moustiques qui sont le désespoir du voyageur, Ce n'est que par exception que l'on rencontre par rares intervalles une famille établie dans un lieu dé- terminé , et s'y adonna,nt à la culture de quelques pieds de canne à sucre, de maïs, de manloque* de banane, etc*, etc. C'est là tout ce qu'ils possèdent, et (871) cependant ces plantations sont si insignifiantes, qu'elles semblent être insuffisantes au besoin de la famille. te bras supérieur dé îa rivière Paraguay , que nous avons laissa |)ôur entrer dans le l^araguay-Mirïm, poursuit depuis ce point avec de nombreuses sinuo- sités la direction sud-oùest jusqu'au Castello. Ce Castello est un rocter vertical ^ui ressemble â une vieille muraille en ruines ; Il est situé sur lé bord de ïi rivière a l'extrémité d'une chaîne de petits ro- chers qui coûfénf dé "l*ôuést-sud-oùest vers l*est- noi*d-esi. En face, sur la rivé opposée, se Voii une et aîné pareille de montagnes, quoique bien plus pe- tite. À cet èncfroît, le no ^I^araguay n'a pas moins de 8Ô i, 100 mètres de largeur. t)èpuis Sucury, comme depuis Castello, on aperçoit dans' le lointain sur la rivé droite des terrains hadts et montagneux avec d'autfes bas en certains éndfoîts, et vers le sud les sommets de la chaîne des montagnes d'Albuquerque, qui dominent les terrains élevés au centre desquels îls planent majestueusement. La rivière I^araguay , toujours dans la direction sud un peu oue^, après un parcours dé à'/ kilomètres de- puis dasteÏÏo^ va se Jeter perpendiculairement Vis-â-vîs d*un terrain où elle forme un coude. Ce lieu, appelé Corumbâ, par les 18* ASt^ lâi sud, est un point riche d'avenir. îl sera bientôt l'entrepôt de la navigation dé toutes ces contrées. Une petite population y fut établie, îl y a une cinquantaine d'années environ , par le capi- taine général- gouverneur de la province dom Luizde Albuquerque. Slais pouvait-elle y prospéref sans les ressources de la navigation f ( 372 ) La position de Corumbi par les 18° h2' lat. sud et 59*55' long, est donc avantageuse et mérite atten- tion. Le climat y est doox et tempéré ; le sol d'one fertilité extraordinaire. Elle abonde en forêts vierges aux riches essences, est entrecoupée de plaines avec de gras pâturages propres à Télëve dn bétail. Le terrain est calcaire et on en fabrique de la chaux qui suffit à presque toutes les constructions de la pro- vince. Malgré tous ces avantages , cette population, loin de prospérer, n'a fait que diminuer par le manque de débouchés. Il était réservé à la navigation à vapeur de lui donner la vie , en développant ses ressources. Les deux édifices les plus importants, la chapelle et la caserne, étaient presque en ruines en 1852, et c'est à peine si les cent et quelques personnes qui formaient la population de ce village, pouvaient cultiver le néces- saire à leur misérable existence ; mais la richesse du sol suppléait h leur apathie. Cet état de choses s'est bien amélioré depuis 185&» époque où, en prévision de la navigation à vapeur qui était alors en projet et qui s'est réalisée depuis, M. Le- verger, président de la province de Mato-Grosso, dé- créta que ce lieu servirait de douane et d'entrepôt. Dès lors des édifices ont été construits ; la population y a afflué, et le bourg de Gorumbàdoit être déjà trans* formé. La côte sur laquelle est posée cette cité naissante, s'étend à 12 kilomètres vers l'ouest et se termine par une petite chaîne de collines dont la base est baignée par les eaux de la baie de Tamengos ou Ca- cerès, qui sert de réservoir à l'écoulement des vastes f S7S ) terrains que forment les plaines ou campos de Cacerès dans la direction nord-ouest. En suivant cette même côte , la rivière Paraguay, toujours par son bras supérieur, continue la direction est un peu sud, pendant 6 kilomètres, jusqu'à la pointe de Ladario, où, dans l'origine du Corumbé, on voulut établir une population qui ne put réussir à s'y maintenir. A 6 kilomètres plus bas, toujours dans la même di- rection, la rivière longe la pointe septentrionale de la chaîne de montagnes de Rabicho, dont la direction est approximativement du nord au sud. Entre les deux pointes extrêmes de cette chaîne se trouve un terrain soumis à l'inondation, qui, s'étend au sud, jusqu^à la base de la chaîne des montagnes d'Albuquerque. La rivière suit la direction est-nord-est depuis la pointe du Rabicho, et c'est à 3 kilomètres de ce point que la bouche inférieure du Paraguay ou Paraguay- Mirim vient s'unir aa bras supérieur et rentrer dans son lit principal, par les 19° 2' lat. sud. La rivière a ici une largeur considérable, et dans un parcours de 10 à 12 kilomètres, l'on rencontre plusieurs petites mon- tagnes isolées ou groupées , qui forment autant d'îles à l'époque de l'inondation qui n'atteint que leurs bases ; elles sont situées sur les deux rives et vers l'embou- chure de la rivière Paraguay-Mirim. Aussitôt après cette embouchure, la rivière Paraguay tourne vers le sud-est, et à la distance de 7 kilomètres, elle reçoit par la gauche la rivière Formigueiro, et un peu au-dessous celle de Taquary dont le lit principal (S74) y afflaera à 10 kilomètres pins bas au sud-sad-est par les 19* 15'. Les sources de la rivière Taqnary naissent des contre- forts de la rivière Succuriû, qui, coulant vers le nord ou nord-est, devient Taffluent du Paranà. Les sources de la rivière viennent encore des versants opposés à ceux de la rivière Piquiri, ce tributaire magnifique du S. Lourenço dont nous avons déjà parlé, et encore des ver^nts opposés d'où naît la majestueuse rivière Ara- g;uay, qui se dirige au nord, où elle est un des tribu- taires du Tocantin et dès lors de l'Amazone. On sait que c'est dans les eaux de l'Aragnay que se trouve le peixe boy , poisson bœuf, ainsi que le ohoqua OU poisson homme, sur le compte desquels on --aconte dans le pays plusieurs histoires intéressantes ou des légendes curieuses. La rivière Taquary reçoit par sa gauche vers les 18* SA' les eaux de la rivière Coxim, par laquelle, lors de la découverte, descendirent les canots venus de Saint-Paul par le Camapuam. Puis dans la barre du Co- xim il existe dans le Taquary une petite cascade, mais à partir de ce point, on ne trouve plus aucun obstacle à la navigation d'un certain tonnage. A la distance de 2& kilomètres de cette barre se voit la chaîne des petites montagnes de CavaDeiros et non pas rivière Cavalleîro^ , comme quelques cartes l'in- diquent par erreur. Depuis cette chaîne, le Taquary, dans un trajet de 80 lilomètres, jusqu'à sa jonction principale dans la rivière Paraguay , parcourt des ter- rains de plaines et de bas-fonds. Dans son trajet la rivière Taquary se di\ise en un grand nombre de bras { 376 ) dont l'un des principaux se jette dans le Paraguay^ Mirim par les 18^42'; un autre forme la rivière For- migueiro que nous avons déjà signalée ; un troisième bras conserve jusqu'à son embouchure dans le Para- guay son nom. de Taquary. Tous les autres bras, après un cours plus ou moins long, se subdivisent et forment des marais qui se terminent par un écoulement annuel.' Cependant il est plusieurs de ces courants qui , après avoir alimenté des marais , se réunissent de nouveau pour former des rivières qui vont se jeter dans le Pa- raguay , entre celles de Formiguelro et du Taquary principal. L'un de ces canaux , le plus remarquable, porte le nom de rio Negro et arrive dans la rivière Paraguay par les 19° 8'. L'inondation périodique couvre toutes ces terres basses et marécageuses, et â cette époque les canots ne suivent plus le cours des rivières, mais se dirigent en ligne droite à travers champs jusqu'à la rivière Cuyabà. A 14 kilomètres de l'embouchure principale de là rivière Taquary et dans la direction sud un peu ouest, la rivière Paraguay reçoit sur sa rive gauche un Im- portant affluent , c'est la rivière de Miranda ou Mon- dego, et plus anciennement Albotetiù ou Aranhay. La rivière Miranda offre deux rameaux principaux. Celui qui est le plus au sud, est désigné sous le nom deMiratida^ C'est sur les rives de cette rivière, que se trouvent établis le bourg et le détachement de Miranda, ainsi que le district (Fregnesia) de Notre-Dame do Carmo de Miranda, dont la population s'élève à plus ôOOO âmes dont 3500, naguère Indiens, sont civilisée ( 876 ) et réunis en bourgade. La rivière Miranda est extrême- ment sinueuse ; elle n'a point de cascade, mais elle est d'un assez petit volume d'eau à la saison des séche- resses. Le second rameau de la rivière Miranda porte le noni d'Aquidauana. 11 afflue dans la rivière Paraguay à plus de 100 kilomètres au-dessous de l'embouchure du premier rameau. La rivière Miranda n'a de cascades que tout près de son origine, qui se trouve dans les versants opposés à ceux de l'origine de la rivière Anhanduhy, qui, après avoir traversé les vastes et immenses plaines de ^ac- caria^ va se jeter dans le rio Pardo, affluent du Paranà, par les 20° 35' lat. sud. C'était autrefois par les rivières Anhanduhy et Aqui- dauana que §e faisait dans le principe la navigation de Saint-Paul à Mato-Grosso, et c'est par cette voie que procéda la découverte. Longtemps abandonnée pour la voie de terre par l'intérieur du pays, cette route a été reprise, il y a dix ou douze ans, mais sans résul- tats. C'est encore par là qu'est parti en 185â un renfort de troupes et de munitions, destiné à l 'appro- visionnement de Cuyabâ et Mato-Grosso, et envoyé de Rio de Janeiro par le ministre d'alors, M. Pedro d' Al- cantara Bellegarde. On dit que le plus grand obstacle à cette navigation, c'est le peu de profondeur de l' Anhanduhy à l'époque des sécheresses. Les rives de Miranda sont sujettes à l'inondation de même que les pays adjacents à plusieurs kilomètres au-dessous de son embouchure. { S77 ) On remarque en face de cette embouchure , sur la rive droite , deux montagnes coniques qui font partie d'une petite cordillère qui arrive auprès de la rivière Paraguay, et qui termine ici les montagnes se prolon- geant depuis Rabicho. A 6 kilomètres au-dessous de cette embouchure, dans la direction ouest-sud-ouest , il existe , rive droite du Paraguay , quelques rochers qui servent de remparts à la rivière. De là une petite montagne longe ladite rivière dans la direction nord, durant l'espace de 3 kilomètres, et c'est au pied de ces collines que se trouve la ville d'Albuquerque à â kilomètres de la rivière sur un espace de terrain bas souvent inondé, qui isole cette population , et la prive des chances d'avenir que la navigation à vapeur doit apporter dans ces contrées. Il y a trente et quelques années, il n'y avait en cet endroit qu'une aldéa de Guaycurùs, et une aldéa de Guanas, pour la civilisation desquels on forma en 1827 une mission de la Miséricorde. Bientôt après, le quar- tier général des troupes de défense de la frontière ayant été établi à Albuquerque, cela contribua à l'aug- mentation de la cité. Enfin en 1835, elle fut érigée en Fregiiesia, en comprenant dans son district Coïmbra et Corumbâ. Les habitants se portèrent alors vers Al- buquerque et s'adonnèrent à la culture et à l'élève du bétail. La population du district peut s'élever à 500 ou 600 âmes, sans y comprendre 3,000 ou 4,000 Indiens Guanas, presque tous civilisés et réunis dans deux aldéas, l'une près d' Albuquerque et l'autre beaucoup plus importante située à 9 kilomètres J. MAI ET JUIN. 3. 25 (878) yers le nord-ouest dans le lieu appelé Mato-Grande. La nation Guanas est Tune des plus considérables de œs contrées , et celle qui présente le plus d'avenir à la colonisation par sa facilité à s'adonner au travail et à la civilisation. Il ne manque là que des mission- naires zélés et dévoués. Cette nation se divise en plusieurs tribus qui ont été à tort considérées par quelques écrivains et voyageurs comme autant de nations. Les uns habitent la répu- blique du Paraguay sous le nom de Payaguas, ou sont incorporés dans cette république. Les autres vivent encore à l'état sauvage et habitent le grand Chaco. Ceux qui habitent le territoire brésilien , portent les noms de Terenas« de Layanas, de Quiniquinaùs et de Guanas proprement dits. Les Terenas et les Layanas sont nombreux dans le district de Miranda. Les Quiniquinaùs, au nombre de 2,000, occupent Taldéa de Matogrande, Ceux-ci sont laborieux et s'adonnent à la culture. Ce sont ces Li- diens qui fournissent à l'approvisionnement de ces contrées et même de la capitale de la province» Us cul- tivent avec succès la mandioque, le haricot, le riz, la batate , la canne à sucre , le tabac , etc. ^ etc. Si cette aldéa était sous la surveillance d'un zélé missionnaire, elle prendr ait un accroissement considérable par Tad- onction d'un grand nombre d'individus réfractaires, mais bien disposés en faveur de la civilisation. L' aldéa de Guana, située auprès d'Albuquerqae comptait en 1852 un très petit nombre d'habitants, à peine quelques centaines ; car la plus grande partie de son personnel était venue fonder ime nouvelle aldéa ( 879 ) presqu'en face de la ville de Guyabà sur la rive oppo* sée, où ils s'occupaient d'agriculture, de pêche, four- nissant à l'entretien de la ville. Ces Indiens sont actifs, laborieux; ils se louent comme journaliers dans la ville. J'ai eu occasion d'en employer plusieurs , et je n'ai jamais eu qu'à m'en louer. Ce sont eux qui cons« truisent presque tous les canots dont se sert le com* merce de cabotage à longue distance , comme pour les expéditions h la recherche de Tipécacuanha, ou pour le transport des marchandises par terre de Cuyabà ou Mato«^ Grosso à Goyaz, Saint-Paul ou Rio de Janeiro. Un ruisseau passe près de la ville d'Albuquerque et va se jeter dans le Paraguay , en face de l'endroit qui sert de port. Lors de l'inondation, ce ruisseau dîs^ parait sous les eaux. A 16 kilomètres au-dessous de ce port , on trouve sur la rive droite du Paraguay plusieurs petites mon- tagnes qui portent le nom de Morm de Puga; puis vient la montagne plus considérable , appelée Môrro do Consethoy qui se trouve située à plus de 5 kilométrai delà. m La rivière Paraguay suit une direction générale sud-ouest, durant 22 kilomètres, jusqu'à son arrivée devant le très beau fort de Coïmbra, qui fut fondé en 1776 par le capitaine général Luiz d'Albuquerque. Avant d'y arriver , on aperçoit, rive droite, quelques petites montagnes isolées et éloignées de la rivière de 5 à 6 kilomètres. C'est dans la direction nord-ouest que se trouvent les montagnes formant la face australe de la petite ( 380 ) chaîne d'Albuqnerque. On sait qae dans la direction nord-est cette chaîne se continue fort loin. Le fort de Coïnibra est posé, rive droite, sur le ver- sant de la dernière montagne de la chaîne d*Alba- querque, qui borde la rivière par les 4 9° 55' lat. sud et 60''12' long. Ce fort occupe A kilomètres de con- tours, c'est-à-dire qu'il a 1 1/2 kilomètre de longueur sur 1/2 kilomètre de largeur. En face du fort sur la rive opposée se trouve la mon- tagne pouvant facilement être fortifiée, nommée Morro Grande, dont la pointe nord longe la rivière avec une base de 2 1/2 kilomètres de circuit. La largeur de la rivière en cet endroit n'excède pas 600 mètres , et le fond a plus de 6 mètres, d'où il résulte que ce fort, est important par sa position , autant que par la solidité et l'habileté de sa construction au point de vue de la stratégie des places. Ce fort est de forme irrégulière , un peu octogone ; il peut avec dix à doux canons entretenir un feu croisé dans toutes les directions de la rivière. Il est garni de deux boulevards de contreforts avec des mu- railles basses, bien posées, avec courtines qui unissent les boulevards eiitre eux , ainsi qu'avec les batteries. Celles-ci sont sur un plan horizontal, tandis que tout le reste est posé sur le versant de la montagne, qui est de granit et assez pittoresque et abrupte. L'intérieur du fort demeure complètement débarrassé de tout obstacle, il y a un arsenal complet et très bien appro- visionné. Il n'y a, à proprement parler, à Coïmbra, aucune population autre que la garnison, quoiqu'il existe au ( 381 ) nord, au pied de la forteresse, quelques habitations destinées aux familles et aux ouvriers de la garnison. A l'époque de Tinondation, toutes les campagnes voisines de Coïmbra sont couvertes d'eau , soit autour des montagnes, soit du côté de la rivière, de manière qu'on peut naviguer presque tout autour du fort. C'est là le principal argument que font valoir ceux qui com- battent l'utilité de cette forteresse. Mais nous devons observer 1° que le temps , durant lequel on peut ainsi naviguer autour du fort, est extrêmement court; 2® que pour que cette navigation puisse être possible à des embarcations autres que de légers canots , il faudrait une crue extraordinaire, ce qui est fort rare. C'est au nord de la montagne de Coïmbra que se trouve la caverne célèbre , vulgairement désignée sous le nom de caverne de l'enfer Buraco do Infemo , à l'ouverture de laquelle on parvient en gravissant 100 à 200 mètres sur le plan le plus escarpé de la montagne. Toutes les relations en donnent la description. C'est une galerie voûtée qui entre dans la montagne par une déclinaison considérable. Toutes les murailles intérieures, comme le sol lui-même , présentent des inégalités et des aspérités de rochers, qui sépareni les unes des autres des cavités plus ou moins profondes. Daus quelques endroits la galerie est étroite et basse; il faut ramper pour y passer; dans d'autres, au con- traire, elle se présente comme un magnifique et splen- dide salon, orné par uiîe multitude de stalactites et de cristallisations d'un aspect souvent fort curieux, mais trop souvent mutilées par la curiosité des voyageurs. Dans l'un de ces salons , le plus grandiose , l'on re» ( J82) marque un lac ou rivière souterraine , dont les eaux sont très claires et froides. On suppose^ et probable- ment avec raison « que cette eau communique sous terre avec la rivière Paraguay , car on y a trouvé un caïman , et parce que son niveau monte ou desc&ad avec celui de la rivière. A Fezception des montagnes , dont nous avons fait une mention spéciale, les deux rives de la rivière Pa«- raguay sont planes, dans quelques endroits maréclir- geuses et entrecoupées de nombreuses lagunes. La hauteur moyenne de ces rives atteint environ 2 mètresi il est rare qu'elles excèdent 3 mètres. On doit observer qu'en général le niveau des ter- rains voisins est moins élevé que la rive, ce qui forme le long de la rivière une langue de terre plus ou moins grande, qui n'est pas couverte par Finondationi tandis que celle-^i s'éteod au loin daos les campagnes adja» centes. Nous avons déjà mentionné ces accidents du terrain. Des graminées et autres plantes herbacées ornent ordinairement ces plaines au milieu desquelles (m voit disséminées des forêts» Jusqu'à Gonimbà, la rivière est extrêmement ai-* nueuse et varie de largeur entre 100 et 200 mètres* De ce point les lignes , plus ou moins droites de la rivière» sont plus étendues; la largeur est presque partout de AOO mètres» si l'on excepte un ou deux en- droits où elle se resserre à 160 mètres. A l'époque des plus grandes sécheresses» on ren- contre dans le lit de la rivière un canal dont la moindre profondeur est toujours de 2 mètres. Cependant, afin ( 88S ) de pouvoir naviguer en tout temps dan» cette rivière, sans trouver de difficultés , il est bon de ne se servir que d'embarcations n'exigeant pas plus de 1 1/2 mètre de fond. A partir de Coïmbra, on remarque quelques change- ments. Les plaines sont moins couvertes de grands herbages, les forêts sont plus rares. On voit apparaître en plus grande abondance les bois de palmiers, appe~ lés Carandaê. Ces palmiers dans quelques parages croissent pêle-mêle avec d'autres arbres, mais le plus souvent ils ne laissent végéter au milieu d'eux aucun autre arbre ni arbuste de quelque essence et de quel- que classe qu'ils soient. Sur les rives de la rivière , comme dans les lies de ces parages, on voit apparaître une sorte de saule riche en sel de soude. Les espaces de la rivière sans sinuosités deviennent de plus en plus considérables. . La largeur de la rivière est généralement de 600 mè- tres. Depuis le S. Lourenço jusqu'à Goimbra, les seuls Indiens que l'on rencontre sont les pacifiques Guatos dont nous avons longuement parlé, et les Indiens Guanas , moitié civilisés , qui ne doivent inspirer au- cune crainte et qui méritent bien toute la confiance des voyageurs. En descendant au-dessous de Coïmbra, il est néces- saire de prendre plus de précautions, car dans ces pa- rages il existe errantes plusvsurs nations d'Indiens à la loyauté desquels il ne serait pas prudent de trop se fier, bien que l'on puisse assurer que jamais ils n'at- taquent ouvertement, même quand Us seraient supé- ( 38A ) rieuTb en nombre. Cenx qne l'on renconlre le plus fréquemment dans cette navigation, sont les Cadiooés dont la perfidie et la ruse ont été plus d'une fois fatales aux Brésiliens et aux autres indigènes. Les Cadioués sont une tribu jdes Guaycurùs Gabal- leiros. Ces Indiens cavaliers sont célèbres par plusieurs combats contre les conquérants et contre les premiers étrangers qui habitèrent ces contrées. La cnrieuse histoire des Cadioués se trouve dans la Corographie brésiliewie^ qui donne des détails exacts et circonstanciés sur leurs mœurs et coutumes. En 18&5 , une horde de la nation Cadioués , ayant son chef Tacadauana en tète , se rendit à Cuyabà et manifesta l'intention de s'établir pacifiquement à Al- buquerque. Le président de la province leur fit présent de vêtements et de nombreux instruments d'agricul- ture avec toutes les autorisations qu'ils demandaient. Us s'en retournèrent fort satisfaits et se rendirent à Albuquerque ; mais, au lieu de se livrer au travail et de faire la moindre plantation , ils échangèrent tous leurs instruments agricoles et même leurs vêtements contre quelques verres d'eau-de-vie. L'un d'eux, ayant été tué dans une querelle avec un Indien d'une autre nation, ils se retirèrent tous à l'instant et n'ont plus reparu à Albuquerque. Ainsi que toutes les autres tribus de cette nation, les Cadioués n'ont aucune résidence fixe et déterminée. Us s'établissent temporair^ent tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre dans le voisinage de la rivière et toujours entre Coïmbra et Fecho de Morros. Les Cadioués sont en guerre ouverte et permanente ( 385 ) avec les Indiens Enimas , antre nation qui habite le Chaco supérieur , rive droite de la rivière Paraguay. C'est là sans doute le motif qui empêche les uns et les autres de traverser la rivière. Les Enimas habitent principalement les environs de la montagne de Olympo où les Espagnols avaient posé leur détachement de Borbones. Bien que la nation Gadioués soit essentiellement cavalière et n'aille guère qu'à cheval , ils possèdent néanmoins des canots sur lesquels ils voyagent assez souvent, surtout lors de la saison des inondations. Indépendamment de l'arc, de la flèche, de la lance et de la massue, qui sont leurs armes habituelles, les Ga- dioués possèdent quelques armes à feu et plusieurs^ar- • mi eux sont de très habiles et de très adroits tireurs. Il n'y arien à craindre, quand ces Indiens vous attaquent en face, mais c'est contre leurs ruses et leurs trahisons qu'il faut bien se tenir en garde. Le plus souvent, c'est au milieu d'une démonstration d'une amitié en appa- rence la plus passionnée, qu'ils ont fait subir aux Bré- siliens et à la garnison de Goïmbra les plus odieux traitements. Quant aux autres nations indigènes que l'on ren- contre dans la navigation du Paraguay , elles sont peu importantes. Ge qu Azara raconte des Gadioués, n'a nullement trait à ces Indiens et ne peut se rapporter qu'aux Al- bayas, autre nation du Ghaco. Du reste, dans tout ce qu' Azara dit de ces Indiens , il a trop généralisé et il a confondu sous le nom de Guaycurùs tous les indi- gènes qui se servent du cheval, bien que le coursier ( 886 ) floit familier à des nations bien différentes par la langne et l'origine. A 80 kilomètres au-dessous de Coïmbra , la rivière coulant sud-ouest avec peu de sinuosités, mais en for- mant plusieurs lies, présente par les 20** Çf, sur la rive droite la grande et majestueuse baie Bahia Negra, qui, pendant longtemps, a été regardée comme une rivière et qui se voit encore marquée ainsi dans quelques cartes et descriptions géographiques. Voici ce qu'en disent tes commissaires de la démarcation des limites : « Nous partîmes de Coïmbra le 11 juillet, et. suivant le cours du Paraguay pendant 40 lieues dans la direc- tion sud-ouest jusqu'au 20° 10', nous trouvâmes une largfe embouchure d'une eau courante; nous sûmes que le capitaine Miguel José, alors qu'il passa par là, lui avait donné le nom de Hio Nrgro, Nous entrâmes dans cette voie, en remontant dans la direction nord pendant (5 lieues, et surmontant un courant d'eau très fort. Le fond était considérable et les deux rives offraient l'aspect d'une rivière. Mais, à la fin de ces 6 lieues nous nous trouvâmes dans une large baie, n'ayant pas moins de 5 lieues du nord au sud et de 6 lieues de l'est à l'ouest, à laquelle nous don- nâmes le nom de Bahin Negta^ car c'est bien une baie servant de réservoir à l'écoulement des eaux des plaines environnantes. «Voyant que ce supposé rio Negro n'est autre chose qu'un réservoir de l'eau qui s'écoule d'une grande su- perficie de terrains que les crues du Paraguay inondent annuellement, nous poursuivîmes notre navigation à travers ces plaines |)endant plus de 6 lieues, dans la ( J87) direction nord« jusqu'à ce que nous fussions arrivés àun terrain élevé et montagneux, qui est située au sud de la chaîne de montagne qne Ton aperçoit depuis AI- buquerque. c( En suivant d'assez près le contour de ces terrains élevés, nous tourn&mes à Test toujours par des plaines inondées , et nous rentrâmes dans la rivière Paraguay après un parcours de AO lieues, n Au-dessous de Temboucbure de la Babia Negra^ Ik rivière , offrant deux sinuosités très considérables, se dirige du sud vers l'est au milieu de terrains cou* verts de palmiers Carandus^ et arrive à la distance de 22 kilomètres à Capon Queimado ^ qui est un terrain élevé sur la rive droite. Les Indiens Ghamococos habitent les alentours df Babia Negra et les rives du Paraguay jusqu'à Copùn Queimadoé Ces Indiens ne sont pas hostiles et s6m- blent| au contraire, fuir l'approche des voyageurs. On aperçoit à l'est i mais à une grande distance^ la haute colline ou montagne, désignée sOus le nom de Nabilequega. La rivière continue durant 15 kilomètres à suivre la direction sud jusqu'à l'embouchure de la petite baie de Salinaa sur la rive droite. Elle porte le nom de Salinas parce qu'avec une grande facilité on extrait des bords de cette bûe une quantité de sel assez considè^ rable pour fournir à la moitié de la consommation de la province» Tout près de la baie de Salinas , et également près de la rivière, se trouve le bouquet d'arbres qui porte le nom de Capon de Salinas. ( S88 ) A àO kilomètres au-dessous, la rivière est bordée par une élévation qui porte le nom de Barranco do Raùo de Ema^ près de laquelle ou sur laquelle existe un magnifique bouquet d'arbres. Ces lieux, ainsi que ceux de Salinas et de Queimado sont souvent visités par les Indiens Cadioués. Dans ce dernier parcours de AO kilomètres la ri- vière Paraguay offre plusieurs sinuosités, quoicjue suivant généralement la direction sud. On aperçoit sur la rive gauche, près de la rivière, différentes collines et Ton reconnaît à une grande distance des terrains marécageux qui bornent Tbori- zon. Sur la rive droite , au contraire , ce sont des plaines immenses et s' étendant à perte de vue, où par- tout abondent les palmiers Carandas. On reconnaît seulement vers le sud les montagnes d'Olympo. A 6 kilomètres de Rabo de Ema, on rencontre, rive gauche, la bouche de la petite rivière appelée Queima de Paula ou Nabilequega, qui n'est autre chose que la rivière que les premiers voyageurs avaient désignée sous le nom de Teriris. Cette rivière Queima de Paula dont l'embouchure a 70 à 80 mètres, est profonde ; elle parcourt des plaines considérables; à peine est-on entré dans son cours, que sa largeur diminue jusqu'à 20 mètres et bientôt à 16 mètres et moins encore, et nous n'avions même remonté que 2 ou 3 kilomètres qu'il nous fallut revenir sur nos pas» ne trouvant pas 0,20 centimètres de tirant d'eau. Les Cadioués se rencontrent souvent dans ces pa- rages qu'ils semblent affectionner depuis longtemps, ( 389 ) car les noms de Queima et de Paula appartiennent aux Caciques qui, en 1791, vinrent de ces localités à Mato- Grosso demander paix et amitié au capitaine gé- néral Luiz de Albuquerque. A 3 kilomètres au-dessous de la rivière Queima de Paula se trouve, sur la même rive gauche, l'embouchure du prétendu rio Branco, qui n'est qu'une petite baie avec un canal d'écoulement. M. Leverger Ta parcourue en 1846, sans y rencontrer la plus légère apparence de courant ; il lui fallut revenir sur ses pas parce qu'il n'y trouva pas assez d'eau pour un canot quoique très plat et très léger. Au-dessous de ladite embouchure, à la distance de 5 kOomètres sud-ouest, on voit, rive droite, le fort de Olympo, autrefois Borbonès, placé à l'extrémité de la plus petite des trois montagnes que les Espagnols dé- signèrent sous le nom des Trois-Sœurs , las Très Her- manas, et que les Portugais ont baptisées du nom de Morros de Miguel José, par les 21° l' lat. sud. Le petit fort de Olympo à été construit en 1792. C'est l'établissement le plus septentrional que possède la république du Paraguay ; il a été évacué en 1850, Il n'offre d'autre utilité à cette république que celle de faire constater une prise de possession de ces parages. Il est construit en pierre de grès, roche extraite de la petite montagne sar laquelle il est assis. Sa forme est quadrangulaire avec une petite tour carrée à chaque angle ; elle est garnie de trois canon- nières. Il y a 2i mètres de côté. Les murailles sont basses, peu épaisses et sans contreforts ni talus. Son artillerie consistait alors en trois pièces de fer de douze ( >M ) de bfts calibre, et en deux petites pièces de campagne. n n'y a aucune population à une très grande distance dans tout le voisinage, et la garnison se composait en 1850, de trente à cinquante hommes qui vivaient con- stamment isolés et presqne renfermés dans le fort. Les munitions de bouche leur étaient envoyées du Para- guay par convois de deux en deux mois. Cette garni- son était parfois inquiétée par les Indiens du voisinage, sortout les Enimas. Un point très important, nommé Fecho de Horros, existe à 82 iLilomètres au-dessous de Olympo. C'est un groupe de montagnes qui bordent la rive gauche ; il existe, en face, sur la rive droite, une montagne isolée et une lie rocheuse qui divisent la rivière en deux canaux, l'un et l'autre navigables pour les na- vires d'un gros tonnage, bien que celui de gauche soit parsemé de pierres. L'une de ces montagnes, par les 21* 26' lat. sud, est remarquable par son élévation et sa forme conique qui Itd a valu le nom de Pain de Sucre, Pâo de Assuear. C'est sous cette dénomination que les Espagnols désignent ces parages. ^ C'est à cet endroit, le seul véritablement digne d'être fortifié, que le capitaine général Luiz de Albu- ' querque avait ordonné l'établissement dn fort qui fat élevé à Coïmbra. Il supposait, et c'était aussi l'opinion de son lieutenant Ricardo Franco, que c'était là que se limitait vers le sud, l'inondation périodique et que, par conséquent, les embarcations qui devraient descendre ou remonter la rivière , seraient dans la nécessité de passer à moins d'une portée de fusil de la forteresse que Ton y élèverait. Ce fort deviendrait un obstacle ( 391 ) contre la fuite des déserteurs portugais ou des esclaves, comme aussi, contre toute entreprise qui viendrait des pays espagnols ou du bas de la rivière. Quant à ce qui est de l'inondation, nous l'avons vue s'étendre beaucoup plus loin sur la rive gauche et remonter jusque par les 27'' lat. sud, à peu de distance du Paranâ; et pour la rive droite, nous citerons T opi- nion de M. Leverger qui pense qu'elle s'étend fort loin du côté du Chaco; il prétend qu'on la retrouve encore par les 2S'' lat. sud. Quoi qu'il en soit , ce Pain de Sucre ou Fecho de Morros est un point militaire extrêmement important. A 11 kilomètres au sud du Pain de Sucre on trouve, rive gauche, une petite montagne , appelée Batatilha, dont la base venant à resserrer la rivière, a fait donner à ce lieu le nom de Passo do taruma. On a vu plusieurs fois, et il y a quelques années en- core , les Indiens Enimas du Chaco y venir échanger des chevaux contre des bestiaux qu'on leur amenait de Miranda. A la distance de 7 kilomètres au-dessous, toujours direction sud , se trouvent deux îles qui commencent pour ainsi dire au même point , ce qui constitue de nouveau Très Boccas* A 8 kilomètres au-dessous la rive gauche offre une baie , tandis que la rive opposée présente quelques montagnes d'une médiocre élévation ; ce sont les Siete Pontas. C'est à cet endroit, que le lieutenant espagnol B. José Antonio de Zavale place la petite rivière 7>- poti. Le commissaire espagnol D. M. Antonio de Florès, ( âô2 ) dans son voyage de 1752, met l'embouchure de cette même rivière par les 21° 47'. M. Leverger, ayant ob- servé l'embouchure de ladite baie , a trouvé une lati- tude de 21° 46' 60", d'où il supposa que ce devrait être le réservoir des eaux de la rivière Tepoti ; mais, l'ayant exploré, il n'y a trouvé aucun indice de rivière; d'où il conclut que ce n'est qu'une baie. Nous ajouterons que les investigations que nous avons pu faire, confirment ces données, et nous devons dire encore que le commandant du fort Olympo, faisant mensuellement la navigation devant cette baie pour aller de Concepcion à Olympo ou en revenir , nous a assuré ne pas croire à l'existence 'de ladite rivière , et n'avoir jamais vu là qu'une baie d'écoulement. Il nous a assuré, en outre, que, vers l'ouest de Las Siete Pontas, existait une tribu de Guanas assez pacifique. Depuis ce point, la rivière suit la direction sud en présentant de grandes sinuosités et en formant de nom- breuses îles , durant 28 kilomètres jusqu'à l'embou- chure du rio Apà, sur la rive gauche par les 22° 5' lat. sud. Les deux rives de la rivière Paraguay sont alors basses, mais en face de la bouche de l'Apà on voit, rive droite, deux petites élévations, et, un peu plus éloignée de la rivière, une montagne de moyenne hau- teur. La rivière Apà que quelques géographes désignent sous le nom de rio Corrientès, est divisée à son embou- chure en deux bras par une île basse de peu d'éten- due. Tout aussitôt après cette bifurcation, le rio Apà a 80 mètres de largeur et forme un canal très profond, ( 398 ) mais étroit, et que quelques récifs obstruent de ma-* Tiière à nuire à la navigation. Le gouvernement du Paraguay possède à cette em- bouchure de r Apâ un fort détachement militaire et un bureau de douanes. C'est ici que se termine, selon quelques-uns, pour le côté oriental, la vaste et horizontale plaine visitée annuellement par l'inondation. Nous l'avons vue s'éten- dre plus loin. A 2 kilomètres au-dessous de l'embouchure du ri Apâ, la rivière Paraguay est bornée sur sa rive gauche par la chaîne de montagnes de Itapucù-Assù. Viennent ensuite las Siete Pontas d'après les uns, ou las Quinze Pontas d'après Azara. Quoi qu'il en soit , ces petites montagnes dans le sud-sud-est, occupent un espace de 16 kilomètres. Dans quelques localités, comme Itapucù, ces collines terminent la rivière par un rem- part de pierres calcaires; dans d'autres lieux, on trouve entre elles et la rivière un espace plus ou moins considérable soumis à l'inondation. La pointe de ces collines la plus méridionale porte le nom de Cerro Mo- rado. De cette élévation on aperçoit sur la rive occi- dentale une montagne , le Cerro Galion , qui parait être distante de 6 à 8 kilomètres de la rivière. A 10 kilomètres au-dessous de Cerro Morado est l'île de Pena Hermosa, qui se termine dans son extré- mité supérieure par une roche abrupte et escarpée. En cet endroit se trouve une baie pour servir de réservoir à six petites rivières qui, à peu de distance les unes des autres, lui apportent des eaux, se déver- sant dans le rio Paraguay. Cette baie doit être celle I. MAI ET jmN. A. 26 ( soi ) que quelques géographes désignent sous le nom de rio Alborey ou Lapa, et que Zavala appelle rio Alconigo. A la hauteur de Pena Herniosa commence , sur la rive gauche, le littoral nommé Piedras partidas; il est formé par de grosses pierres qui seoxblent avoir été amoncelées les unes sur les autres, et qui n'occupent pas moins de 8 kilomètres de rivage. Cette côte est suivie de 9 kilomètres de terrains pierreux, couvert de gros et grands arbres, c'est ce qui porte le nom de Caapucù. La rivière coulant ver^ le sud, arrivée à ce point, se dirige vers l'est pendant un trajet de 11 kilomètres pour aller baigner la base de la montagne qui forme le Cerro de Itapucurù-Miri, donf la pointe principale établit sur la rivière un rempart qui n'a pas moins de 2& mètres d'élévation, et qui parait entièrement formé de pierre calcaire. A cet endroit la.rivière Paraguay fait un énorme cir- cuit. Les terrains environnants sont tous bas. 16 kilomètres au-dessous, dans la direction sud, se trouve Arrecife, ainsi désigné, à cause d'une sorte de banc de pierre qui traverse la rivière et qui rend ce lieu dangereux même par les plus fortes eaux. On peut dire que toute embarcation qui passe ledit Ar- recife arrivera sans entrave jusqu'à Cuyabâ ou jusqu'à villa Maria. La villa Salvador est située 7 kilomètres plus loin, sur une petite élévation d'une pente douce, qui, à par- tir du rivage, s'étend à AOO ou 500 mètres dans la plaine. C'est ici qu'existait autrefois le presidio de Estevego ( 305 ) qui fat ensuite détruit par les Indiens. Le bourg de Salvador a été édifié de nouveau à une époque récente. Les maisons y sont peu nombreuses , petites , mal- propres. Ce sont de chétifs et misérables rez de-chaus- sée couverts de paille, et de branches de palmiers. Il y existe une fabrique de tuiles dont la maison du corn* mandant est couverte et carrelée. C'est partout la mi- sère la plus affreuse. La population, dans la pauvreté et le dénûment le plus complet , se compose de quel- ques familles envoyées en exil par le gouvernement du Paraguay, et de quelques gens de couleur. On leur dis- tribue une très petite ration de viande, de maté et de savon une fois par semaine. Ils manquent de toat. La garnison elle-même est littéralement dans toute sa nu* dite. La faim partout se montre ; il existe pourtant dans le voisinage de très bons pâturages naturels pour l'élève du bétail , ainsi que quelques belles forêts et des salines qui donnent une excellente qualité de sel que Ton extrait de la terre. L'arbre à maté se ren- contre également dans les environs de ce bourg , et le sol est très convenable pour la culture du tabac. Ce* pendant le monopole absorbe tout et ne laisse que la misère à son côté. C'est à Salvador que se fabrique, avec la pierre tirée deltapucurù-Miri, presque toute la chaux dont la capi* taie de la république et les autres villes riveraines font usage. A 20 kilomètres de Salvador , la rive gauche de la rivière Paraguay présente une baie qui reçoit les eaux de la petite rivière Etagatia, et à 1 kilomètre plus baa une autre baie reçoit la petite rivière Napeglô, et c'ett 1 ( 396 ) à 1 kilomètre au-dessous qu'a été placé le piquet dei gardes de Potrero Ponâ, Observons que les piquets et corps de garde dont nous avons à parler au Paraguay, sont des postes mili- taires» établis principalement pour prévenir et répri- mer les incursions que les Indiens du Chaco pour-^ raient faire sur le territoire de la république où ils viennent quelquefois pour y voler le bétail, en faisant toute sorte de dévastations dans les campagnes. Presque tous ces postes sont élevés siu: les points culminants de la rive orientale. En 1851 , en descendant de TAssuncion , il n'en existait que quatre sur la rive droite dans le territoire du Chaco. Les deux plus importants étaient ceux d'Orange et de Formoso. Ces deux derniers qui étaient dans les conditions meilleures, se composaient d'une cabane couverte de pailles et de branches de palmiers. Cette cabane était entourée de pieux rectangulaires de A à 6 mètres de hauteur , et flanquée de quatre gué- rites élevées de 8 à 10 mètres, où la sentinelle se tenait perchée. Cette cabane pouvait contenir 15 à 20 fusiliers. Les corps de garde de la rive gauche sont construits sur un modèle analogue , mais ce qui attire surtout l'attention et la curiosité du voyageur, c'est la guérite dont je viens de parler, élevée ici de 20 et quelques mètres, et posée sur quatre poutres. Cette guérite présente assez bien l'aspect d'un moulin à vent sans ailes. Ces guérites, ainsi haut montées, sont placées asses: près les unes des autres, au-dessus de chaque corps de garde , de manière que la vue de la sentinelle ( ^^7 ) puisse se reposer sur les guérites de droite et de gauche et correspondre avec elles. La garnison d'un corps de garde est ordinairement de 25 à âO hommes , tandis que celle du piquet n'est que de 10 à 12 hommes. Il arrive assez souvent qu'il existe dans le voisinage une hacienda de bestiaux ap- partenant à l'État et destinée à l'approvisionnement du poste. C'est au moyen de ces corps de garde que se trans- mettent à la capitale, avec une grande rapidité, les incidents les plus minimes. Au bas de Potrero Ponâ , la rivière Paraguay fait deux grands contours dans la direction générale sud- est, et à la distance de 14 kilomètres, elle reçoit par la rive gauche, dans un terrain bas et soumis à l'inonda- tion, la rivière Aquidavan, autrefois appelée Pirahypar quelques-uns, et Guararabara par d'autres. Depuis Aquidavan, le rio Paraguay suit la direction sud-sud- est et montre sur sa rive gauche de nom- breuses plages pierreuses, avec des pierres qui s'avan- cent jusqu'au milieu de la rivière. A 22 kilomètres au- dessus , la même rive gauche reçoit les eaux de la petite rivière Saladillo , et à 12 kilomètres plus bas . s'élève villa Concepcion. Il nous a été impossible de reconnaître le rio Verde, qui, d'après quelques géographes, existe, rive droite, parcourt le Chaco et viendrait à cette hauteur affluer dans la rivière Paraguay. Pourtant on rencontre, entre les 23° 20' et les 23^21', une petite embouchure, dans laquelle des eaux, quoique peu volumineuses, ont un courant vers le bas ; nous supposons que c'est un bras (898) du rio Paragnay, qui se sépare du lit principal à Fed- droit appelé Nuvia. Villa CoDcepcion a été établie par les ^S^ 2h' rive gatiche, dans une plaine horizontale, très pea supé- rieure aux fortes crues. Les mes sont larges, alignées d'une manière régulière. Il existait cependant, en 1851 , peu de maisons en bon état , bien que le plus grand nombre offrit toutes les commodités du confortable. Ce sont des rez-de- chaussée couverts le plus grand nombre en feuilles de palmiers. A une autre époque , cette cité était beaucoup plus peuplée et bien moins misérable. Le commerce du tabac et surtout du maté lui donna une importance commerciale telle, que la prospérité et le bien-être partout y régnèrent et en firent la seconde ville de rÉtat. Le monopole du tabac et du maté a amené la misère générale. A une autre époque, en effet, c'était de C.ODcepcion que le commerce expédiait ces articles de culture, non-se lement pour le reste du pays, mais encore pour toutes les contrées de la Plata. 7 kilomètres au-dessous de Concepcion arrive par la rive gauche la rivière Ypané dont les sources sont les contreversants de la belle rivière Iguatemi, qui se jette dans le Paranâ. Un corps de garde existe à Tenibou- chure du rio Ypané, et c'est à 15 kilomèties de ce poste vers Tintérieur, que se trouve le bourg de Belem où se cultive particulièrement le maté. C'est un peu au-dessous de l'embouchure de l' Ypané que commence, rive gauche, la haute côte de CaapucA, qui se continue , en décrivant une courbe dans une étendue de 16 kilomètres. C'est dans cette convexité L ( 399 ) cst-sud-est qu'on remarque différentes élévations du nom de Siete Pontas. 7 kilomètres i/2 plus haut se présente le rivage élevé, nommé Barranco del Pedernal, qui n'a pas moins de 3 kilomètres d'étendue. Il y a à son extré- mité un corps de garde. De Pedernal la rivière poursuit la direction sud, et à kilomètres plus bas, toujours rive gauche, on arrive au Barranco de Piripucù qui a 8 kilomètres d'étendue. De ce point la rivière offre différents bras , qui se réunissent ensuite à 16 kilomètres dans la direction générale snd-sud-est. Alors le rio Paraguay longe pendant A kilomètres une rive élevée qui porte encore le nom de PotreraPonâ, et où se trouvent également un corps de garde et une belle hacienda de TÉlat, A 18 kilomètres au-dessous, la rivière courant au sud avec quelques détours peu considérables, reçoit, même rive gauche, la jolie et importante rivière de Jejuy sur les rives de laquelle, à la distance de 25 kilomètres, vers rintérieur, s'élève la belle ville de S. Pedro ou Iguamandigu. Peu après l'embouchure de Jejuy, commence, même rive gauche, le rivage élevé , couvert de forêts qui, après un parcours de 8 kilomètres vers le sud, se ter- mine au bourg de Cavalleiro. Pendant ce trajet on rencontre plusieurs îles dont l'une offre à son milieu un passage qui porte le nom de Passo del Urucuy. Dans ces parages les bas-fonds obstruent le Ut de la rivière et lui donnent peu de profondeur. Le Barmnco del Vrucuy se présente et est bientôt suivi du Barranco de Sepoïti. ( AOO ) C'est au bas de ce rivage élevé que se voient quel- ques petites lies et des bancs de terres , nuisibles à la profondenr de la rivière » qui reçoit bientôt les eaux de la petite rivière Quarepoti, dont l'embouchure est à 2 A kilomëti^es de celle de Jejuy dans la direction sud-sud est. Azara dit que l'on rencontre par les Ib!" 2A' une ri- vière que les Indiens désignent sous le nom de Tlagma- Megtempela; nous n'avons pu trouver cette rivière, ni obtenir aucun renseignement à cet égard. C'est sur la rivière Quarepoti, à la distance de 3 ki- lomètres vers l'intérieur, qu'existe la villa del Rosario. Depuis l'embouchure du Quarepoti jusqu'à la garde delpita, il y a, direction sud, 16 kilomètres de terrains bas et soumis à l'inondation. Près de la garde d'Ipita, au contraire, le rivage est élevé et entrecoupé de petits ruisseaux, dont le plus important porte le nom de rio Ipita. Le corps de garde d'Araguayta est à 8 kilomètres de là, et 25 kilomètres plus bas se voit le Barranco de la Mercede, d'où, A kilomètres encore, la rivière jette, rive gauche, un bras qui porte le nom de Paraguay- Miri. Celui-ci reçoit lui-même par sa gauche la petite rivière Mandubina. On retrouve ici le phénomène que nous avons si* gnalé en parlant du S. Lourenço, c'est-à-dire que lorsque le rio Mandubina est plus plein que le Para- guay, il repousse les eaux du Paraguay-Miri vers sa partie supérieure, de sorte que l'eau afflue à la fois par trois bouches en sens inverse. Cette petite rivière ou bras de rivière a à peine ô kilomètres de cours. Aussi- ( 401 ) tôt après sa jonction dans le lit principal, on voit une langTie de terre élevée, qui porte le nom de Itancoruby où Ton a placé un corps de garde. Dans la direction sud-sud- est, une étendue de ter- / rain plane forme la chapada ou plaine d* Arecutacuan, qui longe le rio Parjaguay pendant 12 kilomètres et donne passage à la petite rivière Pirebobuy, vers la gauche de laquelle a été planté le corps de garde de Pirebobuy. 3 kilomètres au-dessous d'Arecutacuan, rive droite, il y a un bas-fond près duquel une petite baie reçoit les eaux de la petite rivière Mboy-Caem, en même temps qu'à 9 kilomètres, dans la direction générale ouest- sud-ouest, arrive une autre petite rivière du nom de Saladillo, qui entre par la gauche après avoir suivi, durant plusieurs kilomètres, le cours du rio Paraguay, dont elle est séparée seulement par une langue de terre de quelques mètres; ce lieu élevé où existe une garde, porte le nom de Penon. Tout aussitôt après apparaît rile de S. Francisco, qui n'a pas moins de 7 kilomètres de longueur et qui, en face de son extrémité supérieure, voit arriver par le rio Confuse les eaux d'écoulement de 2 ou â kilomètres de terrains marécageux , qui forment la rive droite. Le bras oriental du rio Paraguay, formant l'Ile S. Francisco, est borné par un rivage pierreux à l'ex- trémité duquel arrive la petite rivière Suruby, pour montrer un peu plus en avant les éminences des Gas- tillos, au pied desquels il y a un récif facile à éviter. Enfin à 7 kilomètres des Gastillos apparaît l'Assun- cion, capitale de la république du Paraguay , par les ( 402 ) 25* 29^ lat. sud et 60^ 55' long, située qu'elle est dans une courbe sud-ouest de la rivière, sur une élévation qui domine un espace bas de 3 kilomètres d'étendue, et qui est sujet à l'inondation annuelle. La rivière court alors ouest-sud-ouest et tourne ensuite an sud perpendi- culairement à la côte basse sur laquelle est bâtie l'As- suncion; elle prend ensuite la direction générale ouest. Entre le rio Apâ et TAssuncion, on peut évaluer à 400 mètres la largeur moj'enne de la rivière Paraguay, bien que cette largeur varie de 120 à 800 mètres. On a dit et écrit que depuis le Fecho de Morros ou Pain de Sucre, le rio Paraguay courait comme dans un canal profond, sans offrir la moindre difficulté. C'est là une erreur que ce mémoire peut servir à éclairer, car on peut voir que depuis Itapicurii le lit de la ri- vière est parsemé de bancs pierreux isolés , et qu*il est souvent difficile de reconnaître et de suivre le ca- nal principal de la rivière. J'ajouterai qu'il existe des passages, où, à l'époque des basses eaux, on trouve à peine 2 mètres de profondeur, mais on peut affirmer que toute embarcation qui aura pu parvenir au Fecho de Morros, pourra remonter la rivière jusqu'à villa Maria, ou se diriger sur Cuyaba, comme nous l'avons déjà dit. Les Indiens Guaycurùs ou Mbayas , dont j'ai déjà parlé, et qui habitent le Chaco , remontent jusqu'aux hauteurs du rio Apâ. lisse montrent rarement dans la république , et toujours par bandes nombreuses. Ils portent ce pays en aversion. M. Leverger pense que ces Indiens appartiennent à la nation Lenguas , tribu des Guanas. Il est certain qu'ils ont beaucoup d'ana- ( 403 ) logîe avec cette nation. Nous les avons vos à Salvador, où ils venaient échanger des chevaux contre des bœufe. Rarement ils descendent au-dessous de ce point, ayant peu de sympathie pour le Paraguay , comme je viens de le dire. La colline sur laquelle est posée la ville de YJssun^ cioriy a 3 ou â kilomètres d'étendue est à ouest; sur la partie basse qui n'est guère au-dessous du niveau de la rivière se trouvent la douane, les chantiers de con- struction et l'arsenal de marine. C'est encore près de là que se voient quelques cabanes d'Indiens Payaguas, au nombre de cent à peine , qui approvisionnent la ville de fourrage et de bois de chauffage , qu'ils vont chercher sur la rive opposée. C'est, du reste, tout ce qui reste de cette puissante et belliqueuse nation , de laquelle le Paraguay atiré son nom, selon quelques uns, et qui fut jadis célèbre dans les annales de ce pays, par les lorgnes et sanglantes luttes qu'ils ont, à plusieurs époques, vaillamment soutenues, et contre les Portu- gais et contre les Espagnols. Le castillan est la langue officielle du Paraguay ; son usage est familier à tous les habitants des villes, même dans la classe moyenne, néanmoins tout le monde parle plus volontiers le guarani, et dans l'intérieur du pays on ne parle que cette langue, la plus répandue dans toute l'Amérique du Sud , et que l'on appelle langue générale. Ainsi dans l'intérieur du Paraguay, ce n'est qu'en parlant guarani que l'on peut se faire comprendre même pour les choses les plus usuelles. Bien que l' Assuncion ait été, durant de longues an- nées, la capitale de toutes les possessions espagnoles ( hOh ) daos cette partie de F Amérique , elle est le résultat d'nn provisoire qui a été définitif. Cette ville a été construite , sans que l'on songeât à son élégance ni à sa symétrie. La régularité qui s'observe dans toutes les villes espagnoles , y manque complètement. Les maisons furent élevées çà et là, sans ordre ni aligne- ment , souvent isolées et séparées par des jardins ou des espaces vides se succédant En un mot, on n'avsdt pris aucune des dispositions nécessaires au rôle d'une cité importante et capitale d'une immense vice-royauté. Le hasard seul a fait son accroissement, car elle devait être transportée dans une position bien plus conve- nable à 7 kilomètres plus au sud. Les événements en ont décidé autrement. Le dictateur Frauda voubit remédier à cet état de choses; il prescrivit un système d'alignement qui fit abattre nombre de maisons. Sa dictature fit des ruines, mais elle n'édifia rien. Le gouvernement actuel pour- suit depuis vingt ans un plan d'alignement analogue, qui subit les variations du sol, et s'il ne respecte pas toujours les droits des propriétaires, il tend à embellir la cité. Malgré cette ardeur de la volonté paraguayenne, on voit, des rues que forment des murailles en terre et souvent en taquaras (pieux plantés en terre) ; d'autres cependant ont des arcades couvertes et sont bien con- struites. Le sol sur lequel est bâtie TAssuncion et qui l'en- vironne, est sablonneux ; aussi n'est-il pas rare d'y voir jaillir de petits filets d'eau qui nuisent à la circulation. Les rues en 1851 n'étaient pas pavées, seulement quel- ques-unes venaient d'être bordées par un trottoir étroit pavé de pierre et de granit. ( 406 ) Les maisons n'avaient pour la plupart qu'un rez-dô* chaussée ; elles étaient basses, assez larges avec des mu- railles en terre ou en brique et couvertes de tuiles. La maison du gouvernement , palais du président, est un rez-de-chaussée assez vaste, isolé, avec deux façades sur une place et bordé par deux rues ; il est entouré d'un pérystile couvert. Le palais du cabildo, commencé il y a de nom- breuses années parles vice-rois, n'est pas encore ter- miné. C'est un édifice relativement remarquable, maîà il n'y a de solide que les prisons. La cathédrale réédifiée il y a quelques années, offre une architecture simple, sans grande élégance. Deux anciennes églises tombaient en ruines. Les casernes, dont deux étaient d'anciens couvents bâtis par les jésuites, sont spacieuses et en bon état. Il en est de même de l'hôpital militaire. L'arsenal ne mérite pas ce nom, cependant ila.été augmenté depuis quelques années. - De r Assuncion par en bas, la rive gauche de la rivière Paraguay traverse une série de mamelons dont quel- ques-uns bordent la rivière, tandis que d'autres en sont séparés par des plaines basses et où apparaît l'inonda- tion. Combarite est le nom de la dernière de ces éléva- tions que termine le corps de garde de Angostura» A 7 kilomètres au-dessous de la capitale on voit la petite montagne de Lambaré au pied de laquelle est la population du même nom, qui s'occupe spécialement et presque exclusivement de l'extraction du sel dont la terre de ce parage abonde. ^ C'est à Lambaré que fut forcé de s'arrêter, en jan- ( AOO) vier 18A6, malgré le commencement de la crae, en dépit même de la rare habileté de son commandant, M. le vice-amiral Treboaart, le Fulton^ bâtiment à vapeur de notre marine qoi, alors, venait d'ouvrir le Paranà par le beau fait d*armes d*Obligado. Le Fulion^ cependant, ne calait que 12 à 13 pieds; c'était, en outre, le premier navire qui entrait dans les eaux in- connuee du rio Paraguay. A 3 kilomètres au-dessous, même rive gauche, vient affluer la petite rivière Neembuy , auprès de laquelle on a placé le corps de garde de S. Antonio. Sur le peu* çbani sud de la colline Combarite, à 6 kilomètres de l'embouchure de Santa-Rosa, se voit à 3 kilomètres le joli bourg de la Yilleta. La rive droite du rio Paraguay, basse, sujette à l'inondation et entrecoupée de baies, reçoit un des bras de la rivière Pilcomayo, dont l'embouchure n'a pas moins de 50 mètres de largeur avec 6 mètres de pro- fondeur. Cette rivière, comme le Gochimoyo, son premier et principal tributaire, a ses sources au milieu des mon- tagnes boliviennes situées entre Oruro et Potosi. Elle traverse le vaste territoire du Chaco en se dirigeant au sud, puis à Test, pour venir apporter ses eaux au rio Paraguay par deux embouchures, l'une par les 25'' 8' etTautrepar les 25'' 32'. Tous les efforts des Boliviens pour descendre la rivière Pilcomayo ont été jusqu'à ce jour sans résultat. Il est à croire que le principal obstacle à cette naviga- tion se trouve dans le fait de la rivière elle-même, dont lea eaux se répandent dans la plaine sans laisser de (&07) lit nulle part et sans même présenter aucun courant. On dirait que l'eau disparaît jusqu'à ce qu'après plu- sieurs kilomètres elle se réunisse de nouveau, pour offrir un volume d'eau assez considérable avec un cou- rant qui se divise et que nous voyons arriver dans le rio Paraguay par deux embouchures. Au-dessous de la Villeta, à 6 kilomètres, se présente le détroit de Angostura où la rivière n'a pas plus de 80 mètres de largeur, mais avec une grande profondeur. La rivière se continue étroite ainsi plus de 90 kilo- mètres, en présentant quelques îles du côté du Chaco. Le joli bourg de Villa-Oliva apparaît rive gauche par les 26° l' lat. à 85 kilomètres de l'Assuncion, puis un peu au-dessous, sur la rive droite, le second bras ou la bouche méridionale du Pilcomayo. Disons que tout le delta formé par cette rivière dans le Chaco est bas, soumis à l'inondation, principalement dans la par- tie qui avoisine le Paraguay. Après avoir laissé derrière Sanjita, Agatape, Remo- linos, dans un parcours de 20 kilomètres, vient ensuite Villa-Franca sur la rive gauche par les 26° 19' lat., et c'est là que se terminent les terrains élevés qui, sur la rive gauche, bordent le Paraguay, car, depuis Villa- Franca jusqu'à Neembucu, les terrains sont bas et les petites rivières qui affluent de l'intérieur y forment, vers le voisinage des embouchures et des lagunes tempo- raires. A 15 kilomètres apparaît Herradura et son ter- rain bas, puis 8 kilomètres plus bas par les 26'» 36' le rio Tebiquary- Enfin à '11 kilomètres au-dessous, se montre Neem- bucu ou Villa delPilari par les 26" 52'. gros bourg sur ( 408 ) la berge même du rio Paraguay, qui fut longtemps le canton du Paraguay ; il Tétait encore en 1851. Long- temps le commerce extérieur s'est fait exclusivement à Villa del Pilar, et sous aucun prétexte l'étranger ne pou- vait franchir cette chétive cité. Depuis que le commerce se fait en entier à l'Assuncion, Neembucù a beaucoup perdu de son importance. A quelques kilomètres au dessous de Neembucù, la rive droite présente un brusque détour vers le nord- ouest qui porte le nom de f^uelta de la Monterita. C'est dans ce détour que vient, sur la rive droite, masqué par une île, déboucher le rio Vermejo, dont les eaux troubles, rougeâtres, saumâtres forment une démarca- tion très visible avec les eaux de la rivière Paraguay, Les eaux du Vermejo naissant dans l'intérieur de la Bolivie, après avoir traversé une grande partie du nord de la Confédération Argentine et tout le Chaco, vontse jeter dans le Paraguay, mais sans se mêler, et elles coulent ainsi plus de 100 kilomètres sur la bande droite du Paraguay et du Paranâ avant de se con- fondre dans l'immense courant que présente surtout ce dernier fleuve. A 9 kilomètres au-dessous de l'embouchure du Ver- mejo, un autre détour de la rivière Paraguay encaissée dans un canal de 200 mètres de largeur, forme la vuelta de Humaïta. Le gouvernement actuel du Paraguay vient de con- struire dans ce lieu une série de petites batteries. Il a profité de la disposition du sol en obligeant les navires qui montent à se haler dans le coude que forme brus- quement la rivière vers le sud. La berge est ici coupée ( 409 ) à pîc, avec 6 mètres d'élévation au-dessus du niveau moyen de Teau. Malgré cette hauteur, Tinondation re- couvre quelquefois cette position ; aussi, il y a quelques années, les travaux de fortification récemment terminés ont-ils été détruits par la force des eaux. Enfin, 26 kilomètres au-dessous d'Humaïta, la rivière Paraguay se jette dans le Paranâ par les 27* 16' lat. et 60* ^O' long. Deux îles, laissant au milieu un large canal, divisent le Paraguay en trois bouches, très bocas. La bouche principale, celle du milieu, porte le nom de Bocade Humaïta ; c'est le rio Paraguay proprement dit, elle n'a pas moins de 260 mètres de largeur. Celle de Test est étroite, et débouche dans le Paranâ à l'ancien Passe del Rey, aujourd'hui Passe de la Patria. Le gouvernement de la république du Paraguay possède un campement sur ce canal. Enfin, la troisième bouche, celle de l'ouest, porte le nom de Boca del Atajo, à cause de l'île de ce nom qui est en face, et qui appartient au gouvernement argen- tin. Corrientès y possède un petit détachement. Dans l'île del Atajo une colline de 16 mètres d'élé- vation portant le nom de Cerrito, présente une posi- tion extrêmement favorable pour un bon établissement maritime commandant l'entrée du fleuve. Disons que la baie que forme le Paranâ, en recevant les eaux du Paraguay n'a pas moins c!e h milles de largeur. Il continue ainsi en prenant an volume de plus en plus considérable jusqu'à ce qu'il se jette dans la Plata. Vers les sources du Paraguay et de ses premiers MAI ET lUIN, 5, ' 27 {H6) sdjacents jusque vers les hauteurs de Fecho de Mor^. ros, avons-nous dit, les pluies commencent ordinaires ment vers la fin d'octobre, pour se terminer en avrih Elles arrivent à la suite d'orages qui ont lieti chaque matin, et laissent la soirée belle et calme pour recom* mencer le lendemain. La crue d'eau est dand toute sa force en janvier dt février et se termine complètement en juin ou jtiillet. Les eaux baissent peu à peu depuis la fin dés pluies, en mars ou avril. Ces époques ne sont, malgré tout, pas exactement fixes ; souvent elles sont phis précoces, plus puissantes; d'autres fois elles sont plus tardives et moins étendues. Aussi l'inondation dépend-elle de la plus ou moins grande abondance des pluies et de leur durée. • Il y a des années dans lesquelles le rio Paraguay ne déborde pas, ou bien c'est à peine si la partie des ter- rains les plus bas se trouve couverte. Dans d'autres années, au contraire , l'inondation couvre d'immenses distances. On rapporte, et il est facile de le comprendre, qu'il y a des inondations qui atteignent jusqu'à 10 mètres au-dessus du niveau ordinaire; mais ce sont là des crues extraordinaires. Généralement la crue ne dépasse pas 5 mètres d'élé- vation, et c'est, eh certains endroits , plus qu'il n'en faut pour submerger de grands espaces. Quant à la superficie du terrain inondé , nous n'en pouvons assigner l'étendue par des chiflres. Vers le Jaurù, dans le parallèle des 16° 22', on pense que sur la rive droite elle s'étend à environ* 60 Itilo- i ^1* ) itikfeô, et que silr la Hvè gauche, tet-s la hauteur dii S. Lourenço et du Taquari , elle comprend plus de 80 kilomètres. A partir du S. Loilrenço , rinotidatioil ne va pas aussi loin , et aux environs du Fecho de Morros elle* n'èmbtasse pas au delà de quel(Jues kilomètres. Depuis Gbïinbra les terrains soumis à rinondatibu âotit plus côtisidérables 6t atteignent ëtiviroii i Sô ki- lomètres. A l'époque des sécheresses lés eaux disparaissent, mais on rencontre disséminés quelques points tnarë- cagëux ou quelques laguties qui n'ont |)as le tempâ dé se tarir complètement quâud arrive Ist nouvelle ferde. Au moment de ce dessèchement, il seî forme de véri- tables courants d'irrigation qui changent de place. Je ne mentionnerai pas tous les aniuiâut qui peuplent les rives de la rivière Paraguay et de ses alHueritS ; qu'il suffise de citer le tigre qui s'annonce souvent de loin par des hurlements formidables ; on le rencontre aussi bien dans les plaines que dans les forêts: Le capivara , ces troupes de sangliers oti dé potcS des montagnes , les cerfs et chevreuils, l'antâ ou tapir; lé pacca, le tamandua, le porc- épie ou ouriço, lé t4°, publ. de la Société de géographie. (2) Considérations sur les populations de VAfrique septentrionale {Nouvelles annales des voyages, 6® série, 1859, 5* année, septembre, p. 295). (3) Fcrd. Hoefer {Empire du Maroc) est d'une opinion contraire. — D'Avezac, Bulletin de la Scciélc de Gépgr., t. XUI, 2*^ série, p. 223. ( A3A ) On doit à fortiori rejeter l'iiypothèse mise en avant ^ar Salluste, qui ferait descendre les premiers habi- tants du nord de l'Afrique, des Perses, Mèdes ou Ar- méniens, composant l'année d'Hercule (libyen). ÏX)rsque les Romains abordèrent dans ces parages, les premiers habitants qu'ils rencontrèrent, furent ces mêmes colons, phéniciens ou juifs , établis dans les villes du littoral et dans quelques plaines voisines. Ils les désignèrent sous le nom de Mauri ou Maures; mai^ nous pensons, malgré l'avis contraire de M. Go- dard (1), qu'ils n'ont jamais prétendu appliquer cette dénomination aux populations de l'intérieur et des par- ties montagneuses, qui étaient pour eux des barbares et qui sont restés pour nous les Berbères. Aux Ro- mains succédèrent les Vandales, dont le passage laissa pe^i de traces. Leurs débris se confondirent avec les Maures qui s'augmentèrent également des colons grecs, venu3 de Constantinople à la suite des armées de Bé- lisaire. Les Arabes qui succédèrent aux Byzantins dans la possession du i^ahgreb, entrent pour une large p^rt dans sa population ; mais surtout dans le Maroc, leurs tribus ne se sont pas mélangées avec les tribus berbè- res ; la séparation des deux races est encore aujourd'hiii a-nssi tranchée qu'au temps de la conquête. Lorsque les Arabes et les populations nord-africaines de toutes races que les Espagnols avaient confondus sous le nom de Maures , qu'ils tenaient des Romains , eurent été chassés de l'Espagne , la civilisation avancée dont ils y avaient joui les empêcha de retourner à la vie no- made, et ils s'établirent de préférence dans les villes (i) JDasoWpfion et Aistotra du Maroc, f part., chap. 2, p. fO. ( A35 ) du littoral. Ils furent dès lors en grande partie con- fondus avec les véritables et anciens Maures dont ils s'étaient approprié les habitudes sédentaires. Les Is- raélites, depuis la prise de Jérusalem par Titus, se sont répandus dans le monde entier, mais particulièrement sur la côte septentrionale de l'Afrique, de l'Atlantique à la Tripoli taine. Ces contrées leur servirent en outre de refuge lorsqu'en lâ02 Ferdinand le Catholique et par la suite ses successeurs les chassèrent d'Espagne. Leurs descendants se sont considérablement multipliés dans le Maroc. La dernière race dont il existe dans cet empire un grand nombre de représentants, est la race nègre. A toutes les époques historiques , les caravanes ou les armées berbères ou arabes qui traversaient le désert ont amené les esclaves noirs du Sénégal et du Soudan dans le Mahgreb. Tantôt ces esclaves se sont mariés entre eux, tantôt ils se sont alliés aux Berbères, mais, surtout au sud des grandes montagnes et dans les oasis. Les Arabes seuls se sont refusés à. tout mélange avec les nègres et ont conservé la pureté de leur sang. On peut donc diviser la population du Maroc en cinq classifications : trois grandes, les Berbères, les Maures et les Arabes; deux moins importantes, les Juifs et les nègres. Les Berbères qui sont en Algérie les Kabyles et qu'on nomme Zouaves dans la régence de Tunis, se divisent dans le Maroc en deux branches qui parlent une langue différente, mais d'origine commune (1), (1) Washington, Notice of the empire of Marocco^ p. 141. Cet auteur a donné une liste comparée de certains mots des deux langues. Suivant ( &36 ) les Cbelleub' on Chelloks et les Amazirgues. Les pre- miers sont sans doute les plus anciens habitants du pays, mais ils ont été refoulés dans l'ouest de l'empire, près de l'Océan. Us peuplent la partie occidentale de l'Atlas, et les pays de Sous , de Djezoula et de Drâa. Les seconds, venus postérieurement de l'orient, se sont établis dans le Riff, dans le grand massif de l'Atlas jusqu'au 8* degré long, ouest environ, et dans tout le pays au sud des montagnes et au nord du Tafilet entre l'oued Drâa et l'oued Guir. Ces limites sont toutefois en partie problématiques et les renseignements font presque absolument défaut. Aujourd'hui, les Berbères occupent plus particu- lièrement les parties montagneuses de l'empire. Ainsi, on les trouve sur la droite de laMulouya, sous les noms de Beni-Snassen, de Beni-Hamelil, de Zek- kara, de Beni-Chebel, de Beni-Ouragh et de Béni- Ikoulal. Ils peuplent presque toutes les montagnes du Riff, de l'oued Kert à Ceuta ; le massif de rihril-el- Abhari d'où ils remontent vers le nord-ouest entre l'oued Sebou et l'oued Bouregrag ; les pays de Tadla, de Tifa, de Demnate, les environs delà ville de Maroc, le Djebel-Idraren-Drânn et presque en entier les pays de Sous et de Djezoula, Au sud des grandes montagnes on les retrouve dans le pays de Figuig , sur l'oued Saoura affluent de l'oued Guir, dans le pays des Aït- Atta au nord du Tafilet, dans l'oasis et le pays de le P. Godard (Note d'un voyageur au Maroc, p. 28), la répartition des Berbères serait toute différente. La population du pays de Sous représenterait les Amazirgues. (487) Drâa, et enfin dans toute la longueur du Touat (1). Les Arabes, au contraire, habitent, sous les noms de Ben-Thala, d'Ahmed-ben-Brahim , de Mezaouir, de Sereir, les environs d'Oudjda , le long de la frontière algérienne, et sous ceux de Beni-Bou-Yahi, de Beni- Oukil, de Settout, d'Hadj et de Halafs, les plaines du bassin de laMulouya. De là ils s'étendent vers l'ouest entre Toued Sebou et le Riff; puis reprennent au sud de l'oued Bouregrag et occupent le long de la mer toutes les plaines au nord des grandes montagnes. On retrouve quelques-unes de leurs tribus dans les pays de Sous et de Djezoula. A l'ouest de l'oued Drâa ils sont établis dans le pays de Sedrat, dans le Tafilet et dans l'immense delta formé par l'oued Guir et son affluent l'oued Saoura. Sous les noms de Tajakants, d'Ida et d'Aribs, ils peuplent toute la partie du grand désert au sud de l'oued Drâa. Quant aux nègres, il a été dit plus haut que, comme esclaves, on les rencontre dispersés dans tout l'empire, mais qu'ils ne sont assez nombreux pour prendre le caractère de peuple que dans la région des oasis. Les croisements qui ont eu lieu avec les nègres , ont cependant donné à la population marocaine, dit l'abbé Godard (2) , des traits de barbarie prononcés. On y remarque toutes les nuances de peau , depuis la cou- leur d'ébène jusqu'au blanc incertain. Suivant le même auteur, la famille impériale est mulâtresse. (1) Pour cette classification des différentes races, nous nous servons surtout de la belle carte de Fempire du Maroc, par M. le capitaine d*état-ma]or Baudoin, publiée en 1848 par le dépAl de la guerre. {2) Descript, et hUt, du Maroc ^ V partie, cbap. 2, p. 13, ( his ) Les Maures , comme les Juifs « occupent les gnmdes villes, surtout celles du littoral. On trouve cependant quelques villages et même quelques tribus Israélites, au milieu des montagnes , chez les Berbères ou Ka- byles qui , ayant moins de préjugés religieux que les Arabes, leur montrent beaucoup moins de malveil- lance. Ces Juifs, d'ailleurs, suivant la tradition locale, seraient venus d'Orient bien avant notre ère; ils parlent , dit-on , un chaldéen corrompu , intelligible pour ceux qui comprennent le syro-cbaldaïque du Talmud (1). Il serait extrêmement difficile, pour ne pas dire im- possible, de donner une nomenclature exacte des dif- férentes provinces dans lesquelles se subdivise l'em- pire du Maroc. Les délimitations intérieures n'ont pas été établies régulièrement, comme en Europe, par des actes administratifs, et les dénominations dont se servent, soit les Marocains, soit les géographes étran- gers, se rapportent tantôt à un ensemble de districts, tantôt à un territoire occupé par une seule tribu. Ces dénominations particulières, vraies sur quelques points, sont en général purement hypothétiques; nous nous bornerons donc pour le plus grand nombre des divi- sions de Tempire à indiquer par quels peuples elles sont habitées. Bien que les indigènes aient nommé Amalat, suivant les uns, le territoire régi parun kaïd, suivant les autres une circonscription financière , un nom générique ne peut pas non plus s'appliquer là où les termes employés n'ont pas une égale valeur. (1) Description et histoire du Maroc, p. 15. ( Ââ9 ) Pour faciliter la description du pays , nous divise- rons la totalité de Teiripire en quatre parties princi- pales : les provinces de Test, le royaume de Fex, le royaume de Maroc et les provinces du sud-est, PROVINCES DE L'EST AYANT FAIT PARTIE TANTÔT DU ROTAUllE DE FEZ, TANTÔT DE LA RÉGENCE d'aLGER. ' Amalat-Oadjda, Désert d^Angad. ROYAUME DE FEZ. Amalat-Theza. Ri (T. Amalat de Tetouan, Amalat - Tandja. ~ El-Gharb. Pays des BeDiBassao. — Gérouan. — Zemmoar- Chellah . Province de Mékinès. Amalat de Fez. Pays des Aït-Thsegrouschen. Pays des Aït-Youssi, — Oulad-el-Hadj, — Béni M'Guild, — Zayane, — AïtSeri , — A!t-louafelIah, — Aït-Tillougout, — Zaâères. Amalat de R'bat, Pays des Chaouia. ROYAUME DE MAROC. Pays des Dukkàla, Pays des Zemran, Amalat Azemour, Amalat des Tadia, — partie au roy. de Fez, — M'Tifslj — — de Maroc, — Demnate, Pays des Abda, Pays des M'Touga, — Ahmar, — Haha, -^ Chiadma, — Ida-Mahmcd, -^ Rahamma ou Amalat de — Ida-Ziki. Maroc, Amalat de Sous. •^ Seragrhna, Pays de Djezoula et d*0aed Noua. ( &iO ) PAYS DU SUD-EST. Pays de Dràa. Pays entre Tooed Gair et Poaed Pays des Alt- A tta , Namous , Pays de Tafilet, Pays de Tooat. PROVINCES DE LEST. Uamalat Oudjda , en partie montagneuse, s'étend de la frontière algérienne à Test jusqu'à la rive droite de la Mulouya à l'ouest. Quoique le traité du 18 mars ISAô ait attribué au Maroc cette province et une partie de l'amalat Theza, elle est en quelque sorte une dépendance de l'Algérie, ayant presque toujours fait partie du royaume de Tlemcen, dépendant lui- même de la régence d'Alger. La ville ou plutôt le vil- lage qui lui donne son nom, renferme habituellement 5 à 600 habitants, mais aux époques des marchés ce nombre s'élève jusqu'à 5 ou 6000. Les maisons y sont en terre et fort mal construites. Quoique accidenté, ce pays est extrêmement fertile, mais peu cultivé. Dans la région des hauts plateaux est situé le désert d!Àngad. Les trois quarts de ce désert appartiennent à l'Algérie. Il sépare l'amalat Oudjda des provinces du sud-est. DIVISIONS DU ROYAUME DE FEZ. La plus orientale de ces divisions est l'amalat de Theza qui, outre la portion déjà citée sur la rive droite de la Mulouya, s'étend le long de la rive gauche de cette rivière jusqu'à la Méditerranée. Les îles Zaf- farines, possessions espagnoles, oii Suffren proposait autrefois d'établir un port français, font partie de cette ( 441 ) province qui contient un grand nombre de plaines et de vallées d'une extrême fertilité. « Les îles Zaffarines, dit M. Godard (1), étaient vacantes en 18i7. Le géné- ral Cavaignac , envoyé alors pour en prendre posses- sion , les trouva occupées depuis quelques jours par une garnison espagnole. Dès 1833, continue le même auteur, MM.'Bérard et Dortet de Tessan avaient fait connaître Timportance du mouillage des Zaffarines, où alors la France pouvait et aurait dû s'établir, soit parce que les mauvais temps obligent les navires de Djerama-Ghazouat à s'y réfugier, soit parce que les frontières de l'Algérie s'étendront un jour forcément à la Mulouya, dont l'embouchure est voisine de trois îlots. )) Le sud de l'amalat Theza , traversé par la grande chaîne des montagnes, est à peu près indépen- dant. Sa capitale est la ville de Theza, située au pied même des grandes montagnes. Léon l'Africain , qui nous en a laissé une description, estimait qu'elle pou- vait contenir 5000 feux. D'après lui, elle aurait été la troisième ville de l'empire ; ses temples , ses palais étaient regardés comme de très beaux monuments ; elle renfermait plusieurs collèges. Ses habitants étaient riches, à cause de l'extrême fertilité des terres envi- ronnantes. Theza, renommée pour la pureté de l'air et la bonté de l'eau, est probablement encore le marché de grains où viennent s'approvisionner la plupart des tribus des rives de l'oued Ziz et particulièrement du pays de Tafilet. La province du Riff^ à l'ouest de l'amalat Theza, se (1) Descript* et hist. du Maroc, 1" partie, p. 70, I. MAI ET JUm, 7. 29 ( &iO ) PAYS DU SUD-EST. Pays de Dràa. Pays entre Toued Gair et Toaed Pays des Alt- A tta , Namous » Pays de Tafilet, Pays de Tooat. PROVINCES DE LEST. Uamalat Oudjda , en partie montagneuse, s'étend de la frontière algérienne à Test jusqu'à la rive droite de la Mulouya à l'ouest. Quoique le traité du 18 mars ISAô ait attribué au Maroc cette province et une partie de l'amalat Theza, elle est en quelque sorte une dépendance de l'Algérie, ayant presque toujours fait partie du royaume de Tlemcen, dépendant lui- même de la régence d'Alger. La ville ou plutôt le vil- lage qui lui donne son nom, renferme habituellement 5 à 600 habitants, mais aux époques des marchés ce nombre s'élève jusqu'à 5 ou 6000. Les maisons y sont en terre et fort mal construites. Quoique accidenté, ce pays est extrêmement fertile, mais peu cultivé. Dans la région des hauts plateaux est situé le désert d Angad, Les trois quarts de ce désert appartiennent à l'Algérie. Il sépare l'amalat Oudjda des provinces du sud-est. DIVISIONS DU ROYAUME DE FEZ. La plus orientale de ces divisions est l'amalat de Theza qui, outre la portion déjà citée sur la rive droite de la Mulouya, s'étend le long de la rive gauche de cette rivière jusqu'à la Méditerranée. Les îles Zaf- farines, possessions espagnoles, où Suffren proposait autrefois d'établir un port français, font partie de cette ( 441 ) province qui contient un grand nombre de plaines et de vallées d'une extrême fertilité. « Les îles Zaffarines, dit M. Godard (1), étaient vacantes en 18i7. Le géné- ral Cavaignac , envoyé alors pour en prendre posses- sion , les trouva occupées depuis quelques jours par une garnison espagnole. Dès 1833, continue le même auteur , MM. 'Bérard et Dortet de Tessan avaient fait connaître l'importance du mouillage des Zaffarines, où alors la France pouvait et aurait dû s'établir, soit parce que les mauvais temps obligent les navires de Djerama-Ghazouat à s'y réfugier, soit parce que les frontières de l'Algérie s'étendront un jour forcément à la Mulouya, dont l'embouchure est voisine de trois îlots. » Le sud de l'amalat Theza , traversé par la grande chaîne des montagnes, est à peu près indépen- dant. Sa capitale est la ville de Theza, située au pied même des grandes montagnes. Léon l'Africain , qui nous en a laissé une description, estimait qu'elle pou- vait contenir 5000 feux. D'après lui, elle aurait été la troisième ville de l'empire ; ses temples , ses palais étaient regardés comme de très beaux monuments ; elle renfermait plusieurs collèges. Ses habitants étaient riches, à cause de l'extrême fertilité des terres envi- ronnantes. Theza, renommée pour la pureté de l'air et la bonté de l'eau, est probablement encore le marché de grains où viennent s'approvisionner la plupart des tribus des rives de l'oued Ziz et particulièrement du pays de Tafilet. La province du Riff^ à l'ouest de l'amalat Theza, se (1) Descript» et hist» du Maroc ^ i" partie, p. 70, I. MAI ET JUm, 7. 29 ( Ai2 ) divise en l'ama/a/ duRi/feien YamalaideTétoiian{i)» Oo y reoooDtre pen de plaines ; c'est upe région moo- tagneuse et des plus accidentées, les bailleurs y sont généralement séparées par de profonds ravins. L'inté- rieur en est à peu près inconnu , on sait seulement qu'elle renferme une population exti:ômement belli- queuse » presque entièrement composée de Kabyles* Elle produit beaucoup de blé et Ton y élève de nom- breux troupeaux, soit dans les vallons, soit sur le pen- chant des collines. Les fruits de tous genres y mûrissent parfaitement et acquièrent une extrême saveur. Les villes principales sont : Melillia (2) ou Mélilla (Mlîla), préside espagnol , conquise en 1496 sur les Maures par le duc de Médina-Sidonia (3) . Attaquée sans cesse par les Marocains, elle fut en 177i assiégée par l'em- pereur lui-même. La population de cette ville est de 2000 à SOOO âmes. M. Grâberg de Hemso prétend qu'elle fut fondée par les Carthaginois. Les Romains la nommaient Ryssadirium. Elle est située un peu au sud du cap Ras-ed-dir , Rusadir , que )es Espagnols appellent Très Forças. Au dire de Léon l'Africain, il y avait aux environs des pêcheries de perles fines. On trouve sur le territoire voisin des mines de fer très pro- ductives. Le miel de Melillia est renommé. (1) Le mot Riff ou er Rif vient de ripa, lUtoral, rivage {empire du Maroc, par Fcrd. Hoefer, dans V Univers piUoresque). (2) D*après le capitaine Beaudoin. (3) Diaprés M. Gr'àbcrg de Hemso, le préside espagnol serait situé dini 000 lie eo face du continent auquel il serait joint par po poot- levis {['• part., p. 43). M. Tabbé Godard ditégalement que la ville de Melillia occupe une presqu'île reliée au contluent par uo isthipç roc^eai* { 4« ) jUi) pçu à youièst dç rembouchure âe Foued Ri$ eâH située flans une petite île , au fond de la baie des Al* hucemas, le comptoir espagnol d'Hadjerat en Nekour; puis à 35 kilomètres environ vers Touest de ce dernier point , aussi dans une île , el penôn de Vêlez , égale* ment possession espagnole, renfermant 850 habitants. Près d'Hadjerat on trouve à quelque distance dans Tia- térieur, au îon^ d'une petite baie, la ville maure d» Badis ou Badès , apcienne Parietina , nommée par le| Espagnols Vêlez de la Gomera. C'est une très vieiilfe cité. Elle renferme 600 maisons. Par un traité conclu le 2A août 1859 et ratifié à la fin de la guerre, l'Espagne a obtenu pour les trois points de Melilla, el penôn et Alhucemas' ou Hadjerat certains privilèges avantageux aux chrétiens. La fondation de Tétouan , ville principale de l'amar lat aie ce nom , remonte au temps des Romains qui i^ nommaient Jagath. Elle est située à 6 kilomètres de la mer ou plutôt d'une baie que forme i'embou^ cbure de la rivière Martil. Tétouan est encora um ville ço^jisidérable, le nombre de ses maisons s'jélèv« à li^OO, dont 170 forment ce que les Vénitiens nomL* meraient la Guidesca ou quai^tier des Juifs. Elle est peuplée par 16,000 habitants : 0000 Maures, A20i9 Juifs , 2000 noirs et 800 Berbères ou Riffiens (1) . Uû grand nombre dénies, et surtout les rues marchandes, y sont couvertes de toits ou de berceaux de vigne et autres plantes grimpantes qui en font de longs et (1) Grâberg de Hemsd, p. 41 . M. Godard porte à 30 000 le QOiQ^rf des habitants de Tétouan. ( &Ai ) obscurs passages, obstrués par des immondices de tous genres. M, Godard y compte 40 mosquées. Tétouan est entourée d'une ancienne et haute muraille flanquée de tours carrées , mais une montagne la domine. A Tembouchure du Martil s'élèvent deux grands forts en briques revêtues de chaux que M. T amiral Romain- Desfossés vient d'anéantir après trois quarts d'heure de canonnade, en punition d'une insulte faite par leur garnison au vaisseau français le Saint-Louis. La rivière Martil n'est navigable que pendant 3 kilomètres , et encore une barre, formée à son embouchure, n'en per- met l'entrée qu'à des embarcations ne tirant pas plus d'un mètre d'eau. Le rivage en face de Tétouan est sablonneux (1). Le pays environnant est fort beau et cultivé sur un grand nombre de points. Cette ville est interdite aux Européens depuis 1770 ; M. de Hemso prétend qu'il faut chercher la cause de cette interdic- tion en ce que les femmes y sont les plus avenantes de tout l'empire ; mais on doit penser qu'elle se trouve plutôt dans ce fait, qu'en 1770, un Anglais ayant tué un Maure, les consuls européens qui y résidaient, re- çurent l'ordre de la quitter et de s'établir à Tanger. Jusqu'à la dernière guerre avec l'Espagne, les puis- sances européennes n'avaient plus pour représentants à Tétouan que des agents pris parmi les juifs. Le com- merce ne manque pas d'une certaine activité, les na- (l)yoir la carte de la côte de Tétouan, dressée en 1853, par MM. Duchaxel, Ollivier, Tirard, ofGciers de la marine impériale, et C. Vincendon-Damoulin, professeur d'hydrographie, à bord de Tayiso à vapeur le Pétrel, commandé par M. Duveyrier, capitaine de frégate, publiée en 1837 par le dépôt général de la marine, ( â45 ) vires abondent dans deux petites baies extérieures à remboiichure du Martil , et la garnison anglaise de Gibraltar prend sur ces points une partie de ses ap- provisionnements. Ces ports sont très fréquentés par les Espagnols ; de loin en loin on y voit quelque na- vire français ou italien. Les principaux articles sont à l'exportation : la laine, Torge, la soie, les ceintures, les cuirs bruts et ouvrés, les babouches, les bœufs et les mules, ainsi que Técorce de chêne ; à Timportation : les soiries, la poudre à canon, les armes à feu, la po- terie, les briques et les tuiles. Tétouan est, au dire de M. Godard, la plus grande fabrique d'armes à feu in- digène. Dans une presqu'île de 4 kilomètres de longueur, située un peu au sud du cap Blanca, est placée la ville de Ceuta (Septa) , qui doit son nom à sept montagnes nommées par les Romains Septem Praires. Elle est construite au pied du mont Abyla, aujourd'hui El-Acho, qui, avec la montagne de Calpe (Gibraltar) formait les célèbres colonnes d'Hercule. La forteresse de Ceuta couronne le mont Acho ; une forte redoute occupe l'entrée de la presqu'île vers le continent. Tour à tour soumise aux Romains, aux Vandales, aux Goths, aux Arabes, aux Génois, aux Portugais, cette ville est possession espagnole depuis 1640. Les attaques sans cesse renouvelées des populations belliqueuses du voisinage qui brûlent de s'en emparer, sont une des causes de la guerre que l'Espagne vient de faire au Maroc. Ceuta renferme, d'après les documents oflSciels espagnols, de 5 à 6000 habitants. En temps ordinaire ( ftâ«) avant la deinière guerre, elle n'était défendue qne par une faible garnison. Le g-mTemement en avait fait un lien de transportation. Son port est petit et mauvais , mais il pourrait être beaucoup amélioré. Par sa position à l'entrée de la Méditerranée , Ceuta, convenablement fortifiée , serait entre les mains des Espagnols le contre-poids de Gibraltar et annihilerait en partie cette redoutable citadelle. Par le dernier traité conclu entre le maréchal O'Don- nell et Muley el Abbas , l'empereur du Maroc cède à la reine des Espagnes, à perpétuité et en pleine pro- priété et souveraineté, tout le territoire compris depuis la mer, en suivant les hauteurs de la Sierra-Ballones, jusqu'au chemin d'Anghera. Dans la partie la plus étroite du détroit, dit M. Go- dard (1), se trouve le village d'Alcazar ou Ksar-es- Segber, le petit château, où s'embarquaient autrefois les souverains du Maroc pour leurs expéditions en Espagne « Vamalat Tamtja s'étend le long de l'océan Atlan- tique à l'ouest de l'amalat Tétouan. Sa population est presque entièrement de race arabe. Les deux princi- pales villes de cette province sont Tanger et Larache. Tanger, située à Test du cap Spartel et l'un des deux ports du Maroc les plus fréquentés par les Européens, est une vilaine ville construite sur les versants oppo- sés de deux collines et dans le vallon qui les sépare. Gomme Alger, vue de la mer, elle se présente en anà* ■ (i) Betcript» et hUt, eu Maroù^ f* pari., p, 56. phîthéâtre. Les seules maisons un peu remarqua- bles y sont celles des consuls européens, pour là plupart entourées de vastes jardins ; les autres, con- struites sans fenêtres extérieures comme les maisonè arabes en général, donnent à la ville la plus triste ap- parence. Les rues sont sales, étroites et tortueuses, sauf la principale (j[uî traverse la ville dans toute la longueur. La grande mosquée est d'une belle construction. Les moines espagnols de Saint-François possèdent un cou- veiit à Tanger. La citadelle ou kasba offre quelque in^ térêt par les ruines romaines ou arabes qu'elle ren- ferme \ mais elle est aujourd'hui dans le plus complet délabreraeht. Le mur d'enceinte de la ville tient à peine debout, surtout depuis le bombardement du 6 août 1844, car les empereurs ne font presque aucune dépense pour Tanger qu'ils regardent comme une ville mau- dite depuis que les Nazaréens (chrétiens) y ont acquis une influence dominante par la présence de leurs con- suls. La baie de Tanger est défendue par sept ou huit forts ou batteries assez mal établis et complètement isolés les uns des autres, tels que ceux de la pointe Malabâtà, d'Achmet et d'el-Arabi-el-Saidi. Son port, formé par une série de récifs qui s'avancent dans la baie, est peu spacieux, mais quelques tt-avaut sulfl- raierit pour en faire uti refuge excellent ; il sefaît, du reste, très passable, dit M. Godard, si les Anglais, en évacuant cette vWe, n'avaient fait sauter le môle dont les vestiges se voient encore à fleur d'eau. La baie est très étendue, trop étendue peut-êtrei pour offrir une protection suffisante en toutes saisons ; le fond y est en général de sable mêlé de gravier et de bancs de co- ( AA8 ) raux (1). La population de Tanger s'élève à 9500 âmes dont 2500 Juifs, l&OO noirs, 300 Berbères ou Riffiens et une centaine de chrétiens. Suivant le lieute- nant Washington, Tanger n'aurait que 7 à 8000 âmes, et suivant M. Delaporte, 5 ou 6000; M. Godard, lui en donne 10 000. Cette ville fut successivement au pou- voir des Romains, des Goths, des Arabes qui la con- servèrent plus de sept siècles, et des Portugais qui, après deux siècles de possession, la cédèrent aux An- glais, comme dot de la princesse Catherine, femme de Charles II, en 1662. Ces derniers l'occupèrent vingt- deux ans, puis l'abandonnèrent en ayant soin de dé- truire le môle et les fortifications. Depuis cette époque, elle est restée à l'empereur du Maroc. Le commerce de Tanger n'est considérable que pour l'importation européenne, sa position isolée des parties les plus fertiles de l'empire ne permettant pas à l'ex- portation d'y chercher un débouché lucratif. Les mar- chés ne sont alimentés que par les seuls produits de la presqu'île au nord de laquelle elle est située, qui, ac- caparés par les Anglais, contribuent à nourrir la gar - nison dé Gibraltar. Il s'y fait aussi des affaires assez importantes, sur la vente des sangsues. A l'importation^ ce sont les soies grèges qui tiennent le premier rang. Sur la côte de l'amalat Tandja, entre le cap Spartel (1) Voir le plan de la baie de Tanger lev^ en 1835 par M. Le Sauloier de Vauhello, capitaioe de corvette, commandant le brick It YoKXqtWy publié en 1837 par le dépôt général de la marine. Consul- ter également sur Tanger, Washington, Gcographical notice of Ihe empire of Marocco (Journal ofthe royal geographical Society of Lon- don, 1831, vol. l*',p. 123). ( m ) et Larache, est située la ville ou village, on peut même dire sans crainte la ruine d'Arzilla, Zilia des Cartha- ginois, Gonstantia Zilis des Romains, qui, après la chute de Tempire, appartint tour à tour aux Goths, aux mahométans et aux Portugais qui T abandonnèrent aux Maures vers la fin du xvi' siècle (1) . Larache ou el-Araiche, le jardin des fleurs^ à Tem- bouchure de Toued el-Kous, placée sur la route qui mène de Tanger à Maroc en longeant l'Atlantique et en passant par Azemour, est une ville assez malsaine dont la fondation remonte tout au plus au xv« siècle. Elle s'élève sur la rive gauche au bord même du Kous. Ce petit fleuve forme un port intérieur de 6 à 7 mètres de profondeur qui est devenu à peu près inutile, les sables ayant réduit à 2 mètres la hauteur de Teau à son embouchure. La rade est vaste et ouverte à tous les vents (2j. Larache fut occupée par les Espagnols de 1610 à 1689. Elle est mieux construite que la plupart des villes maures, elle renferme quelques anciens édi- fices chrétiens, et ses fortifications, œuvre des Espa- gnols, sont bien préférables à celles de Tangoj:. Trois batteries défendent l'entrée du fleuve vers le sud, mais au nord il n'existe aucun moyen de défense (3). Les (1) J. Drammond Hay, Le Maroc et ses tribus nomades, traduction de madame Louise Belloc, chap. 6, p. 69. — Godard, Descr^t. et hist- du Maroc, 1'® part., p. 75. (2) Voir le plan de la rade de Larache levé en 1853 par M. Vin- ccndon-Dumoulin , ingénieur hydrographe à hord de la corvette k vapeur le Newton commandée par M. Simonet de Maisonneuve, pu- blié en 1855 par le dépôt général de la marine. ^3) Griberg de Hemso, Specchio deW impero diMarocco, p. 46. ( 450 ) UDS lui donnent AOOO habitants, dont 2700 Maures et 1800 flébreux (1) ; les autres 2000 seulement. Son port a été à certaines époques le siège d'un commerce âssea! étendu ; mais aujourd'hui son importance a beau- coup diminué. « On y voit, amarrés à Tembouchure de la rivière, dit M. Drummond Hay (2), des navires mar- chands, anglais, français et espagnols, attendant leurs cargaisons composées principalement de laine , de * peaux, d'écorce de chêne, de fèves, de haricots et de grains de différentes espèces que Ton exporte en échange de fer, de drap, de cotonnades, de mousselines, de su- cre et de thé. En face de Larache, sur la rive droite de l'oued el- kous, on remarque encore les ruines de l'ancienne ville roimaine de Lixus qui donnait soii nom au fleuve. Le pays environnant est extrêmement pittoresque et d'une gfande fertilité, mais marécageux ; il renferme surtout 4e belles forêts où domine lé chêne-liége. On y cultivé beaucoup de coton et on y élève une race de chevaux très remarqtiable. Il existe autour de là vilîë , de nlagftifiquès jardins où Ton signale un grand luxe dé fleurs (3). En remontant l'oued el-Kous, ot trouve vers le 35* de- (f) GrSbprg de HemsS, Specchh dell' impero éi Marocco^ p. 45. M. Drumntond Hay attribue à Larache 3000 habitants. — Le Heulenarit W. Ârleil de la marine royale d*Angleierre (Description de la côté d* Afrique du cap Sparlel au cap Bojador) oe lui donne que 2500 âmes. (2) Le Maroc ei ses tribm nomades, traduction de madame Louise Belloc, ebap. t5, p. 186. (3) LieuL Washington. Geog» notice ofihe empire of Maroeco {Jour^ nal ofthe roy *geog* Saokty of LondBn, 1831 ^ t. 1«'^ p» 1^5)« ( â51 ) gré latit. stid la ville •d*El-Kessar-el-Kebîr(le grand pa- lais) qui se trouve à la jonction de la roate de Fez aveè celles de Tétouan, de Tanger et de Laràche. Elle doit son origine au calife El-Mansor qui s'y fit construire un |)alais autour duquel s'élevèrent bientôt un grand tiombre de maisons en brique. Cette ville, située' au mi- lieu de pâturages inondés une partie de Tannée, est très inalsaine, il y règne des fièvres In tertnitteii tes. Elle renferme à ou âOOO habitants. Ses murailles sont au- jourd'hui en ruine. Vdmaldt el Gliarb situé etitre l'amalat Tandja et l'oued Sebou, s'étend, en longueur, depuis TAtlan- tîcjtie jusqu'aux montagnes du Rîffi Sa populatioflj de race arabe dans presque toute son étendue, est de race berbère en approchant des montagnes. C'est eô géné- ral un pays dé plaines où le sol, d'une grande fertilité dans l'intérieur, devient sablonneux et marécageux en se rapprochant de la côte. Le long de la mer on remarqué plusieurs grandes lagunes. La principale tribu qui peuple ce district est celle des Beni-Melel-Sefian, de f cite arabe. ** Entre l'oued Sebou et l'otled Bouregrag est situé le jpàysdes Dèni-Bassan^ tribu arabe qui ne respecte pas toujours les volontés de l'empereur. C'est une contrée extrêmement basse et par conséquent malsaine, où l'oùedBehtj ne trouvant pas de débouché, forrtie d'ini- menses marais. L'espace entre ces marais et la mer est occupé en partie par la grande forêt de Mamôrâ, véri- table repaire de bêtes féroces. On y remarque aussi le port de Mehedia, ancienne Mamôra, possession portu- gaise etrefuge de pirates» occupé aujourd'hui par d«B ( 452 ) pècbeors. Des raines de fontaines, d*aquedncs, d'égli- ses et d'une double mnraUle attestent l'ancienne im- portance de cette viUe (1). Le port de Salé est situé dans le pays des Beni-Bas- san, mais comme il se confond avec celui de R'bat, nous nous en occuperons en parlant de ce dernier. La route de Fez à Salé traverse le pays des Beni-Bassan, ainsi que celui des Gerouan^ placé plus à l'est. Les Gerouan sont de race berbère. Au sud-est des Beni-Bassan s'é- tend le pays des Zemmour-Chellah^ Berbères à peu près indépendants. C'est une région très peu habitée dans laquelle on ne connaît aucune ville. Les parties basses y sont rendues marécageuses par le passage de l'oued Beht. Un peu an nord des Zemmour-Gbellah, entre leur ter- ritoire, celui des Gerouan et l'amalat de Fez, est situé le district de Mekinès^ belle ville et résidence d'été de l'empereur. Quoique le pays soit très humide, Mekinès, placée sur Tun des contre-forts de T Atlas, est saine pen- dant la belle saison. Son enceinte assez bien conservée a quinze portes monumentales. On y voit aussi douze mosquées. Le palais de l'empereur, construit en partie avec des marbres de France et d'Italie, monument très vaste, en est le principal édifice, et renferme, dit-on, le trésor impérial ; avec ses jardins, il a 2 milles de tour. On évalue la population de Mekinès à 15 000 (1) Lieut. Washington, Notice of the empire of Marocco^ p. 128. Cette notice a été traduite en partie dans le Bulletin de la Société de Géographiede Paris^ par M.Albert Montémunt, t. XVII, 1832, p. 117. Cette traduction est accompagnée d'une carte. — E. îienou, Desoript. géographique de l* empire du Maroc , p. 23. ( 453 ) âmes (1) ; mais M. Grâberg de Hemso (2) la porte à 55 000, dont 89 000 Maures ou Arabes, 9,000 nègres presque tous soldats, 5,000 hébreux et 1,700 Berbères ou Kabyles. La différence de ces deux appréciations peut s expliquer en ce que la première représenterait la population propre à la ville, tandis que la seconde se rap- porterait à Tépoque du séjour du sultan qui, à Tinstar des autres souverains musulmans, ne marche qu'avec un véritable corps d'armée. Metinès est entourée de jar- dins qui passent pour les plus beaux du Maroc. Le pays voisin est couvert d'oliviers. Dans le sud et à peu de distance de cette ville, commence le grand massif mon- tagneux peuplé de tribus berbères où Tautorité de l'em- pereur est entièrement méconnue et dans lequel ses soldats ne peuvent pénétrer sans combattre. Les habi- tants de cette contrée dévastent quelquefois le pays jusqu'aux portes de Mekinès. Uamalatde Fez^ une des parties les plus fertiles de l'empire, est traversé par l'oued Sebou dont les nom- breux affluents entretiennent une fraîcheur salutaire. Ce pays, plus élevé que les districts de la côte occidentale, n'est pas fiévreux comme eux; il est généralement très sain. Sa capitale peut passer pour la ville la plus importante de l'empire, quoiqu'à titre de résidence impériale elle ne vienne qu'au second rang. C'est de Fez, la ville sainte de l'occident, que partaient autrefois les grandes caravanes qui parcou- (1) Ferd. Hoefer, V empire du Maroc (Univers piltoresque); d'après M. d'AugustiDy Marokko, in scinen gcographischen, historischen, elc, Pestb, 1845. - (2; Specchio deW impero di Marocco, p; 50. ( hU ) raient tout le pord de l'Afrique pour se rendre anii villes saintes de l'orient, échangeant sur leur parcours les produits manufacturés du Maroc contre ceux des pays qu elles traversaient. Cette ville fut fondée au comln^nce(nent du ix° siècle de notre ère parEdris-ben- Edris. Deux fois déjà ce prince avait commencé Tédi- fication de sa nouvelle capitale, mais des torrents im- pétueux ou les crues du Sebou avaient dévasté les travaux , lorsqu'il chargea son ministre Omar-ben- Mosshabel-Houzdi de chercher un nouvel emplace- ment. Omar parcourut Fahs-Assaïs et s'arrêta sur les bords de la rivière de Fez dans un vallon situé entre deux hautes montagnes richement boisées et arrosées par de nombreux ruisseaux. Ce lieu lui paraissant ap- proprié à la fondation d'une grande ville, il retourna près d' Edris et lui rendit compte de ce- qu'il avaij v.u, aL'iman enchanté demanda à qui appartenait cette propriété I... A la tribu des Zouaga qu'on appelle ai^ssi 6efli-el-Rheïr (enfants du bien), répondit Omar. — Ce Qom est de bonne augure, dit Edris, et aussitôt il en- voya chez les enfants du bien acheter l'emplacement de la ville qu'il leur paya 6,000 di'abem ; ce dont il fit dresser acte (1).» Fez paraît avoir atteint vers le xvi» siè- cle son plus haut degré de splendeur, mais aujourd'hui elle est bien déchue ; c'est cependant encore le plu§ grand centre commercial de l'ouest deMahgreb. Sa po- pulation qui, au XVI* siècle, s'élevait à environ AO 000 (1) Abju Mohananaed Saieh Ben Abd-el-Khalim de Grenade, Bist. des souverains du Maghreb et de la ville de Fez, écrile à Fez en Tao 726 de Thégire (1325). Traduction manuscrite d*Auguste Beaumier, agent vice-consul de Fronce à Rabat et Salé, 1858. (ASM fap^illes, plus AOOO Juifs, n'est, au 4ire de M- Qrk- berg de Hemso, que de 8S 000 âmes qui se répartjs^ sent ainsi : GôOOO Maures et A;*abes, 10 000 Oerbëres, 9000 Hébreux et AOOO nègres (I). M. Renou n# portQ cette population qu'à 30 ou AO^OOO âmes (2), tandis que M. Godard la fait remonter à 80 000 (3). La se- conde capitale de Fempire se divise en ancien Fez o\t yille basse, et nouveau Fez ou ville haute. Les Juifs r^r sident dans cette dernièJre, pu se trouve également 1% palais de l'empereur, vaste enceinte renferniant plur sieurs cours et de nombreux jardins. Les EuropéiQQ^ n'ont jamais pénétré dans les appartements de ce vaste palais dont les trois quarts ne forment qu'un amas de ruines (A). On compte à Fez un nombre immense de mosquées dont la plupart sont surmontées de minarets ; quelques relations parlent de 360, quelques autres de 700 mosquées dans les deux villes. Les rues sont étrçi- tes, tortueuses et non pavées; aussi à l'époque des pluies forment-elles de véritables ruisseaux de boue auxquels viennent encore s'ajouter des imujondices de toutes natures. Des bandes de chiens féroces Jâchés la nuit sont seuls chargés de les débarrasser des cada-- yres d'animaux qui les encombrent et d'enjpêcher le pillagedes boutiques par les maraudeurs. Les maison^^ en général très élevées, ont leurs étages supérieurs en saillie, ce qui retire aux rues l'air et le soleil. Les voies publiques sont en outre obstruées de loin en loin p^r (1) Specchio delV impero di MaroccOf !*• partie, p. 48. (2) Description de l'empire du Maroc^ p. 379. (3) Descript, et hist. du MaroCy V^ partie, p. 48. (4) F^j|. Boifer, Uempirp du Marœ, p. aO| iOpfvi/frs ptl^r^f^ue). ( 456 ) des murailles très hautes, percées d'arceaux qui sépa- rent les quartiers et qu'on ferme pendant la nuit. Le mur d'enceinte qui entoure les deux villes tombe en ruine sur bien des points. Le seul système de défense que l'on connaisse à Fez consiste en deux mauvais châ- teaux forts, l'un à l'est, l'autre à l'ouest. Fez est tra- versée par plusieurs ruisseaux qui lui fournissent de très bonne eau et font tourner une grande quantité de moulins où les populations du pays environnant, très abondant en blé, font moudre leur grain. Léon l'Afri- cain estimait leur nombre à 400. On remarque aussi à Fez beaucoup d'hôtelleries ou caravansérails et de trai- teurs dans le genre de nos restaurants, ce qui donne à certaines parties de cette ville un franc aspect de cité européenne. 11 existe des bains publics dans cha- que quartier. La vie est, dans cette capitale, extrême- ment bon marché, on y vend surtout à très "bas prix la viande de bœuf et de mouton, la volaille et le pain. Les montagnards du voisinage y portent d'excellent miel et de très bonne cire. Non-seulement Fez était la ville sainte par excellence, mais encore l'université la plus célèbre de tout le Maghreb. Elle possédait autre- fois plusieurs écoles ou collèges dans lesquels l'étude des lettres et des sciences était poussée fort loin. La mosquée del Caroubin renfermait une magnifique bi- bliothèque, où, dit M. de Hemso, on eût peut-être re- trouvé les livres perdus de Tite-Live et d'autres auteurs grecs et latins ! Malheureusement il reste au- jourd'hui peu de vestiges de ces établisseinents scien- tifiques. Au temps de sa splendeur, Fez était surtout une ville (â67) commerçante ; et quoique l'activité de son marché soit bien tombée, c'est encore ce qui la recommande le plus à l'attention des étrangers. 11 y existe plusieurs manu- factures dehaïcks en laine, de ceintures et de mouchoirs en soie, de cuirs admirablement tannés avec lesquels on y confectionne des babouches, des selles, des cous- sins renommés dans l'Europe entière. On y fabrique aussi des bonnels de laine rouge, de la bonne toile de lin, de magnifiques tapis, de mauvaise faïence et de la bijouterie grossière. Au sud de l'amalat de Fez conunence le massif mon- tagneux du centre de l'empire du Maroc. La partie de cette contrée où sont situées les sources de l'oued Se- bou est habitée par les tribus berbères des Ait- Tkse- grouschen et des Aït-Youssi^ qui sont gouvernées par un mêmekaïd résidant à Safrou, village placé en avant des montagnes. Le territoire des Aït-Youssi est tra- versé par la route qui mène directement de Fez au Ta- lifet, en passant par la plaine d'Outate, le défilé de Tizin-Tinrount et les rives de l'oued Ziz. C'est une des voies les plus fréquentées du Maroc, car elle ouvre aux * produits manufacturés de Fez et aux marchandises an- glaises, venues par les ports du nord, l'immense débou- ché du Soudan. Les Aït-Youssi usent largement de cette bonne aubaine en rançonnant à plusieurs reprises, sous prétexte de les défendre, les caravanes qui franchis- sent leurs montagnes. Si les Aït-Thsegrouschen et les Aït-Youssi sont de race berbère, les OuIad-eUHadj qui occupent au sud-est de lem: pays la vallée de la haute Mulouyà sont de race arabe. A l'ouest des Aït- Youssi on retrouve au contraire la race berbère chez les I. MAI ET JUIN. 8. 30 ( 468 ) Béni' M' GiUld qui occupent la partieibasse d'une longue et étroite vallée traversée par l'oued Behtet s'étendant des hautes montagnes de l'ibril el-Abhari au pays des Zeinmour-Ghellah. La partie de massif montagneux à l'ouest des Beni-M'Guild est peuplée pai; les Zayane^ les Ait'Serl^ les Ait' Joua fellah et les Aït-T^illougoat également de race berbère. Les habitudes de tputes ces tribus dont le territoire est à peine connu, naême de l'administration marocaine, sont celles de tous les mon- ( tagnards pasteurs. Us viennent à certaines époques vendre leurs denrées sur les marchés du bas pays. Au sud de l'oued Bouregrag pn trouve le pays fertile mais sans villes remarquables des Zaaëres et Vamalat de Rbat OU Rabat ^ peuplé par les tribus arabes, des Sebbah et des Daghrma. R'bat est située à rem^bou- chure de l'oued Bouregrag, en face et à peu de distance de la ville de Salé avec laquelle elle forme pour ainsi dire une seule et même cité. Autrefois, ces deux villes réunies constituaient une petite république indépen- dante des souverains de Fez et de Maroc. Salé, colonie carthaginoise, qui, suivant M. Godard, fut tour à tour occupée par les Romains, les Grecs, les « » ' ' ' '"" Wisigoths et les Castillans , est une des villes maro- caines dont le nom est le plus connu en Europe. Elle doit cette renommée à ce qu'elle formait, surtout pendant les XV* et XVI* siècles, le centre le plus actif de la pira- ■• . . . 'i -, terie sur la côte occidentale du Mahgreb. Grâce aux nombreuses prises effectuées par ses corsaires sur les nations chrétiennes , elle était parvenue durant cette période à un haut degré de splendeur. En 1629 , le cardinal de Richelieu, exaspéré des pertes que les pirates ( 4^9 )) ^dë Sale faisaient âtiBir aux négociants fratiçais, envoya contre eux une flotte sous le commandement . du cîievalier de Razilly. Ce marin, venant s'établir àVentrée dii port, prit et brûla 10 navires mahométansj en avaria un grand nombre et força les habitans à deman- der la paix. îl obtient que tous les esclaves fran'çais lui seraient rendus et que dorénavant les navires de notre nation seraient respectés. Bien qu'elle soit encore le siégé d'un commerce as^ez étendu, l^alë, devenue ^possession de l'empereur du Maroc , est àujourdTim singulièrement déchue. Cette ville forme un rectangle d'à peu ^rès 1600 mètres sur 600, s' étendant le long du fleuve dont elle n'est séparée que par des bancs de sable de peu de largeur. Les deux coins de la ville tournés vers la mer sont défendus par deux batteries dont l'une est casematée. Ses murailles flanquées de tours tombent en ruine. Elle compte cependant encore 23 000 habitants (1), presque tous Arabes ou Maures, qui sont restés les ennemis les plus déclarés des chré^ tiens, et qui ne permettent à aucun d'eux de s'établir dans l'enceinte de leur vîUe. Quoique placée dans une contrée extrêmement fertile , Salé a perdu son impor- tance du jour où les sables ont commencé à envahir l'embouchure de l'oued Bouregrag dont l'entrée n'est plus possible aujourd'hui qu'à des navires jaugeant imoins de 150 tonneaux. La ville de Rbat ou Rabat est d'une origine beau- coup plus récente qu.e celle de Salé ; elle est construite (l)6rabergdeHem8b,p, 51. Le lieutenant Washington ne lui eii donne que 9000, M. Aïlett 14 000. < AOO) dans on goût plus moderne et ses maisons cmt me apparence très confortable. Placée sur le penchant d'une colline et s'étendant d*nn côté jusqa'aa rivage de la mer» de l'autre jnsqa'au bord de l'oued Bonregrag, profond à cet endroit de 3 à 5 mètres , elle jonit d'un aspect assez pittoresque ; mais ses mes en pentes sont étroites et inconunodes comme celles de presque toutes les yiUes maures. Elle occupe une étendue beaucoup moins grande que Salé. La forteresse d'El-lîansour bâtie au XII* siècle sur une petite langue de terre qui s'avance dans l'Océan et surmontée d'une haute tour se présente assez bien ; mus l'intérieur ne répond pas à l'idée que peuvent s'en faire ceux qui arrivent par mer et ses hautes murailles lézardées ne résisteraient pas à quelques bordée3 d'un de nos vaisseaux. R'bat se divise en plusieurs quartiers dont un exclusivement réservé aux juifs (1). Elle est défendue par des batteries en mauvais état et entourée d'une ceinture de magni- fiques jardins. Sa population s'élève à 27 ou 28 000 habitans dont 7000 hébreux. Ces habitants , parmi lesquels on remarque un assez grand nombre de fa- milles espagnoles ou portugaises, sont plus actifs, plus intelligents et plus industrieux que ceux des autres ports marocains. Autrefois R'bat unie à Salé formait après Fez la ville la plus considérable et la plus com- merçante de l'empire ; mais depuis que l'embouchure de l'oued Bouregrag s'est ensablée et que les empe- (1) Voir le plan de Rabat et de Salé levé en 1852, par M. C. A. VioceodoD-Dumoulia, iagéaieur hydrographe à bord de la corvette à vapeur le Newton, commaDdée par M. Simooet de Mabooneuve, pu- blié en 1855 par le Dépôt général de la marine. , ( 461 ) reurs ont voulu établir d'abord à Agadir ou Sainte* Croix , puis à Soueïra ou Mogador le centre du com- merce maritime du Maroc, son importance s* est beaucoup amoindrie ; comme industrie, elle a cepen- dant conservé son rang immédiatement après Fez. Malgré les causes de ruines accumulées autour d'elle, son avenir est encore très beau, et située au milieu de provinces fertiles, R'bat restera toujours l'entrepôt d'une grande partie du commerce de Fez et de Mekinès; qui assure aux produits européens un des principaux débouchés vers l'Afrique centrale (1). L'industrie y est en outre très développée, on y faitun grand nombre de tapis de toutes qualités ; ce sont les femmes qui s'occupent de ce travail. On y fabrique aussi des cou- vertures de laine et des burnous ; des étoffes imper- méables à la pluie nommées djellabia ; des haîks soit de laine pure , soit de laine et soie ; des glands, des cordelières de soie , des nattes, del'orfévreriegrossière, de la poterie et de la sellerie. On y remarque beaucoup de teinturiers et de tanneurs. Les cuirs dits maroquins y sont inférieurs à ceux de Fez. L'empereur vient d'établir à R'bat une fabrique de monnaie de cuivre, mais cette monnaie est très mal frappée (2) . Les plaines qui avoisinent R'bat sont d'une rare fécondité et on trouve réunies aux portes mêmes de la ville la plupart des productions qui croissent dans les diverses parties du Maroc : On y cultive le blé, l'orge, le maïs, le lin, le doura, les fèves. Il y a en outre de (1) Graberg de Hemso, l'« partie, p. 51. (2) Jnnaks du commerce extérieur ^ septembre et octobre 1847, (4«2) magnifiques jardins d'orangers, des potiers qni pror. duisent beaucoup de légumes et de fruits. II existe aux aleotours une espèce de trnflfe sans parfum, mais d'un goût agréable. Les plants de vigue y sont con- sidérables et les raisins de bonne qualité. Les juifs font d'excellent vin , mais en très petite quantité. Les mû- riers et les oliviers prennent dans les environs un assez grand développement. A quelques lieues de la ville sur la rive droite du fleuve s'étendent de vastes forêts de chêne. L'écorce de cet arbre est une source importante de commerce, et ses énormes glands remplacent nos châtaignes dans l'alimentation publique. \u delà la vue embrasse d'immenses pâturages couverts de troupeaux de gros et de menu bétail , les plus beaux du Maroc. Les brebis ont de riches toisons et leur laine est très • ... « estimée. La rosée suffit pour faire des environs de R'bat un pays d'une extrême humidité quoique la pluiQ y soit inconnue pendant Tété (1). ^es Annales dii commerce extérieur nous fournissent ■« • • - les renseignements suivants sur le commerce par iner des villes réunies de R'bat et de Salé. En 1857, là sonune des importations s'est élevée à 2 295 000 fr. et celle des exportations à 1 86 A 000 fr. , soit & 159 000 fr. Le total des importations a atteint en 1858, 1 197 000 fr. et celui des exportations 588 OÔO fr.^ soit 1 785 000 fr. Ce commerce avait pris, pour les laines seulement, un assez grand essor en 1857 (2) ; mais des révoltes qui (1) Ànnaiesdu commerce eoDlirieur^ septembre et octobre 1847. (2).LieatenaDt WafhiagtÔQ,Nolic0 oflhe empire of MaroccOf p. 139. L ^Za ont eu lieu dans Tintérieur du pays l'ont paralysé en 1858, Cette même année, la Grande-Bretagne, par son entrepôt 'de Gibraltar a figuré aux importations dans ces deux villes pour 1179 000 fr. ne laissant que 7000 fr. au port de Marseille, 2000 fr. au Portugal et 3000 fr. aux autres ports marocains. Quant aux expor- tations, Gibraltar figure pour 453 000 fr. et Mar- seille pour 135 000 fr. ; les autres pays n'y prennent pas part. Les principaux articles qui ont été l'objet ''de ce commerce, sont, à l'exportation: l'huile d'olive, les amandes, les laines lavées, la cire, les peaux de chèvres et d^ veaux et le maïs. Au sud-ouest de l'amalat de R'bat et du pays des Zaaëres s'étend le vaste pays des Chaouia, population de race arabe, qui se subdivise en une foule de petites tribus. Leur pays, quoique assez accidenté, est riche et fertile. Il est séparé en quatre gouvernements : celui des kaïd Oulid-el-Medjatia qui réside à la kasba Ali- ben-Lassen, un peu à l'est du 10» degré longitude ouest ; celui du kaïd Oulid-Touzert qui réside au vil- lage de Touzert à l'est du 9* degré longitude ouest; celui du kaïd Ound R'child qui réside à la kasba du même nom sur' la route directe de R'bat à Maroc; et enfin, celui du kaïd el Baloule qui réside à la kasba de Zettat à l'ouest du 9* degré latitude ouest. (i6A) Analjicst ■kapp^rto) ete. RAPPORT SUR LE TOME PREMIER DES Mémoires et Bulletin DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE DE GENÈVE, 1860. Notre Société doit être heureuse d'acclamer la nou- velle sœur qui vient de faire son apparition dans le champ des travaux géographiques. Cette petite mais glorieuse Genève, qui, seule parmi toutes les villes secondaires où se parle notre langue, a eu pendant plus de trois siècles F insigne honneur de partager avec Paris la souveraineté littéraire et scientifique, cette ville qui dans la pléiade de ses grands citoyens compte un nombre considérable d'excellents géographes, ne possédait pas encore de Société de géographie propre- ment dite. Au nom de la science, nous félicitons les hommes qui ont comblé cette étonnante lacune, et notre Société, justement fière du droit que lui donne sa primogéniture, souhaite joyeuse bienvenue à cette Société jeune, avec laquelle elle n'aura d'autre rivalité que celle de l'émulation. La Société de géographie de Genève a déjà fait im- primer deux cahiers formant le tome 1" de ses publi- cations. Chacun de ces cahiers est divisé en deux ( A65 ) parties, dont Tune renferme les mémoires d'une certaine étendue, tandis que l'autre est spécialernent consacrée aux comptes rendus des travaux de la Société, aux résumés des principales revues géographiques, aux nouvelles et correspondances. Les mémoires les plus importants, dont, grâce à la Société de Genève, la littérature géographique vient de s'enrichir, sont : 1° Une excellente étude de M. J. Chappuis sur les lignes de commerce^ Alexandrie ^ Suez et les côtes de la mer Rouge, 2° Le récit d'une insite à Ciman de Mascate^ par le même voyageur. 3** Un rapport extrait du Bulletin de la Société de géographie de Saint-Pétersbourg sur les Essais d*a' griculiure tentés dans le Kamtchatka» 4* Deux articles de M . Paul Chaix sur les explora- tions arctiques et principalement sur le docteur Elisha Rane et sur le capitaine Mac-Clintock. 5° Une Notice sur les îles Havaï^ par M, Charles Galopin. 6* Une description de la Zaouïa de Chellntah^ ou récit d'une excursion faite chez les Zouaoua de la Haute-Kabylie, par notre collaborateur Henri Auca- pitaine. Eu outre, le Bulletin proprement dit nous offre un article d'un grand intérêt sur le territoire américain de Nevada et sur les mines argentifères de Washoe et de Carson-valley. Dans une prochaine livraison, les rédacteurs du Bulletin nous donneront une carte détaillée dé ce territoire si curieux au point de vue géographique et cependant si peu connu ; en attendant, (460) i|s se contentent de reproduire un simple croquis suffi- sant pour fixer les idées. Uais de beaucoup le travail le plus digne d'attention qu'ait publié la Société de Genève, est un mémoire de H* Paul Gbaix sur \ ethnographie de t AJrique^ accom- pagné de trois belles cartes figurant la distribution des peuples dans l'Afrique orientale, l'Afrique occidentale et l'Afrique méridionale. C'est une excellente idée d'avoir voulu dresser le bilan de nos connaissances sur les races qui habitent ce continent naguère si mys- térieux ; mais, tout en applaudissant à la tentative hardie de M. Chsdx, nous nous garderons bien, dans ce rapport, de hasarder une opinion sur la valeur de tputes les délimitations ethnographiques tracées par le savant géographe de Genève : les théories trop sou- vent préconçues pour les besoins de leur cause par les polygénistes et les monogénistes, |eurs généra^sations trop catégoriques appuyées sur les témoignages conr (ra^ictoires op incomplets des voyageurs, rendraient notre tâche trop délicate ; nous préférons nous conten- ter de signaler ce travail important à l'attention de nos confrères qui s'occupent spécialement de l'ethnographie africaine. Pu reste, im travail de cette nature est né- cessairement hypothétique en grande partie, et rien par exemple n'est plus vague que la division adoptée par M. Ghaix entre les peuples nègres et les peuples imparfaitement nègres. Nous ferons aussi à M. Ghaix ]e reproche de ne pas avoir fait concorder s» carte avec le texte qui l'accompagne ; il affirme en plusieurs endroits que les Fellatahs ne doivent pas être confondus avec les nègres, et se rattachent ^ux ( A«7 ) peuples de l'Afrique septentrionale, cependant la carte montre l'empire des Fellatahs recouvert de la teinte unifprme qui doit indiquer la race nègre. Pans la préface du tome I" de leurs Mémoires, les mem})res de la Çocîété géographique de Genève npu^ promettent de publier des récits de découvertes faites dans les pays lointains, de recueillir des documents statistiques utiles au commerce, des renseignements précis sur les débouchés qu'on pourrait ouvrir aux produits industriels de la Suisse. Certainement toutes ces études sur l'Afrique, l'Asie centrale, l'Amérique du Sud, rOcéanie et l'Australie, seront les bienve- nues et contribueront à la connaissance de la terre, mais ue poAvoûs-nous espérer aussi que la Société de géographie de Genève s'occupera de sa patrie, cette admirable Suisse où, dans un espace si restreint, la nature se montre sous de si nombreux aspects, où tant de problèmes de la géographie physique sont encore à l'étude attendant leur solution ? Sans dépasser les bornes de Thorizon qui entoure leur ville, les savants genevois peuvent nous révéler bien des secrets sur ces phénomènes imposants dont l'étude attentive a suffi pour rendre glorieux les noms d'Agassiz, de Charpen- tier, de Deluc, de Tyndall, de Forbes, de Hiigi, de Desor. En se vouant à l'exploration du sol de sa patrie, le géographe rend autant de services à la science qu'en étudiant tour à tour les pays les plus lointains ; il fait connaître les phénomènes dans ce qu'ils ont d'intime et de profond, tandis que les voyages accomplis à tra- vers les vastes continents, ont presque toujours quelque chose de superficiel et d'incomplet. On se figure aisé- ( 468 ) • ment que le pays où l'on réside est trop connu pour qu*on l'étudié de nouveau ; mais la France et la Suisse, si souvent découvertes, sont encore à découvrir, et le savant qui en aura parfaitement compris la géographie, sera bien près de connaître les lois qui régissent les continents eux-mêmes. Le Genevois de Saussure, en étudiant une seule partie de la chaîne des Alpes, n'a pas fait moins (jue tout autre savant pour l'étude de la terre entière, et bien qu'il n'ait pas visité les régions d'outremer, sa gloire est immortelle comme celle de Barth, de Rane et des Schlagintweit. Son nom reste à jamais gravé sur les rochers du mont Blanc Elisée Reglus. ( m ) IVoavellei et communlcattoiM. EXTRAIT d'une lettre de m. FERDINAND LAFARGUE A M. lOMARD, MEMBRE DE l' INSTITUT. Khartoum, 15 septembre 1860. Monsieur, Après une période écoulée de vingt-cinq années, parmi lesquelles dix-sept ont été passées en voyages dans le Soudan, il peut bien m*être permis, monsieur, de rappeler à votre souvenir le professeur de l'Ecole de médecine vétérinaire d'Abouzabel qui, en 1835, quittait la France avec un contrat pour entrer au ser- vice du vice-roi d'Egypte. Je n'ai point aujourd'hui la prétention d'abuser de vos moments précieux pour vous exposer mes labeurs et mes campagnes pendant cette longue période de dix-sept années ; mon unique but est d'attirer votre attention et celle des explorateurs qui se destinent aux longs voyages dans l'Afrique orientale et centrale par la voie du Nil sur l'emploi delà vapeur dont des essais viennent d'être faits, et qui ne laissent aucun doute sur la possibilité d'accomplir en trois ou quatre années les meilleurs résultats qu'il soit possible d'espérer. ( i76 ) Conviûncu que c'est par le Bahr el Abiad que doi- vent être dirigées les expéditions vers ces contrées en- core peu connues; très convaincu» d'autre part, que la navigation à voiles est impuissante à faire parvenir ces expéditions au delà d'une certaine limite, à cause de la constitution météorologique du Soudan, je con- çus le projet d'essayer si un petit vnpenr de la force de 20 à 25 chevaux ne remplirait pas tnieut le but que les bateaux à voiles , et je résolus immédiatement de mettre la main à T œuvre pour l'expérimentation projetée. Le gouvernement égyptien ne permettant point aux Européens de posséder sur le Nil des bateaux à vapeur pour leur propre compte, je m'adressai à S. A. le prince Haiim Pacha à qui je fis part de mes projets et qui les accepta. Le vapeur me fut donc accordé par le prince avec cette bonne grâce et cette haute bienveillance qui c i • j • 1 ' • . • ' f •• •■* T" \ rappellent les quahtés éminentes de son illustre père. Le plan de campagne discuté et approuvé par le prince était donc celui-ci : 1** conduire le ^vapeur au Soudan ; 2° faire des essais d'exploration sur les trois grands cours d'eau qui forment le système du Bôhr el Abiad. N'ayant personne à bord qui fût plus capable qiie moi de prendre une latitude ou une longitude, je m'en- gageai seulement à rédiger un journal de route'; au reste notie intention bien nettement formulée n'était autre que de préparer les voies à d'autres explorations mieux organisées sous le rapport scientifique, et nous pensions qu'après avoir conduit le vapeur au Soudan et avoir fîût des expériences de navigation sur l'ud ( 471 ) des trois cours (î'eau dont j'ai i)arlè, nous auHons ac- quis une série de faits utiles à la solution de la (Juès- tion qui nous occupait. Partis du palais de Choubra le 22 septembre ^857, nous étions rendus à Méraouéh, haute Nubie, le 25 dé- cembre. Les eaux du Nil excessivement basses nous obligèrent d'ajourner la continuation de notre vôyagel Le 1" août 1858, nous partîmes de Méraouéh, et le 21 du même mois nous étions rendus à Berber. Je passe sous silence le passage des cataractes ; tes obstacles furent franchis sans avarie sérieuse. Cebenf- dant nous eûmes fort à faire pour obtenir le bon résul- tat qui nous était réservé. Ce fut dans le petit voyage de Berber à Khartoum, en septembre, que nous essayâmes le bois comme com- bustible. Nos prévisions ne furent point démenties ; le bois du Soudan, toujours très dur et très pesant, nous donna un degré de chaleur égal à celui du charbon de terre. Arrivés à Khartoum le 21 septembre, nous y sé- journâmes jusqu'au 22 octobre, jour de nott^ départ pour le haut du fleuve Blanc. Voici quelles étaient les conditions de notre voyagé : le vapeur remorquait deux énormes bateaux du Sou- dan qui portaient chacun en provisions et en verrote- ries un poids équivalent à 200 ardeb de grain ; je dois ajouter qu'avec le poids de ces deux bateaux, le p^i- peur ne pouvait faire qu'une lieue à Theure. Libre de toute remorque, notre vapeur^ chauffé avec du bois, faisait quatre lieues à l'heure. " Nous étions rendus à Gondokoro le 26 novembre ; (472) pendant ce voyage nous avions perdu nne semaine pour organiser un poste de chasseurs d'éléphants, et faire des expériences sur les nouvelles balles explosibles. Repartis de Gondokoro le 29 novembre, nous étions de retour à Khartoum le 25 décembre, après avoir perdu une autre semaine pour la continuation des ex- périences précédentes sur les balles explosibles. Pendant ce long trajet de Khartoum à Gondokoro et pendant le retour, le combustible ne nous a jamais manqué ; nous n'avons eu à signaler d'autre inconvé- nient que celui de Fintroduction des plantes maréca- geuses, en suspension dans l'eau, dans l'extrémité du tube de la pompe à eau qui alimente la chaudière. Lorsque ce tube était bouché, ce qui arrivait assez fré- quemment, le bateau s'arrêtait, il fallait immédiate- ment enlever ces herbages ; il serait facile de prévenir cet inconvénient en faisant un grillage autour de l'ex- trémité de ce tube. Tel est, monsieur, le seul voyage qu'il m'ait été per- mis de faire avec ce sapeur. Les maladies d'un côté, quelques misérables intrigues de l'autre m'ont fait abandonner la continuation des expériences projetées ; en attendant qu'elles soient reprises, qu'il me soit per- mis, monsieur,, de vous soumettre quelques observa- tions sur le parti qu'on pourrait tirer de ce vapeur ^o\xv résoudre le difficile problème des voyages dans l'inté- rieur de la contrée. La navigation à voiles, soumise aux nécessités du vent, ne peut être utile qu'à certaines époques de l'an- née et pendant un temps très limité. Les vents du nord ne se font sentir ici, à Khartoum, que vers la fin d'oc-» ( 473 ) tobre, et c'est en novembre seulement qu'ils sont forts et réguliers ; mais à cette époque les eaux du Nil ont déjà baissé de plusieurs mètres, et cette baisse se con- tinue jusqu'à l'époque des pluies qui est aussi celle du retour des vents du sud ; ces deux espèces de vents se partagent presque l'année. S'ils soufflaient en sens inverse, la solution du problème aurait déjà eu lieu depuis longtemps. Je dois avouer que , malgré ce grand obstacle , le commerce a fait des efforts prodigieux pour étendre ses exploitations ; c'est surtout le Bahr-el-Ghazal qui est largement et utilement parcouru ; c'est la contrée qui donne la plus grande quantité d'ivoire. Les négo- ciants de Khartoum ont des établissements dans le Fertit, chez les JSamnam; ils se mêlent aux Gellabs qui viennent par la voie du Dârfour, et leur font une concurrence désastreuse ; c'est que pour parvenir au Fertit par le fleuve, il faut bien moins de frais que par la route que ces Gellabs suivent. 11 est incon- testable que dans peu d'années le commerce de l'ivoire qui faisait la richesse du Darfour se fera désormais par la voie du Nil. Voici, d'après les informations que je viens de prendre auprès d'un négociant, le nommé Ali Oumouri, le nombre de journées qu'il emploie pour parvenir à son établissement du Fertit, Parti de Khartoum par un bon vent , il lui faut de treize à quatorze jours pour arriver au Rek qui est le rendez-vous général de tous les bateaux. A Rek est un lac profond et vaste , limité dans sa partie occidentale par des marécages couverts de hautes l, MAI ET JUIN. 9, 31 (47A) plantes OÙ se perdent et disparaissent les diverses cours d'eau dont on a constaté l'existence. Ces cours d'eau sont au nombre de cinq dont trois principaux : l"* celui qui vient de l'ouest et que les négociants désignent sous le nom de rivière des Arabes, à cause des Arabes Kézégat qui en occupent les rives ; 2* celui qui passe au Fertit et qu'on appelle Bahr et Giour à cause de la tribu des Giours : ce cours d'eau est remarquable par la pureté de son eau qui est limpide et qui en toute saison a un courant continu; mais pendant l'hiver, cette petite rivière, qui est considérable dans la saison des pluies, n'a pas assez de profondeur pour permettre à un bateau de la remonter; 3° enfin, on a constaté l'existence d'un autre cours d'eau qui viendrait du sud et qui, comme les deux précédents , ne serait navigable que pendant les hautes eaux. On m'a dit que certains négociants avaient suivi à pied ce dernier cours d'eau, et étaient parvenus à la hauteur de Gon- dokoro sans en avoir vu la fin. Parvenus dans le lac de Rek, après treize ou quatorze jours, nos négociants abandonnent leurs bateaux et con- tinuent à pied leur voyage. Du Rék chez les Nègres Giours, ils mettent six journées, et des Giours au Fertit, sept journées. Le territoire des Namnam touche celui de Fertit, et ces deux races bien distinctes sont toujours en guerre. Les Namnarn sont réellement anthropophages ; la par- tie du corps humain qu'ils recherchent le plus est le pied qui, disent-ils, est un mets délicat; ils ne sont pas aussi noirs que leurs voisins du Fertit ; leur cou- leur est plus claire. ( 476 ) Je n'en finirais pas , monsieur , si je voulais con- signer dans cette lettre toutes les notes que j'ai prises au sujet de ces races; je reviens à mon sujet dont je me suis un peu écarté en voulant vous exposer les efforts que fait le commerce pour étendre les limites de ses échanges. Le vapeur dont il s'agit a la force de 20 à 25 chevaux. Sa machine, d'origine anglaise et à basse pression, ne laisse rien à désirer. Les magasins de ce vapeur peu- vent contenir du bois coupé et bien arrimé pour trente heures de marche ; malgré le poids de ce combustible, celui des provisions, etc. , il ne prend que 85 centimètres d'eau. Ses aménagements sont tels que, outre les loge- ments du mécanicien et de son second , quatre per- sonnes peuvent être confortablement logées dans son intérieur. Les magasins pour les provisions de bouche peuvent aussi suffire pour dix à douze mois ; mais il se- rait impossible de mettre dans ce vapeur les appro vision- nements en grain pour le personnel qui accompagnerait une expédition et qui se composerait, au moins , de soixante personnes, sans y comprendre les hommes em- ployés au service de la machine. 11 faudrait donc ad- joindre à ce vapeur une barque légère, qu'on nomme ici sandal, pouvant porter un poids équivalent à celui de 150 ardebs dedourah, ayant sa voilure et une douzaine d'avirons. Remorquant cette barque chargée d'hommes et de provisions, le vapeur pourrait faire deux lieues à l'heure. Or, en admettant que pendant un mois et en faisant une large part au temps perdu pour le coupage du bois ou pour d'autres causes imprévues, le vapeur (47«) puisse marcher pendant vingt joars , et chaque jour pendant quatorze heures , il est évident qu'au bout de trente jours il aura franchi une distance de 580 lieues. Les expériences que nous avons déjà faites ne nous liûssent aucun doute sur l'exactitude du précédent calcul; et quant au rombustible ^ le voyage que nous avons déjà exécuté et les renseignements les plus pré- cis que nous nous sommes procurés , nous permettent de pouvoir assurer qu'il ne manquera jamais, quelque soit le cours d'eau que l'on veuille explorer. Pour continuer et compléter la carte de M. d'Arnaud au delà du point où le voyageur s'est arrêté , il serait indispensable que l'expédition partit de Kbartoumvers le 15 octobre. Sa durée serait au plus de douze à qua- torze mois; elle serait rendue à Gondokoro dans la première quinzaine de novembre ; elle y séjournerait jusqu'au mois d'avril suivant. Dans cet intervalle le ba- teau à voiles serait envoyé chez les nègres Nouers pour augmenter la provision de dourab ; car le grain acheté à Rhartoum ne saurait être, à cause de la capacité du sandal, suffisant pour toute la durée de l'expédition. Après avoir déposé à Gondokoro une partie des pro- visions nécessaires aux besoins du retour, l'expédition se remettra en voyage le !•' mai qui est l'époque de la crue nouvelle. Les oscillations de crue et de baisse observées dans les mois de mars et d'avril, résultant des pluies passagères qui ont lieu sous cette latitude pendant tout l'hiver, l'expédition pourra donc voyager pendant quatre mois au moins, et s'il est vrai, comme on l'assure, qu'avec son tirant d'eau de 85 centimètres ; le vapeur ne puisse parcourir que l'espace de h ou ( A77 ) 5 degrés, il est certain que le bateau qui le suit, et qui prendra au plus 45 centimètres avec ses 80 hommes et ses provisions pour deux mois , devra nécessaire- ment parvenir avec le secours des avirons aux der- nières limites navigables du fleuve Blanc. Je ne parlerai pas de la prétendue cataracte qui est au-dessus de l'île Janguer ; je Fai moi-même visitée et ma barque l'a traversée quatre fois sans jamais avoir touché à un rocher. Revenue à Gondokoro dans le mois de septembre, l'expédition serait facilement à Khartoum au mois d'octobre. Sur la branche qu'on appelle Bahr-el-Ghazal il y a tout à faire ; c'est ici que le vapeur serait d'une grande utilité. L'expédition, dont le personnel serait le même que pour le Nil blanc, pourvue de six mois de vivres, parti- rait de Khartoum le 20 juin et se rendrait au Rek qui est le rendez-vous général des cours d'eau dont nous avons parlé ; elle attendrait le moment de pouvoir passer par dessus les herbages qui obstruent l'entrée des cours d'eau, chose possible et facile, surtout à cette époque de l'année où les pluies torrentielles qui ont lieu ont élevé le niveau du lac. Cette petite difficulté enlevée, l'expédition aurait donc les mois de juillet, d'août, de septembre jusqu'au 10 octobre environ à pouvoir ' voyager. Or, pouvant faire chaque mois 580 lieues, je laisse à penser quelle magnifique moisson de dé- couvertes elle pourrait faire. Il en serait de même pour le Saubat : l'expédition partirait à la même époque, 20 juin, et devrait être de ( â78 ) retour comme la précédente au commencement du mois d'octobre. Cette branche est encore digne d'une grande consi- dération ; les négociants qui en ont parcouru une par- tie, prétendent avoir remonté des cours d'eau qui descendent des montagnes d'Abyssinie; ils ont acheté, chez les nègres riverains, des toiles rayées de bleu venant de Goiidar, des verroteries et du cuivre qui y avaient été apportés par des marchands venus de Test. 11 est certain que si le départ des marchands abyssins et de ceux de Khartoum avait eu lieu à la même épo- que, ils se seraient rencontrés chez ces nègres inter- médiaires, comme cela a eu lieu au Fertit entre les Jellabs du Dârfour et les négociants de Khartoum. Enfin, s'il est vrai que le cours d'eau qui passe chez les Berris, à trois journées à l'est de Gondokoro, soit toujours la suite du Saubat, et s'il est encore vrai, ainsi que me l'ont assuré les nègres de Koumetrou, que le Saubat et le fleuve Blanc aient une même origine , on ne pourra disconvenir que si de sé- rieuses explorations étaient dirigées sur cette branche considérable , elles ne soient suivies d'importants résultats. Tels sont, monsieur, les travaux que l'on pourrait accomplir en trois ou quatre années avec l'aide du va- peur qui est aujourd'hui au mouillage de Khartoum, et qui attend des hommes résolus et intelligents pour les conduire vers des pays inconnus aux géographes. La question de dépenses pour ces quatre années de voyages ne serait pas non plus effrayante. D'après mes calculs elles ne s'élèveraient pas au delà de 100000 (479 ) francs, plus 50000 francs pour Tacquisition du vapeur^ ce qui porterait le chiffre à 150000 francs. Dans ces dépenses ne seraient point comprises celle des instruments de précision , les frais de voyage à Khartoum et de retour en France des personnes char- gées de la partie scientifique, tous frais dont je n'ai pas la moindre idée : je ne parie que des dépenses à faire ici, à Khartoum , pendant toute la durée des expéditions. L'excessive longueur de cette lettre m'empêche d'en- trer dans de plus longs détails au sujet de toutes ces dépenses; mais si, plus tard, ces détails vous étaient nécessaires, je m'empresserais, monsieur, de vous les faire parvenir. Enfin, si cette lettre pouvait, dans un avenir plus ou moins prochain , contribuer à réaliser ce projet de voyages dans Tintérieurde l'Afrique orientale et cen- trale, avec ce vapeiu\ et si pour réunir les fonds néces- saires à toutes ces dépenses, la Société de géographie de Paris croyait devoir provoquer une souscription, convaincu qu'après avoir prêché parla parole, il faut aussi prêcher par l'exemple, je vous prierai, monsieur, de vouloir bien placer mon nom en tête de la liste pour la somme de 5000 francs. J'ai l'honneur d'être, etc. Ferdinand Lafargue. (480) NOTE sut DE» rOIIIT5 DE L'AHCUiniE fiÉOGKAPHU jx. l'asie OUERTALE, PAt M. TITODI DK SAUrr-llARTIIf. M. Vî%'ieii de Saint-Martin , en offrant à la Société son troisième mémoire sur la géographie de Tlnde aiicienne, dans lequel il s'est proposé d'éclaircir les notions grecques el romaines par les données sanscrites, et récipioquemenl , a voulu appeler l'attention de ses collègues sur deux points qu'il regarde comme ayant une iniportance particulière dans l'étude de la géo- graphie classique : premièrement , la question de la Sérique, qui fait dans le mémoire l'objet d'un appen- dice étendu ; en second lieu, la véritable circonscription de ce que Ptolémée nomme Klnde au delà du Gange. La question de la Sérique n'a donné lieu à tant de discussions confuses, contradictoires, sans résultats arrêtés, que faute d'y avoir reconnu deux éléments tout à fait distincts, l'élément historique et Télément géographique. Le premier a été emprunté par Ptolémée à son prédécessem; Marin (de Tyr) , lequel rapportait l'itinéraire de certains marchands macédoniens qui avaient traversé de l'ouest à l'est une grande partie de TA^ moyenne pour se rendre dans une contrée connue '-^s le nom de Sérique, bien loin au delà de l'Imaizs. Il est reconnu depuis longtemps , et Klaproth l'a dé- ( A81 ) montré avec la dernière évidence , que le mot Sérlque n'a jamais été en réalité le nom d*un pays, mais seule- ment une appellation créée par les Grecs pour désigner une contrée orientale productrice de la soie [set) ; et, d'un autre côté, il. ressort de l'itinéraire recueilli par Marin (de Tyr) que cette contrée n'était autre que le nord, ou plutôt le nord-ouest de la Chine. Voilà pour la Sérique et sa position ; mais quant aux peuples que Ptolémée y a placés, c'est tout autre chose. L'itinéraire de Marin n'en indiquait aucun , et ce n'est pas de là que le géographe alexandrin les a tirés. La véritable source de ces noms de peuples a été révélée à M. Vivien de Saint-Martin, lorsqu'il les a tous retrouvés dans les documents sanscrits. Dans les grands poëmes , dans les listes pouraniques et dans d'autres livres indiens, ces noms figurent en effet parmi ceux que les Brahma- nes connaissaient à. l'extrême limite nord-ouest de l'Inde ; et ce qui complète la démonstration , c'est qu'aujourd'hui encore ils y existent pour la plupart. Ce sont les tribus qui habitent les hautes vallées de l'Hindou-koh oriental, ou qui s'étendent entre le Kach- mir et Yarkand, à l'est de l'ancien Imaûs. Toutes ces tribus gardent encore, sauf la légère modification des prononciations vulgaires, les noms sous lesquels elles figurent parallèlement dans les listes sanscrites et dans les tables de Ptolémée. Ainsi, d'une part, Ptolémée a inscrit sur ses cartes, à l'extrémité la plus orientale de l'Asie, les noms de Sevica. et de Sera Metropolls^ d'après l'itinéraire macédonien de Marin (de Tyr); et, d'autre part , ayant à placer au nord de l'Inde et au delà de r Imaûs une série de noms de peuples que lui fournis- saient des matériaux d'origine indienne , il n'a rien ( 482 ) trouyé de mieux que de les répartir daDs le vaste espace que lui ouvrait de ce côté sa Serica regio. De là la coDrusioD. Quelque chose de pareil s'est produit à l'orient de riude , dans Ylntim extra Gangem du géographe alexandrin. Dans la table ptoléméenne, une partie de cette Inde extra-gangétique est comprise entre le Gange et l'Himalaya , et on y retrouve en effet , tant dans les listes sanscrites que dans l'ethnographie actuelle, l'identification de tous les peuples mentionnés ; une autre partie s'étend plus à l'orient , par delà les bouches du Gange. Dans Ptolémée , les nombreuses tribus de cette seconde catégorie sont répandues sur tout l'espace compris entre le delta du Gange et ce que le géographe alexandrin nonmie le Sûius magnus^ qui est notre golfe de Siam, de sorte qu'elles couvrent au hasard toute une moitié de la vaste péninsule que nous désignons sous le nom d'Indo-Chine. Dans la réalité, leur domaine est infiniment plus restreint. Ici encore c'est la synonymie qui lès a resserrées dans leurs véritables limites. L'auteur du mémoire les a re- trouvées à peu près toutes dans la vallée moyenne du Brahmapoutra(leDihong des aborigènes, X^Daonasde^ Ptolémée), c'est-à-dire dans l'Assam. Quelques-unes seulement descendent plus au sud, en longeant la côte orientale du golfe du Bengale. Cette double rectification de deux chapitres consi- dérables de Ptolémée a cela de particulièrement im- portant, que depuis llmaûs jusqu'au Grand Golfe elle rétablit la véritable limite de la mappemonde gréco- romaine. ( 488 ) NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR M. EUGÈNE N0££, MEMBRE DE lA SOCIÉTÉ. Notre Société a perdu le 16 février dernier un de ses membres les plus nouveaux, et Tun de ceux dont la participation à ses travaux pouvait lui devenir fort utile. M. Eugène Noël, ingénieur en chef des ponts et chaussées, admis dans la séance du 6 juillet 1860, rendait compte, dans celle du 18 janvier dernier, des savantes explorations de M. d'Abbadie en Ethiopie, et :Un mois à peine après cette lecture il succombait aux suites d'un cruel accident. Dans le seul travail qu'ait pu faire pour la Société notre regretté collègue, il nous donnait déjà la mesure .de ce que nous pouvions attendre de son concours. La finesse de ses aperçus, la rigueur de ses appréciations scientifiques dénotaient un esprit depuis longtemps ha bitiié à traiter des questions délicates , et il semble, en lisant ces courtes pages, qu'on ne pouvait exposer avec plus de simplicité et de justesse les procédés in- génieux de la géodésie moderne et le résultat des pé- nibles recherches de l'intrépide voyageur. La Société fait donc en lui une perte réelle, et il nous a paru que nous devions consigner ici un témoignage de ses regrets. Mazimin Deloghe. { 48i } LA HAUTE CAZAMANCE AU-DESSUS DE s£d'bIOC, nnuT D'en l A bord du DiatmaOt, m rade Ae Goréc, le 31 HTrier 1860. Je sûsis avec empressement l'occasion qtù m'est doDDée par l'expédition de la haate Cazamance ponr compléter les renseignements géographiques que j'îû déjù eu l'iionneur de vous soumettre sur cette rivière. — Le brave et malheureux enseigne de vùsseau Par- chappe, capitaine de l'aviso à vapeur fe Griffon, qui vient de mourir victime de ses fatigues, abord du Dialmaiji, il y a à peine quelques jours, et qui s'occu- pait de l'hydrographie de la Cazamance, m'avait, par reconnaissance pour les conseils que je lui'donnai, fût hommage de son travail sur la rivière au-dessus de Séd'hiou. — Ce bout de carte complètela Cazamance, et place les importants et populeux villages mandin- gues du haut pays. — Le fleuve remonte encore une vingtaine de milles au-dessus de Diannah, mais il n'y je pour des pirogues, siiua, dirigée par M. le comman- de, a été tellement heureuse dans rciaux, qu'elle ne peut manquer mentàParis ; peut-être serez-vous répondre aux questions qui vous et, et j'ose vous garantir les ren- ( 485 ) seignements que vous donne le commandant de la flo- tille expéditionnaire^ titre sonore que peut prendre en cette circonstance votre dévoué et respectueux servi- teur. Au-dessus de Séd'hiou, village principal du pays de Boudhié, rive droite, s'étend le Yacine', pays mandin- gue musulman, qui remonte dans le N.-O jusqu'à la ri- vière Songrogon, affluent de laCazaraance. Mandinaen est le chef-lieu. — Toujours sur la même rive, et à Test du Yacine, se développe le Packao, qui sépare la Cazamance de la Gambie ; c'est un riche pays," moitié mandingue, moitié sarracolet, et surtout rendu culti- vateur par la présence de nombreuses immigrations de ce dernier peuple agriculteur. Le Packao est le grenier des arachides qui alimentent le commerce de la haute Cazamance. Le Souna, rive gauche, en face de Séd'hiou, au nord du pays inculte des Balantes idolâtres, dont il est sé- paré par le petit marigot de Bissari, le Souna vit moins par son commerce que par sa réputation de sainteté, et par les tributs que prélèvent ses marabouts sur tous ses voisins, auxquels ils débitent leurs grisgris préserva- teurs. Karantabâ est la ville sainte du haut pays ; les ma- rabouts de Karantabâ passent pour de vrais apôtres noirs. Le Balmadou avoisine le Souna à l'est ; et ces cinq petits pays, tous unis par les liens de la famille et de la religion, représentent dans la haute Cazamance l'avant- garde du mahométisme conquérant qui, le Coran d'une main, un glaive de l'autre, soumet l'indigène ( A86 ) idolâtre et le refoule sur l'Océan» où il ne trouve plus (l'auU'e asile que des marais empestés d'où il disparaî- tra avant peu. — Ainsi, dans toute t Afrique^ la lu- mière religieuse se fait au centre, rayonne et repousse à la mer tout ce qui lui fait obstacle. — Nos efforts de résistance sur le littoral, sont de bien peu d'effet; quelques courageux missionnaires ne peuvent que mou- rir échelonnés sur la côte, sans que leur voix ait péné- tré à l'intérieur de l'Afrique, et le jour s'approche où tout ce pays sera soumis à la loi de Mahomet. C'est au Souna que nous venons d'avoir affaire ; au Sonna qui depuis dix ans voit arrêter sa marche par notre comptoir fortifié de Séd'hiou,etne nous pardonne ni notre religion, ni la protection que nous étendons sur les idolâtres cultivateurs qui fournissent à notre coçamerce. — Après dix années de menaces, nous ve- nons de réduire ce pays, dont la soumission radicale a entraîné celle du Packao, du Yacine et du Balmadou. Ce sont là aujourd'hui des pays français, aussi riches que fertiles, où notre commerce ne doit pas tarder à tripler. lï se charge à Séd'hiou plus de vingt navires par an. — Si la guerre a son côté cruel, elle devient légitime contre les fanatiques qui la provoquent, sourds à toutes les raisons préalables ; et lorsque, comme dans le Souna, elle ne fait que châtier des voleurs et des as- sassins, et rétablir la liberté de la production et du commerce, elle devient un vrai bienfait. Il est impossible d'imaginer un plus beau pays que celui que vient de parcourir la colonne expéditionnaire. — Rivières, prairies couvertes de troupeaux, grands et beaux villages, plaines d'arachides, forêts de pal- ( à^-f ) mîers et de bois de toutes les essences, sources natu- relles, fleuve imposant ps^r sa largeur, richesses de toutes sortes, vrai panorama de fantaisie que la nature s'est plu à décorer de ses plus chatoyantes couleurs, telle est notre nouvelle et rapide conquête. — Et la vieille Europe saura gré aux pionniers de son com- merce et de sa civilisation qui lui font un pareil ca- deau. J'étendrais davantage mon sujet, si je ne devais le restreindre à de sérieuses appréciations, telles qu'elles puissent être agréées de vous. — Je porte sur la petite carte que je vous adresse et qui doit s'ajouter au cours déjà connu de la Cazamance, un itinéraire de notre marche victorieuse pendant les quatre jours qu'a duré l'expédition du Souna. ( A88 ) Iketcm de la Soelété. EXTRAITS DES PROCÈS -VERBAUX DES SfeAKCES Séance du 3 mai 1861. M. le secrétaire de la Société philotechnique adresse plusieurs billets d'invitation pour la prochaine séance de cette Société. M. F. Coello, membre correspondant de la Société, lui adresse une Carte de TEspagne qu'il vient de ter- miner, ainsi qu'un volume renfermant des Renseigne- ments géographiques, géologiques et agricoles sur l'Espagne. M. de la Roquette est prié de rendre compte de ces deux ouvrages. M. Constantin de Sàbir fait hommage d'un nouvel exemplaire de la carte jointe à son ouvrage sur le fleuve Amour ; les teintes indiquent les nouvelles divisions administratives établies dans ce pays par le gouverne- ment russe. M. Malte-Rrun présente, delà part de M. Henri Auca- pitaine, une notice extraite de la Reçue africnine, sur la tribu des Aït Fraoucen qui se dit d'origine française. M. Vivien de Saint-Martin offre à la Société son troisième mémoire sur la géographie grecque et latine de rinde , et donne verbalement quelques expli- cations sur un ou deux points qu'il regarde comme- ayant une importance particulière pour fixer la limite ( 489 ) de la mappemonde gréco-romaine dans l'Asie orientale. (Voir ci- dessus p. 480.) M. d'Avezac dépose sur le bureau un numéro du Journal le Times^ qui lui a été envoyé par M. Norton- Shaw, et qui renferme plusieurs lettres intéressantes adressées par le docteur Livingstone au président dé la Société royale géographique de Londres. M. Jomard, président, offre delà part de M. de Kha- nikoff le plan de la ville de lezd, destiné à être joint à la carte de la province de Khorassan. Au nom de M. de Montigny, il annonce que MM. les membres de la Société sont invités à visiter sa collec- tion, au quartier Beaujon, rue du Centre, n° 13, tous les jours de la semaine. M. de Montigny avertira la Société de l'arrivée à Toulon des ambassadeurs de la Cochincbine , personnages au-devant desquels il est allé par ordre de Y Empereur. Le même lit une notice sur feu M. Delaporte, an- cien consul de France à Tripoli et à Mogador, récem- ment décédé à Paris, qui a fourni des matériaux au Recueil des mémoires publiés par la Société, et qui recueillit à Tanger le voyageur Caillié, arrivant de Tombouctou. A cette occasion, M. Garnier exprime le regret que la modestie du vénérable président lui ait interdit de dire la part considérable qu'il eut lui-même à faire con- naître les mérites de l'infatigable voyageur, et à lui as- surer cette renommée qui a été en majeure partie la seule récompense des périls qu'il venait d'affronter. La Commission centrale s'associe aux sentiments I. MAI ET lUIN. 10. 32 ( h90 ) exprimés par M. Garnier, et désire que l'expression en soit consignée au procès-verbal. Le président annonce ensuite que la deuxième partie du tome VII est à l'impression; elle commencera par le mémoire de M. de Khanikoffsur le Kborassan, et sera suivie de l'édition complète promise par M. D' Ave- sac, du traité de l'aimant composé au xiii' siècle par Pierre de Maricourt auquel il voudra bien joindre pro- bablement son mémoire sur la variation de l'aiguille ûmantée. Enfin, M. Jomard informe la Société de la présence à Marseille, de M. Pégboux capitaine an long cours, compagnon de voyage de M. Miani, et ajoute qu'il l'a invité à communiquer ses observations et à tracer une esquisse de son voyage au-dessus de Kbartoum, jus- qu'au moment oix il s'est séparé de M. Miani. M. le secrétaire général donne lecture de la liste des ouvrages offerts à la Société ; il dépose ensuite sur le bureau, la première feuille du mémoire de M. de Kha- nikoff, destiné à compléter le tome VII des Mémoires fie la Société. M. Gabriel Lafond développe, au nom de la section de correspondance, quelques aperçus touchant le bas- sin de l'Orénoque sur lequel des instructions ont été demandées par M. Grellet, ingénieur des mines, qui se propose d'entreprendre un voyage dans ce pays. M. Cortambert ajoute quelques considérations qui trou- veront place dans le projet d'instructions à transmettre à M. Grellet. MM. Francisco et Ramon Merino-Ballesteros, frères, sont présentés pour faire partie de la Société, par ( 491 ) MM. Jomard et de Sabir. Les mêmes membres présen- tent également M. Beaubrun-Ardoiiîn, ministre ré- sident de Haïti à Paris, et auteur d'une géographie de nie de Haïti, et d'une étude sur l'histoire de Haïti ; ce dernier ouvrage se compose de 11 volumes in-S**. La Commission centrale procède à la nomination de deux membres adjoints et de deux correspondants étrangers. Les membres adjoints élus sont MM. Deloche et de Rostaing; les correspondants étrangers, MM. Norton- Shaw, secrétaire de la Société royale géographique de Londres, et Foetterlé, secrétaire de la Société impé- riale et royale géographique de Vienne. M. Jager met sous les yeux de l'assemblée une table ou appareil géographique dont il est l'inventeur, et qui a pour but de faciliter à la jeunesse l'étude de la géo- graphie astronomique et mathématique. M. Cortambert est prié d'examiner cet appareil et d'en rendre compte à la Société. M. Elisée Reclus lit un rapport sur les travaux de la Société géographique de Genève. — Renvoi au Bulletin, M. d'Avezac donne lecture de quelques notes jointes à son travail sur la déclinaison de Taiguille aimantée, et dans lesquelles il a rejeté certaines remarques de détail qui répondent d'avance au désir manifesté par M. d'Abbadie d'une restriction à une confiance trop absolue dans la supériorité des appareils magnétiques de Gauss. M. Le docteur Moure commence la lecture d'une notice sur la rivière Paraguay. — Renvoi au Bulletin. (492 ) Séance du Yl mai 1861. M. le vicomte de Rostaing écrit à la Commission centrale pour la remercier de sa nomination de membre adjoint. M. Espina remercie également la Société de son ad* mission comme membre, et il annonce qu'il rendra compte des voyages et des travaux scientifiques actuel- lement en cours d'exécution dans la Tunisie. M. Ant. d'Abbadie transmet à la Commission cen- trale deux communications qui lui ont été faites par Mgr Massaja et par le père Léon des Avanchers, au sujet des pays du haut Nil et du cours du fleuve Blanc. — Renvoi au Bulletin, après quelques observations de MM. Jomard, Vivien de Saint-Martin, Trémaux, de la Roquette et Lourmand. Sont nommés membres de la Société : MM. Ramon et Francisco Merino-Ballesteros, et M. Beaubrun Ar- douin ministre résident de Haïti à Paris, présentés par MM. Jomard et de Sabir. M. Tissot, consul de France à Andrinople, est présenté pour faire partie de la So- ciété, par MM. Jomard et Espina. M. le président donne lecture des instructions adres- sées à M. Grellet, ingénieur des mines, qui se propose de faire un voyage dans le bassin de TOrénoque. M. Garnier annonce que M. d'Avezac l'a prié de faire excuser son absence, causée par une raison de santé. M. Barbie du Bocage termine la lecture de son tra- vail sur le Maroc. "S .. . ( 493 ) M. F. Lavallée lit une notice sur l'île de Puerto -Rico. Au sujet de la culture des bananiers dans cette île, dont parle M. Lavallée, M. Deloche annonce que l'ad- ministration centrale de la pépinière d'Alger fait de grands efforts pour naturaliser cette culture en Algérie. M. le docteur Moure continue la lecture de sa notice sur le cours du Paraguay. Séance du 1 juin 1861. S. E. M. le ministre de l'Instruction publique annonce à la Société que S. E. le ministre d'État a bien voulu, sur sa demande, accorder à la Société la collection da Journal des sauants^ à partir de l'année 1830. S. E. M. le ministre de la marine et des colonies fait don également à la Société d'une Carte du Sénégal, de la Falémé et de la Gambie, dressée en 1861, et pu- bliée par son département sous la direction de M. le colonel Faidherbè, par M. Brossard de Corbigny, ainsi que d'un Album des p(willons, guidons, flammes de toutes les puissances maritimes, par M. A. Le Gras. M. Beaubrun-Ardouin remercie la Société d'avoir bien voulu l'admettre au nombre de ses membres, et la prie d'accepter, comme témoignage de gratitude, plusieurs de ses ouvrages sur l'histoire et la géographie de Haïti. M. Francisco Ménno-Ballesteros remercie également la Société de sa nomination. M^ le colonel J. Schaffner, dans une lettre adressée ( à9h ) au secrétaire général, réclame le concours des observa- tions de la Société de géographie de Paris, relativement à son projet d'établissement d'un télégraphe électrique devant joindre l'Europe à l'Amérique par l'Islande et le Groenland. Il envoie en outre trois opuscules con- tenant les documents qui servent de base à son projet, et les observations et discussions qu'il a déjà soulevées devant plusieurs corps savants de l'Angleterre. — Renvoi des opuscules à M. Jules Duval. M. Malte-Brun annonce qu'il a reçu une lettre de M. le docteur Barth, dans laquelle le savant explora- teur témoigne de l'intérêt qu'il porte aux voyageurs français actuellement en Afrique , et notamment à M. Henry Duveyrier aux observations duquel il attache une grande importance. M. de la Roquette offre, de la part de M. Sédillot, un recueil de diverses pièces de littérature orientale de M. Sylvestre de Sacy, précédé de l'éloge de l'auteur, par M. le duc de.Broglie. M. Sédillot, l'éditeur de cet ouvrage, y a ajouté quelques notes, ainsi qu'une courte préface. M. Jomard profite de cette circonstance pour rap- peler les services rendus à la science par M. Sylvestre de Sacy père, et fait particulièrement l'éloge de sa traduction d'Abd-AUatif. M. E. Cortambert dépose sur le bureau un exem- olaire du tirage à part d'un article qu'il vient de pu- olier dans le Bulletin de la Société sous le titre de Coup cCœil sur les productions et sur les peuplades géo- phages et les autres populations des bords de l* Orénoque. M. le vicomte de Rostaing dépose sur le bureau un ( 495 ) numéro du Moniteur de la flotte^ qui contient l'analyse du dernier Bulletin de la Société. M. E. Cortambert lit un rapport sur la table géo- graphique de M. Jager. — Renvoi au Bulletin. M. le président dépose sur le bureau, de la part de M. de Khanikoff, un plan de la ville de Kirman, des- tiné, ainsi que celui de lezd, remis à une précédente séance, à accompagner le récit de son voyage dans le Khorassan, publié dans le tome VII des Mémoires de la Société. M. le docteur Moure termine la lecture de sa notice sur le cours du Paraguay. M. Alfred Jacobs donne d'intéressants détails sur la question d'Alesia. Il est prié de rédiger sur ce sujet une note pour le Bulletin. M. le président exprime à M. le comte d'Escayrac de Lauture, présent à la séance, tout l'intérêt que la Société a pris aux événements qui ont signalé son voyage en Chine, à la suite de l'expédition française. ( 496 ) OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ SÉANCES DE MAI ET JUIN 1861. EUROPE. Rese&u geogréfica , geolôgica y igrioola de Espana , redactadaf por D. Fraociico Coello, D. Francisco de Loiân y D. Agostia Pascqàl. T publtcadas por la coroision de estadisca général del reino en el annarto correspondiente à 1858. Madrid 1859, 1 vol in-4. M' Fbancisco Cobllo. Portugalis monumenta historica -a ssculo octavo post Christam usqae ad qatntamdecimam iussu académie scientiarum olisiponentis édita. Leges et consuetudines, volamen I, Fasciculus 11. Scriptûres, Yolumen I, fasciculi II et III. Olitipooe 1^58, 1860 et 1861. 3 vol. in-fol. Académie de» sciences de I^isbohne. Portogali» inscriptiones romanas edidit Levy Maria Jordâo. volamen 1. Olisipone. 1859, 1 vol. io-4. Académie des sciences db Lisbonne. Qaadro elementar das relaçôes polilicas e diplomaticas de Portugal com as diversas potencias do mundo, desde o principio do xvi se- colo da monarchia portogueza aie aos nossos dias cotligido e coor- denado pelo visconde de Santarem, e conliouado e dirigido peto socia da Academia real das scieacias de Lisboa Laiz Aagbsto Rebelle da Silva. Improsso por ordem do governo de Portugal. Lisboa, 1858, 1859 et 1860. Vol. xvi, xvii, xviii. Académie des sciences de Lisbonne. La Cornooaille et CorisopUum, réponse à la brochure des Curiso- Utes de César et des CorisopUes de la notice des Provinces par M. de Courson, à la nouvelle ophiioir de M. La Borderie sur le nom de Corisopitum et la colonisation de la Cornouaille et à ses éléments de rhistoire de Bretagne, par E. Halléguen. Paris, 1861. 1 broch. in-8. M. E. Halléguen. ASIE. Lendas da India por Gaspar Correa publicadas de ordem da classe de ^icteneias moraes» politicas e bellas lettras da Academia real das ( 497 ) sciencias de Litboa et sob a direccâo de Rodrigo José de Lima Felncr, socio effecfivo da mesma Academia. Obra subsidiada pelo goveroo de Portugal, tomo I, parte I et II, tomoll, parte I. Lisboa, 1858, i 859 et 1860, 3 vol. in- 4. Académie des sciences de Lisbonne. Recherches sur la topographie de Tyr, par P. A. Poulain de Bossay. Parts, 1861, 1 broch. in-8. M. P. A. Poulain de Bossat. AMÉRIQUE. Études sur Thistoire de Haïti, par B. Ardouin, ancien ministre d*Haliti près le gouvernement français. Paris, 1855-1860, 11 vol. in-8. — Géogra^b'ie de Tlle ^e Haïti, précédée du précis et de la date des évë^me'nts les plus remarquables de son histoire, par M. Ardbuin. Port-au-Prinee, 1856, 1 vol. tb-8. — Histoire des caciqàes d^Haïti, par le baron Emile Nau. Pdrt-au-Printe, 1855, 1 vol in-8. M. B. Ardouin. Coup d'œil sur les productions et sur les peuplades géophages et les àtltres pbpi^latîonè des bords de POrénoque. Rédigé principalement sur >stiotes de M. le D^ L. Plassard, par M. E. Cortambert. (Ex- trait do Bulletin de la Société de géographie). Paris, 1861, broch. in-8. M. E. Cortambert. pissertation sur les races qui composaient l'ancienne population du Pérou, par L. A. Gosse^ de Genève, docteur en médecine. Paris, 1861, 1 broch. in-8. M. L. A. Gosse. OUVRAGES GÉNÉRAUX, MÉLANGES. Silvestre de Sacy. — Mélanges de littérature orientale, précédés de r>r4toge de Pauteur, par M; le duc M. Is» GeOFFAOT SAINff-HiLAiRE. Album des pavillons, guidons, flammes de toutes les puissances mari- times,' avec texte, {ter M. A* Le Gras, capitaine de frégate, publié iova Ie4iiiaiatèr0 deS. E. Taiiiiral Hamelin. Paris, 1856^. ' > Lk MllimtRB DB itA MARINS BT DES COLOmBS. ( A98 ) Relations hiiloriques et théorie des imagef photo-électriqaef de la foudre, observées depuis l'an 360 de notre ère jusqu'en 1860, par M. Andrès Poey (2« édition). Paris, 1861, 1 broch. in-18. M. Andrès Pobt. Loi de la coloration et de la décoloration des étoiles, du soleil et des planètes, par Andrès Pocy. (Extrait de l'Annuaire de la Société météorologique de Franco.) 1861, broch. grand in-8. M. Andrès Pobt. Résumé des observations recaeillies en 1860 dans le bassin de la Saône, par les soins de la commission bydrométrique de Lyon. Memoria sobre el éclipse de sol de 18 julio de 1S60, par D. Francisco dePaula Marquez. Madrid, 1861, 1 vol. gr. in 8. D. F. DE Padla Marquez. The norlh atlantic telegraph via the Fœrbe isles, Iceland, and Green- land. 3 broch. in 8. London, 1861. M. le colonel Shaffmbr. Essai sur les croisements ethniques, par M. J. A.-N. Perier, 2 broch. iD-8. M. J. A-N. Perier. A TLAS ET CARTES. Carte du Sénégal, de la Falénié et de la Gambie, jusqu'aux limites où ces rivières ont été explorées, dressée sous la direction du colonel du génie L. Faidherbe, gouverneur du Sénégal et dépendances, par le baron Brossard de Corbigny, capitaine de frégate, publiée par ordre de TEmpcreur, sons le ministère de S. E. M. le comte P. de Chasseloup-Laubat, 1861. . Le ministre de la karine et des colonies. Empire romain, dressé par A. H. Dufour. Paris, 1861. 1 feuille avec texte. — Suisse et nord de Pltalie, dressé par A. H. Dufour. Paris, 1861. 1 feuille avec texte. M. A. Le Chevalier. Peninsula espanola por don Francisco Coello, escala l/lOOOOOO*'. Ma- drid, 1861. 4 feuilles. M. Francisco Coello. Atlas der Alpenlânder. Scbweiz, Savoyen, Piémont, Sud-Bayern, Tirol, Salzburg, Erzherzogthum OEsterreich, Steyermark, Illyrien, Ober-Italien, etc. Nach den neuesten Materialicn bearbeitet, von J.-G. Mayr. Drille Lieferung, Section III, und VI. Gotha. M. J. G. Matr. ( 499 ) Carte militaire des Pays-Bas» feuilles de Steenwijk, Goedereede» Wellemstad. 3 feuilles. Ministère de la guerre néerlandais. MÉMOIRES DES ACÂÔÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES, RECUEILS PÉBIODIQUES. Proceedings ofthe Royal Geographical Society ofLondonf vol. V, n* 1. Exlracts from a letler from D' Shaw on a proposed exploration in North-Westcrn Australia under M. F. T. Gregory, 29 août 1860. — Exploration of thc districts near the Burdekin, Suttor, and Belyaado rivers, in N. E. Australia, by M. E. Dalrymple, — Ex- ploration of Central Australia frorn Melbourne, via CooperCreek. — Abstracts from letters from tbe East Afriean expédition under Captains Speke and Grant. — Notes on South Africa, by M. J. Chapman, — Consul Petherick's, Expédition up the Wbite Nile. — On the physical Geography of the Sea, in connection with the Antarciic Régions, by Capt M. F, Maury, U. S. N. — Mémoran- dum of a journey from Khartum by the White Nile, Bahr-el- Ghazai, and in the interior of Central Africa, during the years 1857-58, by J.Petkeriek. Proceedings ofthe Royal Society, n" 43, Janvier-mars. The Transactions of the royal irish Academy , vol. XXIV, part. I. Mittheilungen de Petermann. 1861, n*' 5. Expédition de M. Heuglin dans Tintérieur de TAfrique. Lettres d*Alexandrie, 17 mars 1861. — Journal du voyage de J. Mac D iin MabriMjf '^ / RAD E Cnwéckex jTnp.>Janson- AM^Attiotne Duiboit. i SocieiC'di BiMednyde'McLrt' iffûi. 3f. ;es ^ L.'IMbw "^ K RAD E jTnp.Klanson AKAntoine. DUboir. PIERRE DAUSSY Frcsidcnl l^':;w^^lre de !a Société de Cêo^raphie , ;,i.ri-ri II f--, :-iiL hydrographe enchel ickManne ,mbre de l'Academit des Saences « du Bureau des Lonjjludes (; ^or/d àm kSJirptanère i86d s /sge de 6^ sni . iik •/'/'/<' t/r Oc V ■ M ai "y fuin jSfii . ^ fi kU-iat/ar Pahoui'nrotij- ^a/' le- Awérefi^ JT" /frr-f THÙ'j'iannaù'e eunérfcaift-. ij ^'^ O^ A't- ^^ <^ 1^0^^^ V :^>V i^^ Vs^' FF. P ays Ae Minnkândji if A'inntfo-AifHiin et lif ('an
  • <-. Abr^viuUonN . FF. f'ahouiru' taon. P. M. raluHiinje Malni , Ha. Trihiis- Hakoiéis peuplr tf.4llntiav B. MU/uftrx Houivu.f ou Sheàioni . jrtoo^^S' CRooris I des pays liomiés fKir le» rivières llMHIt-niNLO ET ItMÊ affluenU DU GABOJ^ et de la conlrée sitaéo a l'Est de ces deux rivières et arrosée par le Fleuve Ogo-Uwaï jai ]f Riuouezec lient* deV" iinnui /^F. O Itttp Jamvn ti.H..hi4oinf Un h K>i.y Sociète d^' OcÀ MavzJuin- lââi. (vban^m ^mgdfo^ . -^À FF. IF au dessus de Sed'hiou i'après le travail de^ Parchappe Enseigrne de Vaisseaa, £cb«llede5ilUles mariiu. =i= to' 15' Crave'chéX Ertuiti Paru Imp.Jantvn^6JL4niotn»Jhihoir.